Je suis peut-être un topinambour.

esperluette

Hier, pour trouver du repos, je savais où je devais aller. Chez mes parents. Le chez moi qui restera à jamais mon meilleur chez moi. Aujourd’hui, j’ai toujours ce chez moi, mais il ne me calme plus.


Rue de la prairie.

Je m’envie moi-même quand je vois la maison. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, elle ne me calme plus. J’ai besoin d’avoir de l’agitation autour de moi. Ma mère ne s’agite pas beaucoup. L’élément agitateur pourrait être la queue de mon chien.J’aime mon chien, pourtant, dès que je le caresse, je me sens dans l’obligation immédiate de me laver les mains. Je ne sais pas si c’est mon chien qui pue particulièrement, ou si c’est moi qui débloque.
Je ne dois pas être normale.
On me le dit souvent.

Impasse de l’Hôpital Central.

Il y a un endroit qui ne pourra jamais être mon chez moi, c’est les hôpitaux. Pourtant, j’adore les séries qui se passent aux urgences, j’aime bien les mots qu’ils emploient avec plein de –scopies, et de –phoïdes.
Si un jour on me parle de scopie, cela voudra dire que je suis malade.
J’y pense, si un jour je meurs, ça c’est sûr, un jour je vais mourir, mais si je meurs et que je suis encore plutôt en forme à l’intérieur, je donnerais tout ! Mon cœur, mes beaux yeux, mon stylo, mes orteils,… Tout.
Ça c’est les hôpitaux, ça me fait toujours cet effet-là. Ça pue la mort.

Rue inconnue.

Quand je suis dans une ville que je ne connais pas, je ne branche pas mes écouteurs. Comme si la musique de la ville, différente de la mienne, m’était indispensable pour avancer. Par contre je mets mes écouteurs dans le bus, le train ou sur un banc. Et puis, quand quelqu’un proche de moi se met à parler, je mets pause et j’entends tout.
C’est pour ça que la télé réalité marche.


Square des signes.

Cela fait deux jours que je n’ai pas parlé. Du coup quand je veux parler, j’ai la voix rauque, comme si j’étais malade ou que je fumais. Comme je ne communique pas, je regarde beaucoup.
Ce n’est pas forcément beau, alors je ferme les yeux.

Route Je ne suis plus un enfant.

Je vous ai déjà dit que j’étais fragile ? C’est ce qu’ils écrivent à la maternité sur le poignet des bébés. Le mien n’a jamais cassé.

Pont de l’âge.

Je sue de plus en plus. Je serais vieille, je serais morte. Je ne suis pas morte, je suis juste moite. Quand on est moite, on ne pense qu’à ça. On s’assoit, on colle. On sert une main, ça colle. On prend la rambarde d’escalier, ça colle. On retire de l’argent au distributeur, ça colle...
Pas moyen d’oublier. Comme ce môme qui braille.


Église des Je me souviens.

Je ne suis pas une pleureuse. À mon premier enterrement, je n’ai pas versé une larme. Alors on m’a renvoyée. « Tu dois pleurer. » À mon second enterrement, je me suis vidée entièrement. On m’a renvoyée. « Tu fais trop de bruit, on n’arrive pas à communier ».

Banc de pigeons.

Quand je suis fatiguée, vraiment fatiguée, je peux pleurer à tout moment. Les larmes sont plus grosses quand c’est mon jour d’ovulation.
Je ne suis pas normale.
Il n’y a pas de normale. On fait tous semblant, c’est plus rassurant. On a tous besoin d’être rassuré. Alors, on part s’acheter une robe ou un café.

Allée de quiétude.

Il ne pleut toujours pas et je ne suis toujours pas chez moi.
Les kilomètres parcourus à pieds m’ont calmée.

L’exercice cet après-midi était de marcher au hasard. Je me donne des exercices pour lâcher prise avec moi.
Maintenant, j’ai mal aux pieds.

Centre commercial.

Je ne me mets jamais en robe, ou tout autre vêtement dévoilant le bas de mon corps. Je n’aime pas dévoiler ma blancheur. J’aurais aimé être métisse. C’est pourquoi, petite, je rêvais des hommes noirs. Depuis que j’en ai connu un, j’ai l’impression d’avoir accompli une mission. Maintenant, je n’ai plus de préférence dermique. 

Hôtel de Bonne-Espérance.

Je dors mal, longtemps mais mal. Avant, quand mon chez moi me calmait encore, je rêvais beaucoup. Maintenant, la nuit, je sue et je crie.
Paraîtrait que ça cache un traumatisme.

Parking du Retour.

Je suis plutôt du genre à avoir la tête en l’air. Bien que je sois stressée, rigoureuse, et tout. Ce n’est pas incompatible.
Une chaussure droite pour un pied gauche, ça c’est incompatible.

Je pense que d’autres hommes ont la même histoire que moi.
Partis à la recherche d’un lieu où ils se sentent bien. Nous nous ressemblons tous sacrément.

Je relis les mots que je viens de griffonner à mon retour. Une vision bien étrange de cette semaine passée en ville inconnue.
Demain, je raconterais mon histoire avec d’autretermes. Des plus enjoués. Ce sera encore une autre histoire de ces jours vécus.
Il n’y aura pas mes petites pensées les plus sombres, mais mes aventures extraordinaires.
Je deviendrais une exploratrice incroyable. Et je vous ferais rêver…
Mais ce soir, je suis fatiguée.
Je vais me coucher.

Bonne nuit.

Signaler ce texte