Jeux de miroir (2)
matt-anasazi
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Sarah demanda conseil à son miroir pour la vingtième fois en l’espace de cinq minutes. Elle inspecta son visage : crayon noir pour les yeux, fond de teint mat léger, gloss rosé goût fraise et une mousse pour gonfler ses cheveux blonds fins. Partagée entre l’impatience et l’anxiété, elle tentait de se composer un visage.
La même question passait en boucle dans sa tête : « Comment me verra mon petit ami ce soir ? » Son regard partit de ses cheveux mi-longs qu’elle avait toujours trouvés trop plats. Ils encadraient son visage en pointe, mince enfin. Ses yeux verts, d’habitude pleins d’étincelles, étaient dilatés par le trac ; son nez triangulaire frémissait à chaque son du dehors. Elle repassa une nouvelle fois du gloss sur ses lèvres fines. Elle aurait donné n’importe quoi pour avoir les lèvres de Dorothée, bien charnues et voluptueuses en diable. Elle jeta un œil à sa tenue. Un petit chemisier blanc à motifs, cintré par une martingale pour faire ressortir sa poitrine, un pantalon près du corps suggestif.
Premier rendez-vous, le point de départ dans une relation, lui avait dit sa mère. Comme si la pression de ses copines ne suffisait pas ! Depuis des années, elles la harcelaient : à quand le bécot, à quand le ciné, à quand la première fois !
Pendant une seconde, le reflet renvoyé par le miroir lui sembla complètement étranger : cette image, ce n’était pas elle ! Sarah s’était toujours démarquée des filles de son âge. L’embonpoint subi, puis transformé en moyen de défense, le rejet du diktat de l’apparence, tout ce qui avait structuré sa pensée fondait pour les beaux yeux d’un garçon. Sa main s’apprêtait à saisir la lotion démaquillante. La sonnette la sortit de son état second et la replongea dans la réalité. Julien, enfin !
La porte s’ouvrit sur le visage de Michael tout sourire. Sarah resta sans voix : quinze jours de silence total, d’esquive de la moindre question à propos de l’incident, de plaisanteries creuses masquant à peine son malaise, et le voilà devant sa porte, comme si de rien n’était !
« Sal… » Le souffle coupé, Michael se figea. L’admiration, l’incrédulité et… un sentiment indéfini encore passèrent tour à tour dans les yeux du jeune homme. Il n’aurait jamais imaginé sa meilleure amie habillée et maquillée ainsi ; le spectacle valait le détour, visiblement !
« Michael, j’ai cherché à te parler depuis des jours ! Comment tu te sens ?
- Super cool, comme d’hab’ ! Ma devise, tu la connais : les blagues de Spiderman sur l’air cool de Gambit[1].
- Arrête de faire le fier-à-bras ! Tu ne sais pas mentir ! » Les yeux de Sarah lancèrent des éclairs. L’espace d’une seconde, le sourire de Michael se changea en rictus gêné. Puis ses yeux s’étrécirent.
« Et toi, fringuée comme la parfaite midinette, tu peux me faire la leçon ! C’est pour quelle occasion, le mariage de Kate et William ou celui de Superman ?
- Tu esquives encore ? Mais je sens bien que ce que Jérémy t’as fait continue à te pourrir la tête. » Elle baissa la voix. « S’il te plait, laisse-moi t’aider ou au moins parle-moi.
- De quoi ? Et pourquoi ?, lâcha Michael, amer. Tu joues la sœur ou la psy ? Désolé, je suis pas client. Je pensais passer une bonne soirée avec ma meilleure amie, pas me coucher sur un divan…. » Ses yeux se perdirent dans le vague. « Surtout pas te voir partir à un rendez-vous, attifée comme…
- Comme quoi ? » Sarah n’entendit même pas les bruits de pas précipités dans l’escalier ; seul le sang battant dans ses oreilles emplissait son esprit. Michael ouvrit la bouche, resta ainsi quelques secondes, puis baissa la tête pour tourner les talons. Il s’en alla, s’envola pour être plus juste. Sarah jura avoir vu quelques larmes pointer dans les yeux du jeune homme.
Quand elle ferma la porte, Sarah se rendit compte que sa mère avait assisté à la fin de l’altercation. Son air atterré témoignait de son incompréhension et de son désarroi. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » La phrase vrilla l’air, rendu solide par le désespoir de Sarah.
« J’ai perdu un ami… peut-être plus. »
[1] Ces deux personnages sont des héros de bandes dessinées américaines (Gambit est un X-man)
ça aussi c'est vieux comme le monde, l'ami de toujours et puis on s'aperçoit que c'est l'amour de sa vie et on passe à côté car on ne l'a pas vu tellement habitué à sa présence...je pense que tu vas arranger ça au fil de l'histoire
· Il y a presque 11 ans ·yoda
Du rendez-vous manqué à la déception marquée.
· Il y a presque 11 ans ·Archange Flippé
@archange Joliment dit
· Il y a presque 11 ans ·laera
@laera Merci. Pour Matt aussi.
· Il y a presque 11 ans ·Archange Flippé