la fois où j'ai essayé d'écrire un texte sur un petit garçon de 7 ans qui perd son ballon.

Marie Eve Brassard

Je suis assis au bout du quai, pis je regarde mon ballon qui flotte sur le lac. Il est vraiment proche mais je ne peux pas aller le chercher. Au bout du quai j’ai pas mes fonds. Pis je sais pas nager. Ben moi je pense que je sais nager mais pas ma mère, elle dit toujours que je sais pas. Elle arrête pas de me de répéter tous les jours de pas jouer au bord du lac, de pas courir sur le quai, de ne pas me baigner si elle n’est pas avec moi. Mais pourtant, quand on se baigne, je nage. J’suis pas aussi bon qu’un poisson mais c’est quand même un peu facile nager. J’ai juste à battre des mains pis des pieds en même temps pis de faire attention pour pas respirer par le nez quand j’ai la tête dans l’eau. Je ne comprends pas pourquoi elle veut absolument que je sois avec elle pour aller dans l’eau. De toute façon, à chaque fois, elle reste sur le bord.

Je suis assis au bout du quai pis j’sais pas quoi faire. Même si mes pieds touchent pas à l’eau, j’ai l’impression que si elle sortait et qu’elle me voyait là, j’me ferais engueuler comme pas possible. C’est pas que ma mère me chicane souvent, mais quand elle le fait, après j’ai pu le goût de faire niaiseries pendant au moins une semaine. Elle crie vraiment fort maman. Encore plus fort que papa si ça se peut. Pis des fois, quand je rouspète, je me ramasse dans ma chambre vraiment longtemps. Au début, je trouvais ça amusant. Je l’aime ma chambre. J’ai un beau bureau comme à l’école qui donne devant la fenêtre et je peux passer des heures à dessiner les animaux qui se promènent autour du chalet. Au début je trouvais ça amusant sauf que ma mère est pas conne. Depuis qu’elle s’est aperçu que j’aimais ça aller en punition pour dessiner, elle m’enlève mes crayons. J’avais eu la super idée de génie d’en cacher quelques uns sous mon matelas pour quand j’étais en punition mais j’ai pas pensé qu’elle se rendrait compte aussi vite qu’il en manquait dans la boîte de 36 prismacolors. La boîte avec toutes les couleurs pour tous les animaux que j’ai eu en cadeau pour garder au chalet quand il pleut. Et quand elle s’est rendu compte qu’il manquait des crayons dans la boîte j’ai été privé de crayons pendant une semaine, j’ai passé une semaine complète à pas pouvoir sortir dehors.

J’sais pas à quoi y’a pensé Eric quand il a botté mon ballon vers le lac. Mon ballon. Pas le sien. Le mien. Lui non plus sa mère ne veut pas qu’il s’approche du lac. Et lui s’est encore plus sérieux. Sa mère, si elle le pogne, elle lui baisse ses culottes pis elle lui donne une dizaines de claques. Jusqu’à ce que ses fesses soient rouges pis qu’elles brûlent. Il aurait jamais osé me le dire Éric mais une fois, elle l’a fait devant moi. Pis elle frappait fort, pis il n’a même pas pleuré. J’étais vraiment impressionné. Eric il est plus grand que moi. Et je sais que les plus grands que moi, ils sont pas supposé pleurer. Mais elle frappe vraiment fort sa mère. Ça fait qu’on n’en n’a jamais parlé mais on essaye juste de pas jouer su’l’bord du lac. Ou d’attendre que sa mère soit partie à l’épicerie comme après-midi quand il a botté mon ballon jusqu’au milieu du lac.

S’il ventait, peut-être que les vagues l’aideraient à revenir au bord. Mais il vente pas. Ça fait qu’il reste là. Au milieu du lac. Pis Eric est partie dès qu’il a vu le char de sa mère tourner le coin de la route.

Pis je suis assis au bout du quai, tout seul. Je pleure pas mais je suis triste. Je sais que faut pas être triste juste pour un jouet. C’est du matériel comme dit maman. Mais je l’aimais moi mon ballon. Quand je l’ai vu chez Canadian Tire pis que je lui ai demandé si elle pouvait me l’acheter, j’étais sûr qu’elle dirait non. Comme d’habitude. Mais tout ce qu’elle a dit c’est : tu me jures-tu que tu joueras pas avec sur le bord du lac si je suis pas là ? Pis pas su’l’bord de la rue non plus ? Comme je sais qu’elle est vraiment obsédée par ça, j’ai juré. J’suis pas sûr de c’que ça veut dire « obsédée » mais l’autre soir, ma mère a traité mon père d’obsédé pendant qu’il parlait encore de la voisine. « T’en parles tout l’temps, crisse t’es vraiment obsédé qu’elle a dit. » Ben si mon père parle tout le temps de la voisine parce qu’il est obsédé, ma mère elle est obsédée par le bord du lac pis le bord de la rue. En plus, j’suis sûr que même si je lui demande, elle voudra pas nager jusqu’au milieu du lac pour aller le chercher. Je vais la réveiller encore pis elle va me dire d’attendre mon père. Mais attendre mon père, ça peut être long. Parce que mon père la semaine, il couche pas ici. Il travaille en ville pis il couche dans notre maison là-bas. Pendant que moi je reste ici avec maman qui dort tout l’temps. Pis j’suis sur que quand y va arriver, il va être trop tard. Il va partir avec les vagues, ou quelqu’un qui sait nager va partir avec. À moins que je réussisse à le surveiller toute la nuit, à le surveiller jusqu’à temps que mon père arrive vendredi.

Même si ma mère pense que je sais pas nager moi je sais que je peux. C’est facile nager. J’ai juste à battre des mains pis des pieds en même temps pis de pas respirer par le nez quand j’ai la tête dans l’eau.

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