LA BOUQUETIÈRE DE VALÉRIAN-SUR-MER
suemai
Les fleurs !... Elle les adorait… Son odorat en captait toutes les subtiles odeurs. Elle s'en gavait à longueur de journée et s'en parfumait la nuit. On l'affublait de plusieurs sobriquets, « Rose, Tulipe, Orchidée et même Nénuphar », ce qu'elle acceptait volontiers, son magnifique sourire en faisant foi. De son mètre soixante-dix, les cheveux lisses et d'un brun rappelant la noisette, de beaux yeux aux couleurs abondantes, de longues jambes et ce rire généreux et contagieux, cette bouquetière, à la sensibilité fleurie, savait deviner les désirs de tout un chacun. « Pétunia » par ci, « Pec de grue » par-là, elle offrait ses fleurs comme on offre des bagues de fiançailles. Bien entendue, chaque bouquet valait son pesant d'or et notre bouquetière n'avait pas à se soucier de ses « fins de mois. » Pourtant, sans qu'on le sache, elle conservait, jalousement, ce très rare « Chrysanthème couronné », en provenance de Grèce et d'une grande rareté. À temps perdu, elle s'adonnait à pratiquer des greffes entre plusieurs spécimens. Sa passion n'avait plus de limite, sinon celui d'un grand amour, ce qu'elle ne connaissait pas, mais qui devait se présenter incessamment.
Charles-Édouard de Broie, issu d'une noble famille aristocratique des années florissantes de Louis XVI, jeta, discrètement, son dévolu sur cette jeune bouquetière aux mille arômes et, de surcroît, fort intrigante. Il se présentait parfois, afin d'acheter des « roses rouges », ce qui semblait faire battre le cœur de notre fleuristes à la passion exacerbée. De Broie possédait un manoir dans la vallée « de la Faille », demeure dans laquelle s'enfouissaient les trésors de la famille. De jolis arbres serpentaient ici et là, et les boisées, à proximité, laissaient entendre les cris d'un gibier déjà à l'agonie. Charles-Édouard fit donc sa demande et notre bouquetière en perdit presque pied. Une vaste cérémonie, un fastueux repas et voilà que tout se consomma le soir même. « De Broie » fit construire une serre, non loin de la maison, dont le dôme se composait, en partie, d'un verre de Murano unique et d'une grande beauté. Ravie, notre nouvelle mariée y passait tout son temps. Après plusieurs mois, Charles-Édouard de Broie en vint pratiquement à maudire ces plantes qui lui ravissaient les privilèges de sa belle. Feu lui en prit, car il jeta son épouse hors des lieux, se promettant bien de ne plus jamais la revoir.
Notre bouquetière revint au village et reprit possession de sa maison et de son atelier. Curieusement, on l'ignorait. Plus personne ne s'y rendait, ne serait-ce que pour quelques bouquets de fleurs assorties. Tant bien que mal, ayant, précédant son mariage, conservé un certain pécule, elle s'investit dans la recherche. C'est ainsi, qu'un jour, on lui parla « des Ponces », une région tout à l'ouest de Valérian-sur-Mer. Une terre constituée principalement de glaises et de marécages nauséabonds. On lui raconta ces fièvres des marais qui décimaient la population et laissaient mourir les gens dans d'atroces souffrances. On lui rapporta quelques échantillons de ces terres marécageuses. « Odile » possédait de plus en plus de connaissances sur les plantes et ses effets tant sur l'homme que sur son environnement. Munie de quelques lentilles, elle identifia lentement le parasite responsable de tous ces malheurs. Après quelques années d'efforts, elle découvrit une substance capable d'annihiler les effets néfastes se dégageant de ces terres boueuses. Elle mit au point un composite de plusieurs greffes, dont, au départ, celui du « Chrysanthème couronné » couplé au « Chrysanthème sauvage » et « au nénuphar blanc. » Après plusieurs essais, il s'avéra que cette nouvelle espèce développait des enzymes capables de détruire la pustule des marais, telle on la nommait. Se liant d'amitié avec Mathilde de Bellechasse et du baron Grégoire Pontonson de Vilniaque, on laissa se proliférer, pendant plus d'un an, cette nouvelle fleur jonchant tout le long des marais. L'épidémie s'élimina, peu à peu, et on put assécher « les Ponces » et, de ce fait, créer des terres saines et cultivables.
C'est ainsi, qu'Odile, Mathilde et Grégoire devinrent inséparables. Odile élue domicile « aux Ponces » et devint une chercheuse émérite, encore citée dans de nombreux traités de botanique de l'époque. Odile de Valérian-sur-mer possédait cette force, cette volonté et surtout cet amour de la vie qui changea la destinée de bon nombre d'honnêtes gens.
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Toute ressemblance avec des personnages connus n'est pas fortuite.
Quel beau texte qui nous plonge dans ine aventure aux multiples facettes. Mais surtout, on voit combien il ne faut pas s'arrêter à ce qui pourrait passer pour l'échec d'une vie. Ce fut un mal pour un bien de rencontrer cet homme ignare. Sil ne l'avait pas repudiee, elle n'eut jamais fait cette découverte ! Bravo pour cette touche de fraîcheur et cette leçon de vie :)
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
oui Lou, une leçon de vie mais, à des prix colossaux. Connaître l'amour, mais ne pas le vivre... quel terrible destin....
· Il y a plus de 7 ans ·suemai
Oui, c'est parfois à se demander quel est le pire des maux. Décidément, l'amour fait toujours souffrir. Et pourtant, il est un des moteurs de l'être humain, de l'humanité.
· Il y a plus de 7 ans ·Sy Lou
Coucou ma belle...dans ma région au temps des rois un petit noble à fait assécher les marécages de la Dombes eradiiquant ainsi les moustiques responsables de nombreuses maladies.. bisous
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
curieusement, je m'inspire du film "Ridicule" pour justement l’assèchement des Dombes. Possiblement, le ou les scénaristes se sont inspirés de ton fait historique.
· Il y a plus de 7 ans ·tu sais Maud, quand j'écris, je ne sais jamais ce qui va se produire. Je trouvais intéressant qu'Odile ait cette passion pour les fleurs, donc ce qui devenait normal qu'elle s'en intéresse davantage. C'est ce que j'ai compris au troisième paragraphe. Le film "Ridicule" m'a fourni l'avenue de la finale. Merci pour ton commentaire, cool de t'avoir comme amie milliers de bisous, Sophie-de-L'île
suemai
Un bien joli conte Suemai... comme quoi, il ne faut jamais renoncer à qui l'on est ...
· Il y a plus de 7 ans ·marielesmots
un joli commentaire Marie, bises
· Il y a plus de 7 ans ·suemai
Joliment conté Suemai.
· Il y a plus de 7 ans ·nilo
toujours fidèle au poste. Une grosse bise Nicole, ta Sophie-de-L'île
· Il y a plus de 7 ans ·suemai