je suis une femme et mon coeur est grand

Caroline Audouin

Je suis une femme et mon coeur est grand Mais ses portes rétrécissent à chaque jugement Oui, je suis cet être de chair, de sang et d'émotion qu'on catégorise en femme, sous-groupe des Hommes. Je suis moi, imparfaite, et réelle, loin de l'idéal que la société projette. Je suis à la fois trop et pas assez, si peu et tellement plus. Mais l'image à laquelle je dois « coller » nécessite un mode d'emploi qu'il aurait fallu m'implanter. Car si je suis enveloppée, je me néglige. Si je ris trop, je suis immature. Si je ne ris pas assez, je suis coincée. Si je suis trop coquette, je suis futile. Trop masculine, sûrement gouine. Si je suis seule, sûrement légère, ou désespérée. Je suis moi, je suis « femme », je suis tour à tour toutes ces choses là, mon caractère n'est pas linéaire, il y a des hauts, des bas, il y a du feu, des froids. On évoque l'hystérie, comme au bon vieux temps des inquisitions, on évoque les émotives, sûrement dictées par ses « choses féminines », celles qui arrivent une fois par mois et qui nous chamboulent, mon dieu, redescendez ! Je suis tour à tour une femme, une amie, une travailleuse, une cuisinière, une sportive, une ménagère, une fille, une soeur, une infirmière ..... Laissez moi être imparfaite. Arrêtez de me mettre la barre si haute, je ne m'épuiserai pas à lever les bras pour l'atteindre, j'ai tant essayé, c'est impossible. Mais je suis une femme et cela me donne un droit : celui de pouvoir avouer ce qui me touche, me blesse, ma tendresse, mes failles et ma sensibilité tout en « collant » à l'image que se fait de moi la société. Alors je prends ce droit et je l'utilise pour ceux qui doivent rester pudiques, forts, terre à terre, tous ces hommes dont l'image ne doit jamais faillir. Je fais partie des Hommes, et nous portons le même fardeau ; celui du regard de ceux qui ont la vue courte, de ceux qui ne voient que ce dont ils ont besoin, de ceux dont on se fout mais qui nous touchent quand même, un peu, de cette barre bien haute qu'on atteindra jamais. Nous sommes des Hommes et notre coeur est grand. Mais ses portes rétrécissent à chaque jugement

Signaler ce texte