je suis un glandeur

Hervé Lénervé

Quand on y pense, on n'est bien peu. D'ailleurs, puisqu'on y pense, une anecdote à ce sujet me revient de loin.

Celle d'un bucheron, l'ennemi des arbres, qui part de beau matin, la hache sur l'épaule pour revenir le soir, mort. Ca fait réfléchir, quand même ? On a beau admettre que ça arrivera un jour, on arrive pas à s'y faire. Mais dans la même journée, ça surprend quand même. Des fois, il y a des signes annonciateurs, un bon cancer qui dure des ans, on a le temps de voir venir. Mais là, rien, le bûcheron, il n'avait rien. Il sortait même d'un check up complet le matin, pratiqué sur le chemin qui mène aux bois. Mais une morsure de vipère, ça ne prévient pas.

De toute façon, il était con ce bûcheron de partir en forêt en tongs, parce que ses bottes n'étaient pas seiches.

Donc, moi, j'y pense ! Je suis peu, mais comme je n'étais déjà pas grand-chose avant, c'est plus facile à admettre. Une fois, j'ai ressenti cette troublante insignifiance de mon être face à mon non-être. Je sais, ce n'est pas très clair. Au moins, je pourrais sereinement répondre à la question, « Mais, toi, ma fois qu'as-tu fait de la vie que je t'ai donnée ?  Rien ? Même pas un p'tit truc de pas grand-chose ? »

Non rien du tout.

Rien de rien,

je ne regrette rien.

Ni les trucs que je n'ai pas faits sans en avoir eu, seulement, l'intention de les faire.

Non de non, je ne regrette rien de rien.

« OK, encore un glandeur. Il n'y a que ça, en ce moment. Au suivant ! »

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