La découverte d'Henri, suite et fin.

- Tante Marie, tu ne trouves pas un peu bizarre cette histoire d'accident?

- Que veux-tu insinuer?

- Le projet d'oncle Henri pouvait ennuyer fortement le maire et son fils, tu ne crois pas?

- Tu pousses un peu trop le bouchon ma fille, nous ne sommes pas dans un film policier. Ce ne sont pas des tueurs! Tu as trop d'imagination.

- Et bien, tu sais quoi ma tante, je n'en suis pas si sûre! Je vais reprendre les dossiers de tonton et aller voir le maire pour lui dire que je vais continuer son projet!

- Tu vas peut-être au devant des ennuis si ce que tu penses est vrai. C'est dangereux!

- Qui vivra, verra…

- Sois prudente ma fille!

- T'inquiète je vais bien étudier le coup…

 Trois mois plus tard.

Marie ouvre le dernier dossier de son mari. Vivi continue de tenir le journal de son oncle.

Page après page, Marie suit la progression du travail de sa nièce

 20 août

Me voilà embrigadée dans une croisade écologique … Mais pourquoi suis-je aussi téméraire? C'est bien moi, toujours à chercher des emmerdes!

Par quoi commencer?

Je dois trouver des spécialistes.

En compulsant les documents, je suis tombée sur l'adresse d'un inventeur de machines modernes à traction chevaline.

Voilà mon idée: Prendre contact, lui exposer les faits, lui demander conseil et s'il accepte mon projet, le mettre en rapport avec le fils du maire pour qu'ils fassent affaire.

Ensuite j'irai voir le maire pour le persuader de croire au projet de l'oncle Henri et lui mettre dans la tête que cela serait bien pour la commune. Je vais lui proposer de créer un village du cheval de trait. De demander une dérogation au ministère afin d'écouler à titre d'essai scientifique le carburant inventé par oncle Henri. D'où, la création d'une petite usine, d'un lieu de stockage et de distribution. Cela ferait des emplois pour ses concitoyens.

J'attendrai, sa réaction afin de m'enlever l'idée saugrenue du meurtre de mon oncle.

 20 novembre

Voilà trois mois, que je dépense mon énergie sur ce projet. J'ai pris contact avec l'inventeur et je lui ai rendu visite dans sa ferme biologique dans la Creuse. J'ai de la chance car il est membre d'une association qui rassemble des producteurs d'aliments biologiques. En fait il a déjà commencé le projet de mon oncle, sans le savoir.

Il possède 80 ha de prairies et 5 ha de champs qui servent à nourrir ses 60 vaches et leur descendance. Sur sa ferme il a 10 chevaux dont 4 chevaux de traits qui sont utilisés pour cultiver des légumes et des céréales. C'est un non conformiste, ses idées sont assez radicales sur la notion de l'environnement.

Il a construit une installation de biogaz, selon ses idées, qui sont proches de celles de mon oncle, et aussi selon ses moyens. Il a trafiqué un vieux moteur de voiture qui fait tourner un générateur. Grâce à ce système, Il éclaire son exploitation, chauffe son eau et sa maison. Quand je lui ai dévoilé l'invention de mon oncle. Il était abasourdi, c'était la solution qu'il cherchait depuis des années, pour le carburant .

Avec le fumier de ses chevaux, il allait mettre au point le procédé de tonton.

Il a aussi construit ce qu'il appelle un avant-train, un matériel hippomobile; un essieu muni d'un système de relevage conçu pour deux chevaux. Je ne comprends pas tout. Mais sa démarche de constructeur se base sur le principe qui doit faire le lien entre les chevaux et les machines agricoles qui sont utilisées généralement avec un tracteur ou une voiture.

Il est d'accord pour rencontrer le fils du maire. Et pourquoi ne pas lui proposer de développer la construction de machines à traction animale en France.

 28 novembre

J'ai rencontré le maire. Je n'y ai pas été par quatre chemins, je lui ai représenté le projet comme une intervention orientée vers le marché, et ses débouchés pour la commune.

- Qui achète, qui commande? Lui ai-je demandé.

Je lui ai insufflé l'idée que le cheval de trait était porteur de la biodiversité des animaux domestiques (conseil de mon nouvel ami ) Que l'objectif était de repositionner l'animal auprès des collectivités, des médias, du grand public. Lui redonner une image moderne, qu'il n'est plus un objet mais que cet être vivant procure au monde un moyen au service d'un immense projet, celui d'oncle Henri. J'ai parlé de l'échéance électorale que c'était un bon créneau. Qu'il serait le précurseur d'une nouvelle idée pour le bienfait de l'humanité…

Bref: Ils ont tous rendez-vous à la mairie ce samedi.

Marie, attrape le journal du dimanche 30 novembre et lit pour la énième fois le titre à la une:

 Alors qu'un simple accident de la route semble improbable à cet endroit, les hypothèses sont multiples. Sous le regard impassible du soldat du monument aux morts de Vilenvrac, devant l'auberge du cheval blanc. Deux personnes ont trouvé la mort samedi 29 novembre dans l'explosion d'un véhicule, qui venait de percuter un réverbère face à la sortie du parking.

"J'ai aperçu la conductrice qui sortait de l'auberge avec un monsieur. Ils sont entrés dans la voiture. Soudain, en sortant du parking, le véhicule a effectué un virage et brusquement elle s'est retrouvée en train de rouler sur le trottoir. Cela s'est passé en un éclair. C'était terrifiant, il y a eu une explosion, des flammes, puis la fumée a envahi l'espace" a relaté un témoin.

La conductrice et son passager sont décédés. Pour l'instant, personne ne semble en mesure de déterminer la source énigmatique de cette explosion. Les pompiers ont fait des relevés. Une enquête est ouverte par la gendarmerie. Monsieur le maire de Vilenvrac s'est immédiatement rendu sur les lieux. Nous déplorons la disparition de Mademoiselle Viviane Dujardin nièce de feu Monsieur Henri Dujardin qui était le secrétaire de l'association "Vivre et Nature" Ainsi que de Monsieur Robert Dumont agriculteur dans la Creuse. Toutes nos condoléances aux familles"

 Marie referme le journal, et prend son téléphone. Elle a décidé de contacter la gendarmerie et de déposer sur le bureau du commandant Brossard tous les dossiers de son mari.

Juste au moment de faire le numéro, la sonnette d'entrée retentit.

Marie  se dirige vers la porte et l'ouvre.

Devant elle, le maire!

Elle recule et veut claquer la porte.

 Trop tard, il entre. Il referme la porte.

 Affichant, un sourire condescendant, il dit:

- Chère Marie, comme vous devez être triste, après toutes ces épreuves. Je viens vers vous, c'est mon devoir de vous apporter mon aide afin de vous soulager dans ces moments difficiles…