La couleur des yeux du dauphin.

Hier, dans notre conversation téléphonique tu me disais que tu repeignais ta chambre, et puis comme nous avons parlé d'autre chose, des dauphins avec lesquels tu avais nagé à Pipa* et des 'yeux que tu fermais tellement c'était beau', que j'ai oublié de te demander de quelle couleur ?

Il me faut t'avouer que j'écoutais ta voix, si claire et si distincte. De cette voix qui donne le pouls et l'état du cœur. Je me demandais à quel moment j'allais te faire répéter un mot, une phrase. Non pas que je m'inquiétais d'une éventuelle coupure du réseau satellite ou d'un manque de charge de ma batterie, mais plutôt de la raison qui d'ordinaire me faisait te faire répéter tes propos, laissant flotter comme un petit moment de silence entre ton interrogation, mon temps de réflexion et celui de ma réponse, ce petit temps qui me laissait finir par te demander: - Tu m'a dis quoi, ma chérie ? Non pas qu'autrefois nous nous trouvions dans des distances très éloignés, puisque l'on vivait dans un état très proche, dans un même lieu, celui de notre petite maison, dans principalement une cuisine et deux chambres desservies par un long couloir, mais parce que tout simplement tu as toujours parlé très vite, et qu'il m'a toujours fallu imaginer ce que tu voulais me dire, avant de pouvoir répondre à ce que tu essayais de me faire comprendre! Je m'étais fait deux raisons à cela: soit je devenais de plus en plus sourd et con, soit le couloir de plus en plus long.

Cet après-midi dans le jardin, quelques parapentes descendaient du ciel, le bleu de celui-ci se détachait du tilleul.

A mon tour, je fermais les miens.

- Beige-rosé... mon petit Papa...

* Spot au nord-est Brésilien