Je danse, je danse !
Florence Boisseau
Imaginez une toute petite fille née un pâle midi d’hiver de fin décembre, il y a plusieurs décennies. Dans la clinique où une crèche grandeur nature était installée, une mangeoire attendait d’accueillir un vrai bébé mâle pour symboliser la naissance de l’enfant Jésus. Mais trois jours avant la date fatidique du 25 décembre, il ne naissait pas de garçon. Tant pis, une fille ferait bien l’affaire, bien emmaillotée on n’y verrait que du feu. C’est ainsi que je fis mon entrée dans le monde, posée sur de la paille, entre un bœuf et un âne gris et exhibée aux regards de tous.
La suite est plus linéaire : une vie de petite fille sans histoire, âme sensible sans souffrance… ah si quelques dents cassées sur la balançoire, des maux de ventre récurrents, mais aussi un imaginaire débordant, matériau fertile qui alimente les écrits d’un premier cahier intime de collégienne. Une histoire d’amour entre une adolescente et son cheval vient ensuite noircir les pages d’un cahier de brouillon : romanesque aventure qui restera inachevée.
Tant pis, l’envie d’écrire est là, tapie au fond d’un tiroir, cherchant le bon moment pour jaillir de l’ombre.
Les mots continuent leur course folle et livrent les états d’âme de l’enfant timide, devenue étudiante en langues étrangères. Les années passent, la jeune fille devient femme, se marie et nourrit des espoirs d’enfantement. Sauf que le destin prend pendant plusieurs années une tournure tragique et peu banale. L’écriture s’interrompt pendant cinq ans, le temps de vivre un premier drame. Les pensées insouciantes s’évanouissent et crachent leurs maux sur le journal intime de la mère qui perd plusieurs enfants. Quelque chose de fort la pousse à coucher des ressentis, des cris de révolte et de douleur sur le papier. Amoureuse des langues et des voyages, elle cherche dans les horizons lointains et aventureux le goût du sel de la vie, elle qui a combattu contre la mort. Elle fait rimer le mot souffrance avec le mot espérance et la chance lui sourit : la vie refleurit.
La publication d’un premier livre la propulse vers le réconfort qu’offre l’écriture et les lettres dansent à nouveau devant elle, avec la même joie qu’elle éprouve en faisant bouger son corps au rythme d’une musique entraînante : l’envie de faire jaillir tout ce qu’elle a en elle, au rythme de ses passions.
Les mots sont les notes de musique de la partition de vie qui me reste à écrire…
Etre plus forte que la vie, toujours! Et puis danser, danser, danser avec les mots:
· Il y a environ 11 ans ·Frédéric Clément