Jungle Pulse

ludivine

C'est l'hédonisme qui règne en maître, l'œil qui pétille en touche finale, non dénué d'une certaine ironie : chacun sait pourquoi il est là, inutile d'en faire plus.

C'est  l'endroit idéal, celui qu'ils n'espéraient plus…sinon dans le fantasme qu'ils déroulaient volontiers ensemble, s'échauffant l'esprit d'un dialogue enfiévré pour mieux savourer la fusion de leurs deux corps.

Ils échangent un regard complice, descendant incrédules la volée de marches de pierre qu'ils croyaient n'exister que dans leur imagination. Comme dans leur rêve éveillé l'endroit ressemble tout simplement à une petite boîte de nuit chic : pas d'angelots aux poses suggestives ni d'estampes licencieuses, pas de tentures  rouges soulignant lourdement la vocation du lieu. La décoration est sobre et de bon goût, et l'érotisme du lieu imprègne les esprits plus que les murs.

Les gens sont plus ou moins jeunes et plus ou moins branchés, mais on n'y voit ni body-builders décolorés ni bimbos à piercings. L'élégance est la règle, la séduction règne en légèreté, faite de ces détails subtils mais flagrants pour un œil aiguisé par le désir : jupe fendue haut sur la cuisse, top en soie au décolleté profond, galbe d'une cheville souligné par la bride d'une sandale à haut talon. Pour les hommes, sobriété et discrétion : les chemises sont claires, les pantalons bien coupés, l'œil brille d'un désir savamment maîtrisé.

Pas d'hommes seuls ventripotents aux regards affamés, hantise de Léo et fléau de ce genre d'endroits.

C'est l'hédonisme qui règne en maître, l'œil qui pétille en touche finale, non dénué d'une certaine ironie : chacun sait pourquoi il est là, inutile d'en faire plus.  Les regards se frôlent, s'apprécient discrètement, se parlent en silence mais n'appuient pas plus que nécessaire. Juste un peu plus directs et prolongés qu'en boîte de nuit, juste ce qu'il faut pour se sentir désiré. Leonore se sent regardée par les hommes comme par les femmes, elle aime ces regards sur ses fesses galbées par sa jupe ceinturée et ses jambes profilées par ses hauts talons. Bruno récolte aussi sa moisson de regards, hommes comme femmes lui aussi, sa haute taille, ses épaules puissantes et ses yeux verts retiennent l'attention.

La musique pulse, forte mais moins qu'en boîte de nuit, permettant la conversation.  Programmation éclectique, bon mix de disco et d'électro, la musique n'est pas le centre de tout mais contribue à l'ambiance en donnant envie de se déhancher sur la piste où les regards se font plus appuyés, les frôlements plus marqués.

Léo tourne au champagne, juste ce qu'il lui faut pour une griserie légère, lui permettant de danser sans inhibition ni complexe. Sur cette piste de danse elle se sent à l'aise, elle voit bien que les regards s'intéressent plus aux courbes de son corps et aux mouvements de son cul qu'à son piètre sens du rythme. Au gré de ses mouvements, l'ouverture de sa jupe portefeuille dévoile fugitivement sa cuisse gauche, parfois même la lisière de son bas noir.

Adossé au bar,  Bruno boit son bourbon en la regardant danser, l'œil allumé par le désir et le sentiment de possession qu'il ne peut s'empêcher d'éprouver à son égard. Quoi qu'il arrive ce soir, quelles que soient les rencontres qu'ils feront, les corps qui la frôleront, les mains qui la toucheront peut-être, Léo lui appartient. Dans sa poche il caresse la dentelle de la petite culotte qu'elle lui a abandonnée quelques instant plus tôt. Il n'a pas besoin de la humer pour que parvienne à sa mémoire son délicieux parfum. La savoir nue sous sa petite jupe le grise et fait monter l'excitation de la voir jouer des hanches sur la piste, son regard pétillant fixé sur lui.

Détendue et sensuelle, prise par les pulsations de la musique,  elle laisse bouger son corps et dévisage Bruno en  savourant le message délivré par son regard. Elle aime et recherche ce sentiment de possession, assorti de la liberté contrôlée qu'ils s'accordent l'un à l'autre.

Une femme s'approche de Bruno, s'adosse au bar à ses côté  et regarde Léo. Elle tient délicatement sa coupe de champagne d'une main longue et fine, ses gestes sont gracieux, son œil  gourmand. Elle sourit à Léo quand celle-ci croise son regard. Sa robe Furstenberg ceinturée souligne la finesse de sa taille et son décolleté généreux et Léo imagine ses seins en poire, comme ceux de la belle corse de sa première expérience saphique…elle ferme les yeux à ce souvenir, le fabuleux contact de ces seins sous ses mains et sous sa langue l'avait transportée. Sans conteste ce qu'elle avait préféré dans cette découverte. Quand elle rouvre les yeux la belle est là, devant elle,  lui tendant une nouvelle coupe de champagne avec un sourire qui fait crépiter ses yeux noisette. Ses cheveux châtains aux reflets roux caressent ses épaules en boucles souples que Léo brûle de toucher. Elles trinquent, et la belle murmure à l'oreille de Léo : "aux jupes portefeuille, à ce qu'elles cachent et à ce qu'elles révèlent…" Les mots et la voix rauque électrisent Léo jusque dans ses reins. Enhardie par les bulles et par le lieu, elle tourne la tête pour poser sur les lèvres de la belle rousse un baiser léger mais sensuel. Leur regard est changé quand leurs lèvres se séparent, le désir y tient toute la place, et elles boivent leur coupe sans un mot de plus, face à face et les yeux dans les yeux, leurs corps bougeant lentement au rythme de la musique. Quand Léo se détache de ce regard magnétique pour chercher celui de Bruno, elle rencontre son sourire fixé sur elle. Le regard de son amant a gagné aussi plusieurs degrés, ainsi que celui du jeune homme brun qui se tient maintenant à ses cotés et regarde Léo et sa complice bouger en phase.

L'homme est mince et gracile, malgré des épaules bien découpées. Il a les cheveux bouclés et des yeux très noirs, un sourire sexy en diable qu'il adresse à la femme qui tient maintenant Léo par la taille. Léo se retourne vers elle : elle rend son regard au joli brun comme on ne regarde pas un inconnu.

Venez, dit la belle, je vais vous présenter.

Il s'appelle Emilio, elle s'appelle Joséphine, ils sont venus ensemble sans qu'il soit possible de déterminer la nature de leur relation. Il a facilement 15 ans de moins qu'elle, qui affiche une quarantaine épanouie. Peut-être le paie- t- elle, peut-être pas, quelle importance ?  Il paraît attiré par Bruno aussi, il se tient très près de lui et le frôle au moindre prétexte, sans que celui-ci en paraisse le moins du monde incommodé. Léo aime cette liberté chez Bruno, son aisance avec le désir masculin, qui ne le bouscule pas dans sa virilité. Il ne se croit pas obligé d'affirmer son hétérosexualité et ne sursaute pas quand un homme le touche comme s'il l'avait brûlé.

Le quatuor semble s'être formé, le même sourire de gourmande expectative flotte sur leurs lèvres : ils se sont trouvés.

Autour d'eux d'autres couples se forment et se frôlent, se dirigeant vers les pistes de danses ou vers les alcôves disposées un peu plus loin.

Ils gagnent ensemble le dance floor, donnant à Léo une impression de ralenti comme une scène de film. Elle danse en regardant Joséphine, Bruno se tient derrière elle, ses mains caressent ses hanches, ses épaules, passent sur son ventre, elle frissonne et ses reins se creusent, collant ses fesses cambrées sur le bassin de son amant. En face, presque symétriquement, Emilio caresse Joséphine dont le désir brouille le regard, Joséphine qui bascule la tête en arrière, exposant sa gorge aux mains d'Emilio et aux regards  de Léo et de Bruno.

Léo se rapproche, caresse l'épaule de Joséphine, enlace son corps souple. Plongeant ses mains dans la chevelure soyeuse, elle en savoure la douceur, puis se rapproche encore pour y nicher son nez et humer son parfum. Joséphine caresse ses reins, descend sur ses fesses, Léo frémit sous ses mains, la soie fluide de sa jupe glisse sur sa peau nue, la mettant au comble de l'excitation. La savoir nue sous la caresse exalte Bruno qui se rapproche et joint ses mains à celles de Joséphine, faisant tressaillir Léo. Elle glisse ses mains sur la nuque de la belle rousse et soulève ses cheveux pour l'embrasser profondément, prolongeant son impression de cinéma. Joséphine répond à son baiser et colle son bassin contre celui de  Léo, leurs langues se cherchent et se poursuivent, Léo caresse les lèvres pleines de Joséphine de sa petite langue pointue et savoure les frémissement qui lui répondent.  Les hommes se sont rapprochés, les caresses se mêlent et les mains se frôlent, Léo sent le désir envahir son corps et son esprit encore davantage, elle veut jouir de ces mains et de ces corps contre elle. Mais Joséphine veut faire durer le plaisir sur la piste de danse et continuer à faire monter le désir :  avec un sourire suave elle se détache de Léo et lui tourne le dos pour se lover dans les bras d'Emilio. Sa chute de reins est somptueuse sous la robe en jersey, elle ondule sous les mains d'Emilio tandis que Léo comme Bruno contemplent le spectacle. Bruno prend possession des petits seins de Léo et les caresse lentement à travers le chemisier de soie en embrassant son cou. Elle ne porte rien dessous et soupire à ce contact. Submergée, elle se laisse aller contre lui, sentant son érection contre ses fesses cambrées. Tout son corps se tend sous la caresse, elle sent l'afflux de sang gorger son sexe ouvert, elle s'offre aux mains de son amant et aux regards des autres couples sur la piste : Emilio et d'autres la regardent tout en caressant leur partenaire, la tension sexuelle règne partout autour d'eux et pourtant tous sont habillés.

La musique, Jungle Pulse d'Etienne Daho semble avoir été composée pour cet instant précis, elle rythme les battements de cœur alimentés par un désir brûlant…

Léo est au paroxysme de l'envie, elle ne peut prolonger cette attente et entraîne Bruno à sa suite vers une des alcôves aménagées spécialement pour les  développements qu'elle entend donner à cette introduction musicale. Elle espère que Joséphine et Emilio les suivront mais pour l'heure elle ne peut les attendre : il lui semble que son cœur va éclater sous la puissance du désir qui lui coupe le souffle.

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