<< Je suis l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin. >>

Si je tends le bras, peut-être parviendrais-je à la toucher ? Pourtant, je ne saurais la retenir. Elle est imprévisible, et chaque instant passé à ses côtés pourrait être le dernier. Je le sais, et je l'ai toujours su. Un jour, elle décidera de s'enfuir, et je ne réussirai pas à la rattraper. Elle est maligne. Certainement trop pour eux d'ailleurs. Trop intelligente pour se contenter de suivre les règles qu'ils nous ont énoncées et imposées. Trop intelligente pour accepter de dissimuler son visage sous un déguisement de mouton. Elle a cette force, ce courage, qui lui permet de lutter contre les injustices, et de ne jamais renoncer. Je l'admire, et c'est pourquoi je reste avec elle, et je continuerai de le faire, coûte que coûte, quoi qu'il advienne. Sur sa peau, elle a gravé à l'aide d'un bout de verre ''seule''. Et cette solitude demeurera incrustée sur son corps, visible par ceux qui savent où regarder, à jamais.

Certains soirs, lorsque nous ne sommes que tous les deux, elle me murmure des mots, doucement, pour me rassurer. Elle dit que tout va bien, que tout sera bientôt fini, mais je ne veux pas que cela cesse. Elle me réchauffe, me serrant contre elle, et j'ai l'impression de n'être qu'un oisillon tombé du nid. C'est un ange, elle est magnifique. Ses traits sont fins, son teint pâle, et son regard apaisant. J'ai succombé à sa beauté, à sa délicatesse. Sa grâce n'est plus humaine, car son cœur semble gelé. Elle donne de l'amour, mais ne désire nullement en recevoir.

Il y a une semaine, tout au plus, elle m'a emmené dans un pré, et m'a demandé de m'allonger, puis de fermer les yeux. J'ai obéi tel un automate, et sa voix résonnait dans ma tête. J'ignorais si je rêvais, ou si ce moment était réel. En y repensant, je constate qu'elle fait de ma réalité un rêve, et qu'elle n'est qu'illusion. La vie n'est plus rien à ses yeux, elle n'est qu'un fantôme.

Étendu dans l'herbe fraîche, j'attendais un signe. Elle a déposé un baiser sur mon front, et m'a chuchoté dans le coin de l'oreille :
<< J'ai besoin que tu me rendes un service.>>
Je savais de quoi il s'agissait, mais je me suis tu.
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J'ai fermé mes paupières, priant pour me réveiller sur un matelas épais, emmitouflé dans des couvertures confortables qui me permettraient de me sentir vivant, rien qu'une fois.
<< Dis-moi, tu sais ce que je veux dire ? J'en ai besoin, je t'en supplie. Un dernier service, juste un, et après, je te laisserai en paix.
-Je ne veux pas que tu me laisses.
-Il est trop tard. Ils ont gagné. Regarde-moi. Regarde-moi ! Je ne suis qu'un tas d'os. Je n'attends plus que le moment soit venu. Laisse-moi. Fuis-moi. Je te détruirai. Je t'ai déjà fait tant de mal. >>
Mes joues furent rapidement inondées de larmes, et j'ouvrais mes yeux à nouveau. Elle était penchée sur moi, et me fixait. J'entrouvris les lèvres pour parler, mais elle déposa un doigt sur celles-ci, et je compris que c'était la fin. Je me relevais, péniblement. Elle me tendit l'arme. Le toucher du métal glacé me fit frissonner, mais la peur avait volé en éclats. Elle me tourna le dos, observant une dernière fois le coucher du soleil, et annonça :
<< Je vais enfin être libre. Je vais enfin me sentir vivante. >>
Le coup de feu retentit.