La DDE X

Thomas Toledo

-…c’est donc la fin de notre reportage sur les lycéens en papier mâché. Passons maintenant à la météoOOOOOOO !…

-…c'est donc la fin de notre reportage sur les lycéens en papier mâché. Passons maintenant à la météoOOOOOOO !…

L'huclain de l'usine, propulsé par les ondes radiophoniques, avait atteint une vitesse phénoménale et venait de faire un magnifique placage en direct. 

-QUE PERSONNE NE BOUGE! ON EST GENTIL, ON RESTE À SA PLACE, ET ON M'ÉTEIND CE BULLETIN ! AUTREMENT JE VAIS CRAQUER, JE LE SENS !
Immédiatement, un employé technique avait coupé la diffusion du bulletin tandis qu'une certaine tension s'installait.
-Très bien, maintenant on va ouvrir les négociations quand à l'arrêt définitif de bulletins d'informations sur MA fréquence.
Ainsi commencèrent les négociations sur le plateau télévisé. 


Depuis plusieurs minutes, un médiateur tentait de calmer la situation dans les bureaux de la chaîne télévisée, mais en vain. Il était arrivé un peu plus tôt et avait commencé par demander à l'huclain de bien vouloir se rendre sans faire d'histoire. Quelques petits veinard avaient alors pu apercevoir l'envol d'un journaliste par la fenêtre. 

Ç'avait d'ailleurs été tellement beau qu'on en avait fait la couverture du journal. Puis le médiateur, un peu vexé -c'était quand même son métier de raisonner les gens-, avait de nouveau demandé à l'huclain de se rendre, mais cette fois-ci il pouvait faire une histoire s'il voulait. 
À cette nouvelle requête, le petit bonhomme avait trouvé les deux présentateurs de l'émission pour les tous petits, et les avait balancé par la fenêtre en leur demandant de “bien vouloir raconter une histoire si vous voulez pas qu'un bureau suive juste après vous” :
“HAAAAAAAaaaalooors, c'est l'histoire d'un petit gaaaaaaaaaAAAAAAAAR…” furent leurs derniers mots avant qu'ils ne s'écrasent dans une poubelle un peu plus loin. Toujours pas satisfait, le médiateur s'apprêtait à réitérer sa requête quand on journaliste avait passé sa tête par une des fenêtres:
-HA NON MAIS CA VA ALLER OUI ! LE PROCHAIN QU'IL MENACE DE BALANCER C'EST MOI ALORS TROUVEZ AUTRE CHOSE ESPÈCE DE BILLE !


Aussitôt dit, aussitôt fait : le médiateur avait plus d'un tour dans son sac. Et alors que l'huclain s'apprêtait à dire ses revendications, un tank envoyé en reconnaissance pacifiste s'était introduit - avec toute la discrétion possible que l'on pouvait imputer à un tank - dans les bureaux. Et l'huclain tentait désormais d'échapper à un engin de quelques centaines de kilos lancé à sa poursuite.


Il se trouve pour le moment en pleine ligne de mire du tank, lequel continue d'avancer implacablement en démolissant pacifiquement l'immeuble. Soudain, l'huclain a une idée : profitant de sa petite taille, il court, saute sur le canon du tank et se faufile à l'intérieur. 

Avant d'en ressortir précipitemment une seconde plus tard, il salue rapidement Monsieur Obus de tank. Cette fois, il vérifie avant de s'y engoufrer : personne. Très bien, il s'y faufile donc et pénètre à l'intérieur du tank. Le pilote, choqué de voir cette espèce de machin sortir devant lui, ne voit en revanche pas venir le doigt dans l'oeil que lui assène Lupin - je fais des jeux de mot si je veux - le petit bonhomme. Totalement désorienté, le conducteur du tank se rue à l'extérieur en hurlant que “ça fait maaaaaaleeeeeeu!”. Mais le médiateur ne s'avoue pas vaincu. Tandis que le tank vole à travers la fenêtre et vient s'écraser juste derrière lui, il prend la parole :
-Mais enfin, n'avez-vous donc aucun coeur ?! Quelles sont vos revendications ?
-Aucune, je fais ça pour passer le temps !
-C'est vrai ?
Un bureau vole et manque de peu le médiateur.
-Bien sûr que non ! Je veux un accord comme quoi il n'y aura plus d'interruption de programme sur MA fréquence !
-JAMAAAAAAAAAAAAAAAIS !


Le médiateur donne alors le feu vert aux troupes spécialisées d'infiltrer l'immeuble : un hélicoptère se pose sur le toit, deux autres tanks rentrent dans les studios, et l'unité spéciale des Tireurs à la Sarbacane de Papier Mâché est envoyée pour neutraliser l'ennemi. À l'extérieur, le médiateur attend patiemment. À l'intérieur en revanche, les obus volent et éclatent de partout, les boules de papier mâché se collent sur les murs, le personnel hurle car il y en a aussi sur les écrans d'ordinateurs. Certains sont touchés, tandis que d'autre se défenestrent en esquivant les projectiles. C'est magique, et l'on se demande bien comment tout cela va se terminer pour l'huclain.



Pendant ce temps, Bernard et Jacques étaient coincés dans le désert. L'ouvrier était ressorti indemne de la barricade de foin, et était allé rejoindre Bernard, lequel avait vite été envahi d'un intense et profond désespoir en réalisant qu'il se retrouvait coincé avec le seul mec au monde capable de placer des triangles de signalisation autour d'un avion crashé dans le désert.
À la réflexion, ce n'était pas tant que le geste qui était atterrant, mais plutôt le sérieux avec lequel il était effectué. Enfin bref, ils étaient tous les deux coincés dans le désert, et il fallait maintenant réparer l'avion.
-C'est dingue quand même, fit remarquer Jacques en désignant les grues et les bâtiments, on mettrait des chars d'assauts qu'on dirait une vraie partie de DDE.

Bernard, très calmement, lui plaça son plot devant l'oeil droit, et attendit la réaction de l'ouvrier. Il resta environs quatre heures comme ça, juste le temps d'en avoir un peu marre et de se remettre à réparer l'avion. Il attendit encore environs deux heures, puis regarda si, enfin, Jacques avait comprit. Et effectivement, Jacques avait comprit : en mettant le plot sur sa tête, ça lui faisait un chapeau pointu, turlututu. Au final, l'aviateur lui avait expliqué que oui, on pouvait mettre des chars d'assaut, et que justement c'était le cas. Immédiatement l'ouvrier avait reculé, comme effrayé.


-Ho mon Dieu… Bernard nous… Nous sommes juste à côté de la plus grande partie de la DDE connue à ce jour. Tenez, regardez dans le plot, techniquement on ne doit plus voir le sol.
Bernard regarda et fut stupéfait: les chars d'assaut grimpaient les uns au-dessus des autres, les personnes qui essayaient de passer craquaient. La DDE avait envoyé la Section des Grimpeurs de Grues et mis en place le Régiment Des Transporteurs Inutiles. Bref, c'était un pur bonheur.
Mais tandis que nos deux amis s'extasiaient devant cette immense partie, un bruit plus que familier leur parvint, au loin.

À suivre sur la droite des réels.

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