La Fille au Masque de Nuit

Le printemps est perché sur la pointe des pieds,  les doigts sur le rebord de la fenêtre. Je le vois. Il bouge quand je ne le regarde pas.

Aux forces oubliées.

Les rires, les vents, les embruns, tout me revient. De loin. De tellement tellement loin.

La nuit a duré mille ans. Parfois trouée d'éclairs de miracles. Mais elle revenait. J'étais plongée dans une nuit ronde et pleine et qui m'aimait. Elle avait noué  ses longs doigts fins autour de mes chevilles et me gardait à elle, inlassablement.

La nuit a duré deux ans.

Et c'est difficile à avouer. Oh comme il m'en a coûté de dire que c'était la nuit, et pas une autre chose, pas une autre moi que je ne connaissais pas.

*

Ciel de février. Je choisis la vérité. L'entièreté. De me défaire de la honte et de la culpabilité comme d'une ancienne peau. Elle était trop épaisse et c'était la nuit.

Je sais qu'elle est partie, parce que soudain tout est neuf. Et heureux, et porteur. 

J'étais devenue la fille au masque de fer.

Celle dont on avait oublié le nom. On racontait des légendes sur son visage d'avant. Tout le monde avait oublié, la fille d'avant le masque. Et ses cheveux. Et ses lèvres. Et ses yeux d'amoureuse.

J'aurais pu crever, je sais. T'iras essayer de respirer avec ce foutu masque sur la tronche. La clé, je la planquais dans ma poche. En fait. Il suffisait de presque rien.

Il suffisait de presque rien. Et comme rien ne s'opposait à la nuit*...

A part moi. Finalement.

* (toute) petite et humble allusion à Bashung.