La danse du Phénix

franekbalboa

Texte inspiré par la musique de Lindsey Stirling, Master of Tides

Ils étaient nombreux à être blessés. Allongés en ligne dans une salle réquisitionnée pour l'occasion. Des dizaines. Puis arrive un homme. Il porte deux corps. Une enfant et son père. Il confie les corps aux soignants, qui les installe avec les autres. 

L'homme est torse nu. Son visage généreux est barré par une impressionnante balafre sanguinolente. Quelqu'un vient pour le soigner, il repousse immédiatement le soignant et réclame son violon. 

Un de ses camarades lui dit alors:

"T'es crevé. Ça peut pas attendre ? 

-Ces gens ont besoin d'être soignés. Va me chercher mon violon."

Il est vrai que le garçon est buté, ses yeux clairs montrent une impressionnante force de caractère. Son camarade file chercher l'instrument. 

Il se place au milieu des blessés, où un cercle vide se dessine. 

" On en attend d'autres ?

-Non, toutes les équipes sont revenues. Tout le monde semble là.

-Bien."

Une mère qui veille sur son enfant pleure silencieusement, et voit cet homme se mettre en place au milieu. Elle croise son regard et il lui sourit. Le contraste entre la fermeté et le sourire est tel que les larmes s'arrêtent de couler. 

" Ça ira. Il va s'en sortir."

Sa voix est grave, calme, apaisante. La mère se concentre de nouveau sur son fils. 

Les premières notes se font alors entendre. La mélodie est douce et rythmée. Les camarades du musicien frappent dans leurs mains. Ils connaissent le rythme. L'homme se met à danser. La chorégraphie est douce. Des petits pas, des sauts, le tout sans fausse note. Et alors que cela doit faire une trentaine de seconde qu'il joue, dans la salle faiblement éclairée en cette soirée automnale, quelque chose commence à briller. Des étincelles sortent du ciel. Elles sont d'une couleur variant entre le bleu et l'emeraude, chaque pas déclenche une nuée d'étincelles. La mère regarde époustouflée ce spectacle dingue qui s'offre à elle. L'homme danse et joue, il a les yeux fermés, il vit la musique. Chaque pas, chaque note est un délice à voir, ce garçon est impressionnant, il est vif, précis, la chorégraphie semble même absorber le musicien.

Les étincelles elles-mêmes dansent, puis, alors qu'elles commencent à toucher les corps, leurs blessures se teintent et s'illuminent. Elles semblent même s'enflammer, et au fur et à mesure, elle se resorbent pour ne laisser qu'une marque claire lorsque la flamme s'en va. La prestation est absolument incroyable. Et on voit les premiers corps qui s'animent. La musique semble les réveiller. L'homme qui est allongé à côté du fils de la femme s'éveille, et entend la musique et les gens claquer leurs mains. Il suit le rythme. Une enfant s'éveille, elle fait de même, puis, petit à petit, de nombreuses personnes s'éveillent et se joignent à la partition. 

Après une longue danse, l'homme s'arrête, applaudi. Deux personnes se précipitent sur lui, il s'écroule. Le fils de la femme s'éveille, elle saute dessus et le serre dans ses bras. Le musicien est installé un peu plus loin, dans un lit de camp. Son visage est toujours sanguinolent, la musique ne semble pas avoir eu d'effet sur lui, ni les étincelles. Les infirmiers s'agitent autour de lui. Il semble s'être simplement endormi, le visage est légèrement grimaçant, malgré la respiration calme, on ne peut s'empêcher d'être inquiet alors qu'il est soigné.

La dame qui a vu son fils s'éveiller va voir l'un des compagnons et lui demande ce qui s'est alors passé. 

La réponse, elle s'en rappellera toute sa vie:

"Ça madame, c'est la danse de cet homme, la danse du Phénix, il est le seul à pouvoir la faire, mais ça l'épuise au point de le faire s'évanouir. Ne vous en faites pas. Il va bien. C'est à nous de le soigner maintenant qu'il s'est occupé de tout le monde."


Signaler ce texte