Je t'aime. Adieu.

anonyme

     Mon ange,

     Te souviens-tu du jour où nous nous sommes rencontrés ? J'en doute. A l'époque, tu ne m'accordais jamais un regard, malgré ma présence quotidienne à quelques mètres de toi. Aujourd'hui, je peux te l'avouer : chaque jour, je m'asseyais quelques rangs derrière toi, pour te contempler à loisir sans être vu. Trop parfaite pour être réelle, tu étais mon ange, mon inaccessible rêve. Jamais je n'aurais osé t'aborder. Puis un jour... le moins-que-rien qui te servait de petit-ami t'a quittée, emmenant avec lui ses inamovibles lunettes et son éternelle cigarette, que tu trouvais si « cool »... En voyant ton air éploré, j'aurais dû être compatissant. Mais pour être franc, mon cœur s'est mis à cogner : enfin, tu étais célibataire ! Enfin, tu étais libre de t'intéresser à d'autres hommes ! Enfin, tu allais être en mesure de me remarquer, moi!

     Lorsque je repense à ce que j'ai fait ensuite, je suis partagé entre la honte et une forte envie de rire. J'imagine très bien le regard que je devais avoir lorsque je me suis approché de toi : la lueur qui brillait au fond de mes yeux était le reflet d'un excès d'amour, mais elle pouvait aisément passer pour un symptôme de folie furieuse. Après tout, il y avait peut-être un peu des deux... Poussé par ma passion, ignorant ma raison, je me suis avancé vers toi, et j'ai prononcé ces mots maladroits : « Il a bien fait de te laisser tomber! » Je n'ai pas immédiatement compris pourquoi tu m'avais giflé, ni pourquoi tu m'avais traité de « sale porc ». Ce n'est qu'une fois l'euphorie du moment retombée que j'ai réalisé le double sens de mes paroles.

     Ce soir là, après avoir passé au moins trois heures à préparer minutieusement ce que j'allais te dire, j'ai sonné à ta porte. Imagine ma déception lorsque j'ai vu ta colocataire ouvrir à ta place! Elle m'a d'abord jeté un regard noir (je suppose qu'elle avait assisté à la grande scène tragi-comique de la gifle, ou que tu la lui avais racontée). Puis, voyant l'énorme gâteau au chocolat en forme de cœur que je tenais dans mes bras, elle a souri, m'a invité a entrer, et m'a conduit jusqu'au salon, où tu étais occupée à pleurer toutes les larmes de ton corps. Je t'ai prise dans mes bras, et t'ai avoué mon amour. Deux jours plus tard, nous nous promenions main dans la main dans les rues de la ville.

     Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout cela... Sûrement parce que je viens de passer les six plus beaux mois de ma vie à tes côtés. Le malaise que j'éprouve en ce moment en est d'autant plus profond. Lorsque je t'ai aperçue hier soir, assise à la terrasse d'un café, accueillant d'un éclat de rire les paroles du séducteur de bas-étage qui se tenait près de toi, j'ai ressenti tour-à-tour un profond écœurement, de la rage, une envie d'ôter la vie à cet importun...

     Aujourd'hui, je n'éprouve plus que de la colère. Contre moi. Comment ai-je pu croire qu'une femme comme toi passerait sa vie à mes côtés ? Je préfère te quitter dès maintenant, plutôt que d'attendre que tu m'annonces que tu en aimes un autre. Je ne peux vraiment pas vivre en sachant que tu me briseras le cœur : ce serait comme une petite mort.

     Je te demande pardon. J'aurais préféré te dire tout cela en face, mais j'aime encore mieux me comporter comme un lâche que de devoir affronter mon chagrin... et le tien, qui sait ?

     Je t'embrasse, une dernière fois.

     Je t'aime.

     Adieu.

  • Que dire... Cette lettre elle devrait la lire, car on ne pourra trouver plus d'amour que dans celle-ci. Un homme qui quitte sa femme par amour, pour éviter qu'il souffre? non tu n'es pas lache, tu as le courage de partir. Il faut vraiment en avoir pour quitter la personne qu'on aime

    · Il y a presque 13 ans ·
    20140725 185326

    Cindy Dydy

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