Je ou Nous?

Je ou Nous ?

Toujours dans ma série de cours magistraux sur la grammaire française, (j'ai été docteur Honoris Causas intérimaire à la Sort-bobonne pendant deux jours avant qu'ils ne me virent manu-militari), nous allons étudier aujourd'hui l'emploi du Je et du Nous dans les textes.

Concrètement doit-on dire Je ou Nous dans un texte ?

Car le Je et le Nous sont les genoux autour duquel nos egos (plus ou moins sur ou sous-dimensionnés) s'articulent...

Il y a deux écoles.

L'école du Je que nous appellerons l'école Jetiste. Et l'école du Nous que j'appellerais l'école Noutiste...

Il y a aussi l'école Jemenfoutiste, mais je n'en parlerais pas ici car ça nous éloignerait trop de notre sujet.

Notre sujet qui est, je le rappelle, un pronom personnel : soit de la première personne du singulier soit de la première personne du pluriel.

Et c'est là que les choses se compliquent. En effet, pourquoi dire Nous dans un texte, alors qu'on est seul ?

Le Nous, logiquement, est censé désigner plusieurs personnes, alors pourquoi donc l'employer à la place du Je ?

Si l'on a une personnalité multiple, l'emploi du Nous, bien que schizophrénique, peut se justifier...

Mais n'est-ce pas un peu prétentieux de faire croire aux lecteurs qu'on est plusieurs alors qu'on est tout seul à écrire ?

Oui, mais ça fait plus riche...

En employant le Nous, on se sent plusieurs, et comme à plusieurs on est plus forts, on se sent donc moins seul...

Nous emploierons donc le Nous dans un texte quand on veut se sentir moins seul ou quand on est schizophrène. (Ou les deux à la fois).

Sommes-nous bien d'accord ? (sinon je vais faire un somme...)

Car oui l'Auteur est trop souvent seul face à ses lecteurs, seul face à sa page blanche, seul face à la vie en général, et le Nous permet à un Auteur de prendre un peu de hauteur (même si ça fait un peu hautain du coup...).

Le Nous fait sérieux, il est  neutre (en apparence).

Si tu dis Nous tu ne parles pas de toi, mais des autres, tu les englobes en tout cas avec toi dans ton discours (même s'ils n'ont rien demandés!).

Si tu dis Nous, tu signifie au lecteur que tu met ton ego de coté, mais en même temps, pourquoi donc s'effacer ainsi et ne pas affirmer haut et fort son JE, son JE, unique et flamboyant ?

Le Nous est en réalité, sous couvert de neutralité, très impersonnel, le Nous est faussement modeste. Le Nous nie le Je.

Le Nous nous nie !

Et si le Nous nous nie, nous serons niais, telles des nounous !

Je dis donc, (nous disons donc), non au Nous ! Oui au Je !

Le Je c'est le jeu ou tu joue avec ton Moi, c'est le jeu ou tout se dénoue...

Le Je est populaire, le Nous est aristocratique, autocratique.

Le Roi Soleil, pour parler de lui disait toujours « Nous ! »

« Nous avons décidés que...Nous pensons que... »

Le Nous nie l'autre en fait...

Le Je lui, se met en jeu, il ne se prétend pas impartial, ne s'affirme pas objectif, ni scientifique...

Le Je, malgré son aspect narcissique, individualiste, paradoxalement, est plus universel, parce que chacun de nous est un Je en fait...

Mais l'on peut s'amuser entre le Je et le Nous, aller de l'un à l'autre et faire joujou avec eux...

Tenez, l'autre jour dans un bistrot où j'entrais pour la première fois, lorsque le patron me demanda ce que je voulais, je lui ai lancé royalement un : « Nous voudrions un demi bien frais, et sans faux col s'il vous plait ! »...

Il a regardé derrière moi, et m'a demandé : « Mais ou sont les autres ? »

Je lui ai répondu : «  Nous l'ignorons, ils se seront perdus en route probablement... »