La guêpe.

J'étais installé peinard dans ma vie qui ronronnait toute seule, comme un gros chat, quand… (Deux possibilités à votre choix :)

1)   Quand une jeune et jolie ingénieur, fraîchement recrutée, vint partager mon bureau. Le sourire Soleil qu'elle me lança me fit fondre, je compris, en une seconde, que j'allais morfler grave.

2)   Quand je me fis piquer par une guêpe.

Vous avez opté pour la solution une, très bon choix. Je vais traiter, cependant, la deuxième, car une piqure de guêpe n'est rien comparée au dard de Cupidon.

La guêpe tournait autour de moi, qui l'avait-elle piquée, cette guêpe-là, pour qu'elle m'en veuille ainsi ? Que lui avais-je fait pour une telle fixation sur ma personne ? Sinon avoir mis le feu à son nid. J'avais rôti ses filles, ses sœurs, ses cousines, ses grands-parents et ma grand-mère aussi qui tricotait trop près du nid en feu.

Savez-vous que contrairement à l'abeille, la guêpe peut piquer plusieurs fois, à sa guise, à son gré, à son dard, sans s'en sentir plus mal pour autant. Elle en abuse, la garce! Car après m'avoir piqué trente fois, elle était toujours d'attaque, mais elle décida que cela suffisait pour la matinée, donc elle préféra me raconter son histoire.

Elle n'avait pas eu de chance dans sa vie, cette guêpe, car elle n'avait jamais voulu, déjà être une guêpe, elle aurait préféré être un être humain, comme tout le monde, une belle jeune fille légère et charmante, moins aérienne et moins piquante. La répartition du sort en décida autrement, un œuf de poisson, n'a jamais fait un dindon et quand on est issue d'un nid de guêpes, on sera toujours une guêpe. Les lois des combinaisons génétiques de Mendel sur les petits poids s'appliquent aussi bien à la guêpe, aux humains et aux casseroles.

Maintenant cette guêpe m'expliqua que chez les insectes, la mémoire dépassait la conscience d'une vie et qu'ils pouvaient se rappeler de leurs vies antérieures. Ainsi sous l'antiquité cette guêpe avait été, rien moins, que Cléopâtre VII, la plus célèbre des filles de Ptolémée XII. Elle fut la dernière pharaon reine d'Egypte et l'amante de Jules César et de Marc Antoine, rien que cela en effet ! On imagine que de passer d'une reine adulée et courtisée à une vulgaire guêpe méprisée, via des vies de vers de terre souterrains ou d'autruches débiles, ça change pas mal.

-         Tu es en train de me dire, ma guêpe…

Oui ! Notre langage était devenu familier, elle m'appelait déjà son hérisson.

-         … que tu as été la belle Cléopâtre ?

-         Oui ! Et bien d'autres femmes célèbres dans ma longue vie depuis la naissance de la vie sur Terre, il y a 3.5 milliards d'années sous forme d'unicellulaires, déjà dotés d'une mémoire intergénérationnelle.

-         Attend, je ne te crois pas, tu me racontes n'importe quoi !

-         Tu préfères que je te pique encore ?

-         Non ! Non ! Tu as raison, je te crois. J'ai bien connu une fille qui se prenait pour un escargot de Bourgogne, car elle bavait beaucoup en mangeant de la salade.

-         Ok ! Cool, mon biquet, donc j'ai été, également, Simone de Beauvoir avec l'autre pas beau, comment il s'appelait déjà.

-         Sartres ! Tu vois ta mémoire te fait défaut.

-         Eh, je me souviens de toutes celles que je fus, je ne me souviens plus de tous ceux qui m'ont fuient dans les limbes du passé. Je n'ai qu'une petite tête, je ne peux pas entasser tout le monde là-dedans.

-         Qui fus-tu encore ?

-         Marie Curie, ça te parle ? C'était moi !

-         Merde ! et qui encore ?

-         Annie Cordy, ça te dit ?

-         Et qui encore ?

Et pendant que ma guêpe se creusait les méninges, j'écrasais la reine Cléopâtre, l'auteur du « le deuxième second sexe », la physicienne polonaise et la bonne du curé,  sauvagement d'un coup de talon et on n'en parla plus.

Ah, j'en ai connu des grosses mytho dans ma déjà longue vie, mais des comme celle-là, jamais ! La championne du Monde des mytho.

FIN