Késako écrire

@ Linoacity

Ecrire, c’est comme former une chaîne d’impressions. La réalité n’est pas autre chose que la succession de sentiments quelqu’un peut arriver à ressentir. Ainsi, il n’y a rien de plus subjectif que la description de la réalité. C’est pour ça que la seule chose qui me réussit, ce sont les récits courts, les chroniques, les contes… Plus j’étire le récit, plus je falsifie la sensation initiale qui l’a provoqué.

Pour moi, l’écriture capture des moments qu’elle essaie de transmettre à une perception étrangère. Plus la description du sentiment est exacte, plus l’identification du lecteur est grande. Si on y pense, la seule chose qui relie les êtres humains les uns aux autres ce n’est pas la culture, ni la langue, ni le vécu, mais l’éventail d’impressions que tous ces éléments suscitent en eux. Cet éventail est la palette avec laquelle j’écris.

De plus, la genèse de mes histoires doit être courte, car la situation de la voix narrative dans ledit éventail peut varier au fur et à mesure que le temps passe. Je crois que les auteurs de talent sont ceux qui arrivent à conserver et à réactiver leurs sensations jusqu’à ce qu’ils mettent le point final à leur récit. Pour ma part, elles ne durent que le temps d’une chronique, qui se veut image à la fois totalement subjective mais néanmoins fédératrice d’un instant drôle, émouvant, déconcertant…

Un exercice très intéressant serait peut-être justement de changer la position émotionnelle du narrateur pour voir comment on peut raconter un même évènement de différentes manières. Réalisé correctement, je pense que l’on se rendrait compte grâce à ce travail que toutes les versions sont vraisemblables, et que le processus d’identification est infini.

Ecrire quelque chose, c’est peut-être tout simplement ça : se rendre compte de la liberté que nous avons face à ce qui nous arrive, grâce à notre capacité à réagir selon des désirs et des expériences personnelles à un seul et même fait. Le raconter, c’est certainement vouloir faire résonner chez l’autre la même joie, la même peur, c’est se confirmer dans l’échange à quel point on est humain.

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