La galette.(1)

On venait de terminer l'amour et d'ouvrir les volets. A la cuisine, le chat finissait de s'étirer sur le radiateur de fonte et le chien de mâchouiller nerveusement des bouts de sa paillasse sous la table:

- Alors ma toutoune ! C'était bon ?

Ce jour-là, j'avais un rendez-vous de travail et pas trop le temps de caresser les animaux: l'amour avait pris plus de temps que je ne l'avais envisagé. Par la fenêtre, Betty me lançait un dernier baiser, un de ceux que l'on souffle dans le creux d'une main. Dans la Mercedes je baissais la vitre pour mieux l'attraper et le posais délicatement sur le tableau de bord, juste en dessous du sapin à la menthe.

Au volant, je repensais à ce petit suçon de bouche qu'elle portait dans son cou et dont je n'avais aucun souvenir de le lui avoir offert et matérialisé par la mienne.

A la boulangerie (oui je suis boulanger mandaté par une grande enseigne... c'est à dire que je ne fais plus de pain avec la croûte, mais du pognon avec les miettes), mon commis terminait de dos, la fabrication des pâtes à croissants...

- Tony !

- …

- TONY !

Tony n'entendait rien. Sans doute était-il dans son Ipod avec une merde à Vianney. Peu importe, il était à son poste et ses croissants faisaient ma réputation dans le quartier... j'allais pas contrarier ses goûts musicaux au risque de faire louper une fournée.

Au magasin, Amandine plaçait les meringues et les petits choux en quinconce sur les plateaux inox:

- Bonjour Amandine !

- Bonjour Monsieur !

- Ça va ?

- Oui, bien Monsieur, merci !

- OK.

-...

-...

... Dans une boulangerie, on s'ennuie vite quand on a rien à faire avec ses mains.

- Amandine ?

- Oui Monsieur !

- Vous n'oubliez pas que c'est l'Épiphanie... faut sortir de la galette... elles sont où d'ailleurs ces galettes ?

- Tony m'a dit d'attendre encore un peu quelles refroidissent pour les fourrer...

- On met quoi cette année dedans ?

- On met des petites souris et des chats de porcelaine...

- ???

- Tony il dit que comme ça le roi il pourra se taper la reine sous la table... il est drôle Tony...

Il était 6H30 et j'attendais toujours mon rendez-vous de 6H15...