La guerre de Troie a eu lieu...

stabatpatergnagnagna

Note d’intention

Petite satire à teneur humoristique et grand délire mythologique, cette pièce a avant tout pour but de distraire. Et ce n’est déjà pas si mal. On y retrouve donc pléthore de personnages issus de la mythologie grecque, plus ou moins familiers du grand public du fait qu'ils ont nourri la création artistique depuis des siècles, du théâtre antique aux jeux vidéo les plus récents.

En parlant de création artistique, la référence à Giraudoux est d'ailleurs transparente. Le choix de cette pièce est directement lié à la quantité et à la qualité de la matière mythique sur laquelle elle se base. Mais c'est une fois que l'inéluctable guerre a eu lieu, une fois dans le domaine intemporel de la mort que cette même matière mythique développe son plein potentiel : on ne rencontre plus aucune barrière à l'imaginaire qui peut dès lors, comme une symphonie, se moduler à l'infini, uniquement régi par l'immuable solfège de la nature humaine. Et c'est là, outre son fabuleux potentiel comique, toute la puissance de la matière mythique : contenir en son sein toutes les structures figuratives de la psyché et de l'imaginaire humains. Derrière les mythes, l'Homme et sous le rire, la ludique dénonciation d'un certain nombre de nos travers.

Les didascalies contiennent beaucoup d'indications de jeu et de mises en scène, qui tirent vers la farce outrée et volontairement archétypale. Il n'est pas nécessaire de les respecter. Il s'agit en fait de faire de cette pièce une œuvre que l'on ait autant envie de lire que de voir sur scène.

La guerre de Troie a eu lieu...

Une pièce de Sylvain Lhermie

Le Prologue

Voilà. Ces personnages vous ont joué leurs histoires. Histoires qui, malgré l'essence divine de nombre d'entres eux, sont à la fois bassesse et gloire, petitesse et grandeur, fatuité et modestie, connerie et sagesse, trivialité et sublime, j'en passe et des meilleurs, humaines en somme. Après tout, dans le polythéisme grec comme dans le monothéisme, Dieux ou Dieu nous ont fait à leur image et leurs desseins sont impénétrables...ou peut-être n'en ont-ils simplement pas, espérant s'amuser à nos dépens et, ce faisant, se riant d'eux-mêmes... Enfin, là n'est pas le sujet, rions, pleurons donc de nos propres contradictions pour le moment à venir ! Mais n'y prenez pas trop garde car, comme dirait l'autre, cela veut dire tout ce que cela veut dire et rien que ce que cela veut dire...
Voilà. Là bas c'est Charon, Charon l'exploité, Charon au visage buriné par le vent létal gémissant dans les limbes, Charon aux vêtements toujours humides des embruns montant des eaux ténébreuses du Styx et de l'Achéron, son passé, son présent et son avenir, son absolu et ses chaînes. Le grand ténébreux là bas, c'est Hadès, dit Le Terrible. Et il faut être terrible pour avoir comme animal de compagnie un molosse à trois têtes dégoulinantes de bave répondant au doux nom de Cerbère et, en guise de femme, Perséphone, celle qui, sanglée dans sa combinaison de cuir et d'acier, vous scrute de son regard torve. Elle n'est autre que le sadisme incarné - Sade qu'elle attend d'ailleurs impatiemment pour tromper son mari depuis que sa vieille amie la Pythie lui en a prédit la naissance -, la quintessence de l'esprit tortueux et cruel, fécond en idées de supplices raffinés - Dante en est encore tout retourné... Oui, terrible et même plus encore que cela pour régner sur toute cette clique d'âmes errantes et de suppliciés pour l'éternité. Il y a bien longtemps qu'il s'est lassé de ce qui raisonnait à ses oreilles comme la musique des sphères elle-même : la douce cacophonie des âmes en peine. Les trois vieilles aux visages parcheminés et euphémiquement disgracieux, celles qui couinent dans leur coin, ce sont les Parques et elles se disputent en fait leur seul œil et leur seule dent. Elles ne font d'ailleurs que cela à longueur d'éternité... Précisons que Perséphone n'y est pour rien dans leur supplice cruel. Némésis, quant à elle, elle n'est pas là pour rien. Non. Elle est là car Charon l'a invoquée. Or, la seule raison d'être de Némésis, c'est la vengeance et plutôt chaude que froide ! Ni bien ni mal, la vengeance c'est la tâche, le labeur de cette véritable sociopathe. Pas de chance pour Aphrodite qui, soit dit en passant, n'est blanche que de peau, c'est elle la cible de Némésis. Ça risque de durer longtemps, elles sont toutes les deux immortelles...
Et puis il y a les autres. Les autres c'est la faune du Tartare, armée hétéroclite de protagonistes d'une réplique, deux quand on veut bien les écouter - mais c'est à vos risques et périls, ils sont généralement irascibles. Parfois même d'une scène pour les plus chanceux... ou malchanceux, tout dépend de leur situation, supplicié ou convive, âme errante ou bien homme encore mais errant aussi : tout un ramassis d'humanité de déité, de mortalité et d'immortalité plus ou moins dépravé, uni pour un battement d'éternité. Mais les autres ce sont surtout les morts de la guerre de Troie, roi ou simple soldat. Il y a Priam, l'adepte des phrases grandiloquentes, Achille, l'impunité résiliée, Hector, la force de la nature mais l'homme réduit à son animalité première, Patrocle l'orgueilleux, Pâris l'insatiable, le désirant consumé et consommé ainsi que tous ceux qui périrent à Troie, la ville aux remparts pourpres du sang mêlé de ses défenseurs et de ses destructeurs.

Scène 1 : Charon, Hadès, Perséphone, Sisyphe, Tantale, les Danaïdes, les Parques, les morts de la guerre de Troie. 

Charon : Pour une pomme Troie est tombée, je suis fatigué de toutes ces âmes qui ramènent leurs fraises et tout ça à cause de cette bonne poire d'Hélène ! En voilà une de salade de fruits qui n'est pas jolie, jolie... Aphrodite, tu me le paieras !

Hadès : Allons, allons, Charon, du calme. Je t'accorde que cette garce n'y est pas allée de main morte...

Sisyphe : Heu patron, un minimum de respect je vous prie ! Ça fait bien longtemps que ma main est morte et cela ne m'empêche pas de travailler d'arrache-pied...

Perséphone qui jusque là s'appuyait langoureusement sur son mari : Oh quelle bonne idée ! Un arrachage de pied pour l'éternité... ah l'endiablé musique des tendons se sectionnant en rythme, sublimement vicieux ! Air vicieux, caressant un fouet à rasoirs.

Hadès fort contrarié : Perséphone, ma mie, vous m'indisposez ! Fort Quant à toi abruti, ferme-la et contente toi de hurler lorsque la pierre que tu fais rouler t'écrase, te passe dessus, te broie, te...

Perséphone persiflant : Attention à vous mon chevalet mignon, mon ardent fer rouge, attention à vous...

Hadès partagé entre exaspération d'autant plus forte qu'il s'est rendu compte de l'absurdité de se remarque et une certaine crainte : Moui, bon, je disais donc du calme Charon car...

Les Parques qui passent et repassent avec force et fracas en grognant, gémissant, baragouinant... et parlent toutes les trois en même temps : rends-moi ça, rends-moi cet œil ! C'est à mon tout de couper le fil, c'est à moi d'avoir la délectation de prendre une vie !

Tantale : J'ai faim ! J'ai soif ! Mon ventre crie à jamais famine tandis que je me dessèche comme un vieux pruneau ridé !

Les 49 Danaïdes : Nous étancherions bien ta soif beau Tantale si seulement l'eau ne s'écoulait pas aussi vite de notre tonneau aux mille trous ; même à nous toutes nous n'avons pas assez de doigts pour les boucher... soupir pathétique

Hadès explosant : Mais vous aller me laisser finir oui !

Perséphone : Et un ange passe... Air vicieux, l'air de dire que je lui couperais bien les ailes.

Hadès : Bon, Charon, pour la troisième et dernière fois, calme ta colère car après tout, un tel afflux c'est bon pour le commerce et puis certaines de ces âmes sont pour ta barque des hôtes de marque.

Charon : Oui, ben ma barque parlons-en ! Je vous préviens, je dépose un préavis de cessation d'activité si on ne me rafistole pas cette satanée coque de noix et si l'on ne me fournit pas le matériel propice à une utilisation rationnelle de mon instrument de travail !

Hadès d'un ton paternaliste plein de condescendance : Allons mon vieil ami, ne me fais pas rire ! Toi, à la retraite ? Et qu'est ce que tu ferais de l'éternité qui t'est allouée ? Des vers rimés ? Non, décidément, je ne te vois pas déclamer des absurdités telles que "Oh rivages malheureux, fallait-il approcher de tes bords ennuyeux ?".

Les morts de la guerre de Troie faisant le pied de grue depuis le début du dialogue : En parlant de rivages ennuyeux, pourrait-on s'occuper de nous si ce n'est pas trop demander ?

Charon se lamentant avec beaucoup de conviction : Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire. Ah ! Chef, ne vous gaussez pas car je suis las, hélas, de prendre racine et je n'en puis plus de traîner ma vieille carcasse sur les eaux noirâtres du Styx, hôtes de marque ou non.

Hadès : Tes jérémiades de syndicaliste éploré commencent à me fatiguer Charon, et ce qui me fatigue m'ennuie, ce qui pourrait te nuire... si tu vois ce que je veux dire ! D'autre part, dorénavant tu es prié de refouler les sans-oboles, j'attends de toi une tolérance zéro ! A bon entendeur, salut ! Perséphone, la roue d'Ixion n'a pas besoin de vous pour tourner perpétuellement alors cessez de jouer et venez, il est grand temps de se préparer à recevoir nos invités.

Les Parques tout comme à leur habitude et toujours toutes trois ensembles : donne-moi la dent, j'ai faim et j'en ai besoin pour me délecter de cette vie que je viens de prendre !

Charon médusé puis laissant libre cours à sa colère : ...Ah le miasme putride, l'immonde pourceau, le bâtard, l'ignoble individu...le...le... Cri de rage primale, guttural à souhait ! Aphrodite et Hadès, vous me le paierez tous ! Némésis, déesse des opprimés ivres d'une salutaire volonté de vengeance, j'en appelle à toi muse de la satisfaction vengeresse, écoute-moi et satisfais-moi, je t'en conjure !

Scène deux : Charon et Némésis.

Némésis très froide, très digne, parlant avec détachement mais force, d'une voie sourde et menaçante : Tu m'as appelée et je suis venue à toi du fonds de mes abysses natals. Que puis-je pour toi Passeur ?

Charon : C'est très simple, venge-moi ou pour le moins aide-moi à me venger de mon employeur, Hadès, et de cette garce d'Aphrodite.

Némésis : Ce que tu me demandes entraînera un changement radical, l'arrivée d'une ère nouvelle, un perpétuel renouvellement ou une perpétuelle chute - ce qui revient au même - du monde bien policé des Dieux immortels, conduisant à la valse endiablée du chaos et de l'ordre à jamais entrelacés, à leur osmose absolue et ultime ! Elle est essoufflée, haletante après sa tirade hallucinée.

Charon quelque peu dubitatif voire perplexe : Euh, laisse moi un petit délai de réflexion supplémentaire, le temps de me servir une double ambroisie frappée ; je crois que cela va m'être grandement nécessaire...

Némésis ton terrible, pas fort mais fanatique, contenant une menace évidente : Non Charon, tu m'as appelé et l'engrenage vient de s'enclencher, broyant déjà ce qui est notre actuelle réalité. Je ne suis pas uniquement la déesse de la vengeance Charon, pion du destin, je suis aussi celle de la Fatalité !

Scène trois : Charon, Perséphone, Némésis.

Perséphone sortant de l'ombre où elle se camouflait jusque-là, riant sous cape : Bonjour Némésis, heureuse de te revoir enfin ! Charon, je m'occupe de toi après... Alors ma sœur, cela fait déjà un petit moment que je t'écoute et je vois que tu donnes toujours dans les prédictions apocalyptiques et sibyllines. D'ailleurs, à ce sujet, je t'ai trouvé le prétendant idéal ! Il n'est pas encore né mais tu connais Pythie, elle, elle est vraiment infaillible ! Il s'appelle Nostradamus. Charmant, non ?

Némésis : Charon, retirez-vous. Charon s'éclipse. Perséphone, merde à la fin ! A chaque fois tu brises la mouvance de mysticisme que j'essaye de développer chez nos contemporains ! Et puis arrête d'essayer de me caser, au moindre écart tu sais pertinemment que je tuerai le malheureux élu et tu connais la fatalité masculine...

Perséphone : Il me semble qu'ici, c'est toi la déesse de la fatalité... Tu n'as qu'à t'en prendre à toi même. Et puis le meurtre est follement amusant, surtout celui de son mari ! Enfin, si tu ne veux vraiment pas de problèmes, prends en un qui soit immortel : garantie à vie !

Némésis outrée, frémissante de colère contenue, elle se retire à la manière d'une religieuse à la moralité outragée par des propos subversivement provocateurs au son rageur de : Rhaaaa, Perséphone, sœur impie, tu... tu... Rhaaaa !

Perséphone, emplie de fierté personnelle, affiche un sourire réjoui.

Scène quatre : Charon, Perséphone, les morts de la guerre de Troie.

Charon complètement décontenancé par ce qu'il vient d'entendre alors qu'il écoutait en douce : Mais ce n'est pas possible, si Némésis et Perséphone se connaissent, mes plans de vengeance tombent à l'eau ! Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire ? Que faire bon sang ?

Les morts : Vous pourriez peut-être commencer par vous occuper de nous, M. le Passeur ?

Priam semblant prendre l'initiative : Sibyllins augures, vous ne m'aviez pas trompé... Pourtant vous aussi mourrez, malin devins !

Hector ton condescendant face au manque d'à propos de Priam, mais parlant avec difficulté : Oui père, oui bien sûr. Venez, allez vous reposer auprès de votre femme et laissez-moi m'occuper de cela.

Patrocle : Et pourquoi serait-ce à toi seul de t'occuper de notre problème malheureusement commun ? Pour qui te prends-tu à vouloir diriger les autres jusque dans la mort ? De toute façon, tu ferais un aussi piètre chef mort que vif, on ne comprend même pas la moitié de ce qui sort de ta bouche déchiquetée !

Hector enragé : Toi, oh oui toi ! Je t'ai déjà mis en pièces et je me ferais un plaisir de recommencer si tu l'ouvres encore !

Achille goguenard : Et moi de même mon très cher meilleur ennemi...

Tous commencent à se disputer, se battre et crier, qui pour Achille, qui pour Hector, à l'image d'une bataille au pied de Troie lorsqu'une voix s'élève au milieu du tumulte.

Cassandre hautaine, ton dédaigneux au possible : Tous, vous êtes tous toujours aussi stupides à vous battre ainsi, comme lorsque nous étions en vie ! Vous n'avez pas encore compris que nous sommes tous dans la même galère, tous embarqués sur le même bateau !

Les autres morts piqués au vif, bien qu'effectivement ils ne le soient plus vraiment : C'est toi qui es stupide, et toujours aussi folle ! Nous ne sommes justement pas sur le bateau où nous devrions nous trouver afin de traverser ce satané fleuve !

Cassandre sans se démonter le moins du monde, habituée qu'elle est à ce genre d'attitude vis-à-vis de sa personne qu'elle estime d'ailleurs auguste : Et bien alors, pour une fois dans votre mort, faites preuve d'intelligence, cessez vos enfantillages - jeux de mains, jeux de vilains, votre maman ne vous à jamais dis ça - et suppliez donc Charon. C'est ça où une traversée low cost sur le radeau de Méduse...

Tous scandent alors le nom de Charon comme si cela était leur dernière planche de salut. Tous à l'exception de Cassandre, muette de stupéfaction à l'idée que ceux qui l'ont toujours dénigrée l'aient cette fois-ci écoutée.

Charon sortant de sa léthargie : Cessez, mais cessez donc ! Taisez-vous ! Fermez vos gueules de moribonds, retournez au silence de la tombe ! De toute façon je ne viendrai pas vous chercher : je suis EN GRÈVE !

Perséphone apparue soudainement, ton mielleux : Oui mes mignons, oui mes jouets, venez à moi, venez, je m'occuperai bien de vous... (Ton soudainement dur) Nocher, va me les chercher et... (puis se voulant aguicheur) tu tâteras de mon fouet !

Charon habitué à l'esprit décalé de Perséphone mais toujours aussi amusé par celui-ci : Non, non merci, sans façon. (D'un ton soudain plus sombre) Vous ne briserez pas ma détermination !

Perséphone désappointée du refus de Charon mais avec comme un soupçon de malice dans la voix : Très bien, parfait, puisque c'est ainsi, j'irai les chercher moi-même !

Charon soudain affolé : Quoi ? Mais vous ne pouvez pas faire cela, vous... vous ne savez même pas manœuvrer une barque et puis ces eaux sont très dangereuses !

Perséphone ton léger, badin : Plus c'est dangereux plus j'aime, tu devrais le savoir tout comme tu sais pertinemment que rien n'est impossible à une déesse. Allez, pousse-toi.

Charon : Mais, mais c'est ma tâche, mon devoir...

Perséphone : Puisque tu sembles décidé à ne plus l'assumer, je te trouverai un successeur. Tu n'as qu'à partir en retraite anticipée. Je suis même prête, dans mon immense mansuétude, à te proposer un stage de reconversion. Que penses-tu de souffre-bonheur officiel ? Tu ferais aussi un honnête tourmenteur m'est avis... Bon, allez, maintenant, laisse-moi passer veux-tu ?

Charon paniqué, peut-être bien par les perspectives d'avenir qui s'offrent à lui, peut-être bien que non aussi : Non ! (Accablé) Je vais aller les chercher ! 

Les morts fort bêtement réjouis : Enfin !

Perséphone extatique, comme atteignant le 667e palier des Enfers : Ah ! Regarde-les comme ils sont mignons, gentils morts, adorables jouets. Je reviens très vite vous fouailler mes chéris, il est malheureusement temps d'aller honorer de mon auguste présence la table de mon mari.

Scène cinq : Charybde et Scylla, Ulysse et Nono le robot, Orphée, Damoclès, Perséphone et Hadès, Garcin, Inès et Estelle, les morts de la guerre de Troie, Charon, Déméter.

 

Hadès  les bras grands ouverts, s’adressant avec sympathie à Charybde et Scylla qui doivent bien mesurer trois fois sa taille : Ah mes chers comparses, enfin nous nous revoyons ! Cela faisait bien longtemps  n’est-ce pas ?

 

Scylla  avec rancœur : Hmpff ! Du temps où j’étais encore une nymphe gracieuse, gambadant libre de tout dans les nuées opalines… des éons quoi.

 

Hadès  avec nostalgie : Eh oui, mais tu sais je t’aime autant comme ça.

 

Perséphone, riant sous cape : Effectivement Scylla, votre laideur n’a plus d’égale que votre ancienne magnificence et, peut-être, votre sens très particulier de la poésie. Hadès se fige alors, craignant visiblement que la probable fureur de Scylla ne gâche son dîner. Cependant…

 

Scylla un long temps réfléchissant avec force effort à une répartie plus fine qu’une droite en pleine face et optant finalement - bien que cela semble lui en coûter - pour : De votre part très chère, je prends cela pour un compliment !

 

Hadès  grandement soulagé : Oui, oui exactement, un compliment, tout à fait cela. Bien, et les affaires, ça va comme vous voulez ?  

 

Charybde : Et bien figure-toi que nous venons d’essuyer un terrible revers : un petit malin a dernièrement réussi à nous échapper. Un bateau complet, tu n’imagines pas quelle frustration cela a été. Et pour notre réputation : ça doit jaser là-haut, Charybde et Scylla trompés par Ulysse le mortel - oui par ce que c’est comme ça qu’il s’appelle le gredin -, enfin…

 

Hadès : Oui, c’est toujours ennuyeux… Ces hommes, ils se croient tout permis de leur vivant ! Mais attends un peu qu’il soit mort, tu pourras lui rendre des visites dominicales, il en hurlera de joie tu verras. Ulysse dis-tu, attends, laisse-moi noter cela et allons nous amuser et nous remplir la panse ! Tu vas voir, je vous ai concocté un petit spectacle pas piqué des vers. (Désignant Garcin, Inès et Estelle) Regarde, tu vois ces trois-là ? Ils sont tout le temps enfermés ensemble, toujours les uns sur les autres ; c’est un concept - fort intéressant pour une fois - de ma femme et c’est l’un d’eux qui en a découvert le secret lorsqu’il déclama – tu l’aurais vu, un doigt dressé vers le ciel, l’air d’un grand philosophe touchant à quelque vérité transcendantale - «  Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurai jamais cru…Vous vous rappelez le souffre, le bûcher, le gril…Ah ! Quelles plaisanteries. Pas besoin de gril : l’enfer c’est les autres. » Ils n’arrêtent jamais de s’entredéchirer, ils travaillent pour nous, c’est la productivité ultime, tu te rends compte ! Mais regarde-les plutôt ! Et toi aussi Scylla.

 

Et là… Là en fait, il ne se passe strictement rien, aucun des trois ne bouge, trop heureux sans doute d’être sortis de leur chambre. Hadès ne semble pas en croire ses yeux. Lourd silence, puis Hadès se reprend à la vue des mines désappointées de ses convives et commande l’entrée. Arrive Damoclès, plateau en main et épée en tête.

 

Scylla : Tiens, Damoclès ! Cela t’est finalement tombé sur le coin du nez !

 

Damoclès  dans sa barbe : Si y’avait que sur le coin du nez je ne serais pas là si je puis me permettre !

 

Charybde et Scylla semblent enfin se dérider, amusés par Damoclès, lorsque tout commence à partir à vau-l’eau. Charon entre, les morts de la guerre de Troie sur ses talons, et pousse un profond soupir de soulagement, comme débarrassé d’un poids mort, cela tout en affichant un large sourire, comme réjoui à l’idée de pouvoir gâcher la soirée d’Hadès.

 

Hadès  passablement surpris : Charon ? Mais, mais, et eux, qu’est-ce qu’ils foutent-là ?

 

Charon : Ce n’est rien, juste de petites recommandations qu’ils tiennent à vous adresser en personne.

 

Tous se jettent alors sur Hadès, l’assaillant de reproches.

 

Les morts : Franchement, le service laisse à désirer : un retard de près de douze heures au port, ensuite on nous abandonne sans même nous dire où nous logeons et puis il faudrait s’occuper de l’éclairage, trop faible, de la salubrité des lieux, des employés, plutôt grimaçant, de…

 

Hadès  éclatant une fois de plus, heureusement qu’il est à l’abri d’une crise cardiaque : Non mais vous vous croyez où là, aux Champs Elysées ? Vous êtes dans l…

 

Hécube cris perçants  rythmés de sanglots déchirants : Où sont mes enfants ? Où sont mes petits chéris ?

 

Perséphone amusée : Mais ils sont tous là, éparpillés (en désignant du bras les mets servis) : goûteux à souhait, délectables, vraiment !

Hécube se met à hurler sans discontinuer tandis qu’entre Hécate. La situation de cette jeune fille étant pittoresque, elle nécessite, semble-t-il, un petit intermède de la part du prologue.

 

Le prologue : Hécate, j’ai malencontreusement oublié de la mentionner tout à l’heure mais il faut dire qu’elle était sensée faire la sieste pour toute la durée de cette histoire. Les enfants sont décidemment imprévisibles. Bien, alors Hécate c’est assez compliqué puisqu’elle est la fille de Hadès et de Déméter qui se trouve aussi être la mère de Perséphone, une sorte d’inceste mais à l’envers, ou peut-être plutôt…oui, enfin pour être bref Hécate et Perséphone sont demi-sœurs mais Hadès, l’homme de leur vie à toutes les deux étant donné que Hécate est à l’âge critique du complexe d’Œdipe - elle veut épouser papa -, Hadès donc est, pour Hécate un père et pour Perséphone un mari. Bon, reprenons maintenant, voulez-vous ?

 

Hécate ton capricieux : Papa, j’arrive pas à dormir. Je veux un autre doudou pour dormir. (Désignant Patrocle) Celui-là il me plaît bien. Je le veux ! Je le veux ! Je le VEUX !

 

Hadès  faisant son possible pour se contenir : Et bien prends le et fais-en ce que tu veux, mais retourne te coucher pour l’amour de moi !

 

Perséphone  indignée : Ah non, certainement pas ! Ceux-là ils sont à moi ! Et puis cesse de lui passer tous ses caprices d’enfant gâtés, ce n’est pas bon pour elle !

Hadès :  C'est la meilleure celle là ! C'est le Tartare qui se fout de la cruauté ! Et puis je te rappelle que tu n'es pas sa mère.

Hécate pleurnichant : de toute façon y'en a toujours que pour elle !

 

Les Parques  comme à leur habitude : Trois nous sommes, trois fois donc nous passons, c’est un axiome que toujours nous honorons afin d’exaspérer notre maître adoré !  

 

Hadès  comme regrettant de ne pas avoir de cheveux pour se les arracher : Ecoutez, écoutez-moi bien toutes les deux : débrouillez-vous comme vous voulez mais je ne veux plus vous entendre de la soirée ! Laissez-moi m’occuper de mes invités !

Cependant, à peine Hadès s’est-il retourné en direction de Charybde et Scylla qu’Ulysse arrive, accompagné de Nono le robot, ce qui déclencha la fureur immédiate des deux monstres.

 

Ulysse : Stop, ne me touchez surtout pas ! Je suis un envoyé de Déméter, protégé par l’immunité de divine selon les conventions de l’Olympe. Je veux parler au maître des lieux, Hadès !

 

Hadès  s’interposant entre Charybde, Scylla et Ulysse : Stop, ne le touchez surtout pas ! Il est protégé par l’immunité divine et est envoyé par cette vieille peau de Déméter. Parle Messager, vite !

 

Ulysse : Déméter me charge de vous dire que l’échéance pour cette année est arrivée à terme. Il vous faut maintenant honorer votre contrat.

 

Hadès affolé : Quoi ? Quel contrat ? Je n’ai pas souvenance d’un quelconque contrat et ça fait longtemps que j’ai arrêté la contrebande d’âmes.

 

Ulysse : Et bien en fait, je crois qu’elle veut parler de Perséphone, vous savez, celle que vous lui avez enlevé pour en faire votre femme…

 

Hadès  grandement soulagé : Si ce n’est que cela, elle peut la reprendre et la deuxième avec, je lui en fais un lot si ça lui fait plaisir et je consens même à augmenter son temps de garde. J’irai les prévenir tout à l’heure. Va maintenant, avant que Charybde et Scylla ne t’écharpent. Ah, au fait, c’est qui celui-là ? Désignant Nono. La dernière Lubie de Déméter ?

 

Ulysse : Pas du tout, elle déteste tout ce qui est métallique. Lui, je l’ai rencontré tout à l’heure, en chemin, et depuis il ne me lâche plus, prétextant que nous aurions voyagé sur je ne sais quel vaisseau intersidéral… Ah, au fait, j’ai là de véritables éclats de bois du cheval de Troie, très rares, très recherchés, si le cœur vous en dit…

 

Hadès  complètement blasé : Ah, oui, bien sûr, c’est évident. Eurêka, comme dirait l’autre. Pour ton offre généreuse, merci mais non. J’ai déjà les véritables morts de Troie et c’est amplement suffisant. Bon, Charybde, Scylla…ben qu’est-ce que vous faites ?

 

Charybde et Scylla ton terrible de l’horrible monstre mythologique pas content du tout : Ca se voit non ? On s’en va, mais ton hospitalité Hadès, on s’en souviendra! Quand je pense que tu nous as même pas laissées goûter à cet effronté d’Ulysse alors que nous étions censées nous en mettre "plein la panse", c’est bien ça ? C’est contre toutes les règles de la bienséance !

 

Hadès : Mais, mais attendez, on n’a même pas entamé plat principal, att…

 

Orphée le visage lunaire, l’air ahuri et perdu de l’hellène pur souche ayant par inadvertance dépassé les colonnes d’Héraclès : Dites-moi mon bon monsieur, c’est bien ici les Enfers ? Parce qu’en vérité je cherche ma femme, Eurydice, et on m’a dit qu’elle était par ici. Vous ne l’auriez pas vu dès fois ?

 

Hadès se retourne lentement, le visage cramoisi et congestionné de colère. Il fige Orphée sur place, sans plus d’avertissement. Plus tard, il imaginera un conte à dormi debout selon lequel Orphée se serait retourné lors de son retour à l’air libre alors qu’il avait explicitement reçu l’ordre de ne surtout pas faire cela… Quel mythomane ce Hadès !  Il se dirige ensuite vers Hécate et Perséphone qui se chamaillent toujours au sujet de la possession des morts de la guerre de Troie qui, quant à eux, essaient de calmer les hurlements hystériques d’Hécube. Seul Patrocle, le teint olivâtre - si tant est que cela soit possible pour un mort - depuis que les demi-sœurs ont décidé que la gagnante serait celle qui imaginerait le supplice le plus raffiné, semble n’avoir cure des cris assourdissants d’Hécube. La nouvelle de Hadès n’est que très froidement accueillie.

 

Hécate et Perséphone passablement surprises : Quoi ? Mais on est bien ici !

 

Hadès : Tiens, vous êtes d’accord tout d’un coup ?

Hécate et Perséphone se regardent en chiens de faïence puis laissent éclater leur frénésie.


Hécate : Garde-moi Papa ! Envoie-la elle, pas moi !

 

Perséphone : Oh non, chéri, c’est à son tour ! Et puis si tu me gardes, je serais (Hésitation)…gentille avec toi…

 

Hadès : Ta gentillesse, on la connaît !

 

Hécate : Oh oui, envoie-la et garde-moi…s’il te plait, s’il te plaît, s’il te plaît !

 

Hadès sourire ravi : Non, désolé, vous irez tous les deux. Ainsi est le contrat, alors ainsi soit-il. Je n’ai qu’une parole. (Ton soudain faussement dramatique) Ne croyez pas que la séparation ne soit pas déchirante pour moi aussi, mais la fatalité en a ainsi voulu. Nous nous reverrons au prochain hiver mes chéries.

 

Lumière soudaine, éclatante, voilant l’arrivée de Déméter…qui s’avère finalement avoir l’aspect d’une grand-mère exubérante et débonnaire, certainement adepte de la bonne chère et visiblement très en colère contre Hadès. Charon, heureux du sort de son employeur et sentant que cela risque de barder, décide de se retirer, emmenant les morts avec lui pour une petite croisière sur le Styx et l’Achéron au son de « Oh sole mio ».

 

Déméter : Hadès, immonde pourceau que j’ai - puissé-je me le pardonner un jour - laissé profiter de mes charmes de femme mûre et épanouie, vas-tu me rendre mes filles chéries ou bien faut-il que je sois plus persuasive ?

 

Hadès : Oh non, tu peux les reprendre. Je te les laisse, même si mon âme saigne (ton toujours aussi faussement pathétique).

 

Déméter : Je vois que tu es raisonnable, c’est agréable, cela change. (Se retournant vers une Perséphone et une Hécate terrorisées, et parlant d’une voix mielleuse et stupide, comme si elle faisait risette à un nouveau-né) Oh, ça y est mes petites chéries, mes amours, mes bébés, le cauchemar est fini, le vilain monsieur ne vous fera plus de mal, maman est là pour prendre soin de vous ! Perséphone, qu’est-ce que c’est que cet accoutrement ? Et toi, Hécate, tu es si blanche, blanche comme la mort. Oh ! Allez, venez, suivez-moi à l’air libre où le soleil brille de mille feux chatoyants dans le ciel pur et cristallin, vous allez voir tout va…

 

Charon  suivi des morts, des divers suppliciés, de Cerbère jappant, d’Ulysse et de Nono qui s’étaient perdus… : Fuyez patron, y’a un raz de marée, le Styx et l’Achéron se sont soulevés et les eaux sont à nos trousses, FUYYEEZ !!! (Le raz-de-marée en question n’est ni plus ni moins qu’une stupide canalisation qui vient d’éclater et qui gicle de l’eau un peu partout sur la scène mais en quantité ridiculement infime.)

Tous partent dans un fracas d’enfer, chacun dans une direction…

 

Sylvain LHERMIE

Note d’intention

 

Petite satire à teneur humoristique et grand délire mythologique, cette pièce a avant tout pour but de distraire. Et ce n’est déjà pas si mal. On y retrouve donc pléthore de personnages issus de la mythologie grecque, plus ou moins familiers du grand public du fait qu'ils ont nourri la création artistique depuis des siècles, du théâtre antique aux jeux vidéo les plus récents.

En parlant de création artistique, la référence à Giraudoux est d'ailleurs transparente. Le choix de cette pièce est directement lié à la quantité et à la qualité de la matière mythique sur laquelle elle se base. Mais c'est une fois que l'inéluctable guerre a eu lieu, une fois dans le domaine intemporel de la mort que cette même matière mythique développe son plein potentiel : on ne rencontre plus aucune barrière à l'imaginaire qui peut dès lors, comme une symphonie, se moduler à l'infini, uniquement régi par l'immuable solfège de la nature humaine. Et c'est là, outre son fabuleux potentiel comique, toute la puissance de la matière mythique : contenir en son sein toutes les structures figuratives de la psyché et de l'imaginaire humains. Derrière les mythes, l'Homme et sous le rire, la ludique dénonciation d'un certain nombre de nos travers.

Les didascalies contiennent beaucoup d'indications de jeu et de mises en scène, qui tirent vers la farce outrée et volontairement archétypale. Il n'est pas nécessaire de les respecter. Il s'agit en fait de faire de cette pièce une œuvre que l'on ait autant envie de lire que de voir sur scène.

La guerre de Troie a eu lieu...

Une pièce de Sylvain Lhermie

Le Prologue

Voilà. Ces personnages vous ont joué leurs histoires. Histoires qui, malgré l'essence divine de nombre d'entres eux, sont à la fois bassesse et gloire, petitesse et grandeur, fatuité et modestie, connerie et sagesse, trivialité et sublime, j'en passe et des meilleurs, humaines en somme. Après tout, dans le polythéisme grec comme dans le monothéisme, Dieux ou Dieu nous ont fait à leur image et leurs desseins sont impénétrables...ou peut-être n'en ont-ils simplement pas, espérant s'amuser à nos dépens et, ce faisant, se riant d'eux-mêmes... Enfin, là n'est pas le sujet, rions, pleurons donc de nos propres contradictions pour le moment à venir ! Mais n'y prenez pas trop garde car, comme dirait l'autre, cela veut dire tout ce que cela veut dire et rien que ce que cela veut dire...
Voilà. Là bas c'est Charon, Charon l'exploité, Charon au visage buriné par le vent létal gémissant dans les limbes, Charon aux vêtements toujours humides des embruns montant des eaux ténébreuses du Styx et de l'Achéron, son passé, son présent et son avenir, son absolu et ses chaînes. Le grand ténébreux là bas, c'est Hadès, dit Le Terrible. Et il faut être terrible pour avoir comme animal de compagnie un molosse à trois têtes dégoulinantes de bave répondant au doux nom de Cerbère et, en guise de femme, Perséphone, celle qui, sanglée dans sa combinaison de cuir et d'acier, vous scrute de son regard torve. Elle n'est autre que le sadisme incarné - Sade qu'elle attend d'ailleurs impatiemment pour tromper son mari depuis que sa vieille amie la Pythie lui en a prédit la naissance -, la quintessence de l'esprit tortueux et cruel, fécond en idées de supplices raffinés - Dante en est encore tout retourné... Oui, terrible et même plus encore que cela pour régner sur toute cette clique d'âmes errantes et de suppliciés pour l'éternité. Il y a bien longtemps qu'il s'est lassé de ce qui raisonnait à ses oreilles comme la musique des sphères elle-même : la douce cacophonie des âmes en peine. Les trois vieilles aux visages parcheminés et euphémiquement disgracieux, celles qui couinent dans leur coin, ce sont les Parques et elles se disputent en fait leur seul œil et leur seule dent. Elles ne font d'ailleurs que cela à longueur d'éternité... Précisons que Perséphone n'y est pour rien dans leur supplice cruel. Némésis, quant à elle, elle n'est pas là pour rien. Non. Elle est là car Charon l'a invoquée. Or, la seule raison d'être de Némésis, c'est la vengeance et plutôt chaude que froide ! Ni bien ni mal, la vengeance c'est la tâche, le labeur de cette véritable sociopathe. Pas de chance pour Aphrodite qui, soit dit en passant, n'est blanche que de peau, c'est elle la cible de Némésis. Ça risque de durer longtemps, elles sont toutes les deux immortelles...
Et puis il y a les autres. Les autres c'est la faune du Tartare, armée hétéroclite de protagonistes d'une réplique, deux quand on veut bien les écouter - mais c'est à vos risques et périls, ils sont généralement irascibles. Parfois même d'une scène pour les plus chanceux... ou malchanceux, tout dépend de leur situation, supplicié ou convive, âme errante ou bien homme encore mais errant aussi : tout un ramassis d'humanité de déité, de mortalité et d'immortalité plus ou moins dépravé, uni pour un battement d'éternité. Mais les autres ce sont surtout les morts de la guerre de Troie, roi ou simple soldat. Il y a Priam, l'adepte des phrases grandiloquentes, Achille, l'impunité résiliée, Hector, la force de la nature mais l'homme réduit à son animalité première, Patrocle l'orgueilleux, Pâris l'insatiable, le désirant consumé et consommé ainsi que tous ceux qui périrent à Troie, la ville aux remparts pourpres du sang mêlé de ses défenseurs et de ses destructeurs.

Scène 1 : Charon, Hadès, Perséphone, Sisyphe, Tantale, les Danaïdes, les Parques, les morts de la guerre de Troie. 

Charon : Pour une pomme Troie est tombée, je suis fatigué de toutes ces âmes qui ramènent leurs fraises et tout ça à cause de cette bonne poire d'Hélène ! En voilà une de salade de fruits qui n'est pas jolie, jolie... Aphrodite, tu me le paieras !

Hadès : Allons, allons, Charon, du calme. Je t'accorde que cette garce n'y est pas allée de main morte...

Sisyphe : Heu patron, un minimum de respect je vous prie ! Ça fait bien longtemps que ma main est morte et cela ne m'empêche pas de travailler d'arrache-pied...

Perséphone qui jusque là s'appuyait langoureusement sur son mari : Oh quelle bonne idée ! Un arrachage de pied pour l'éternité... ah l'endiablé musique des tendons se sectionnant en rythme, sublimement vicieux ! Air vicieux, caressant un fouet à rasoirs.

Hadès fort contrarié : Perséphone, ma mie, vous m'indisposez ! Fort Quant à toi abruti, ferme-la et contente toi de hurler lorsque la pierre que tu fais rouler t'écrase, te passe dessus, te broie, te...

Perséphone persiflant : Attention à vous mon chevalet mignon, mon ardent fer rouge, attention à vous...

Hadès partagé entre exaspération d'autant plus forte qu'il s'est rendu compte de l'absurdité de se remarque et une certaine crainte : Moui, bon, je disais donc du calme Charon car...

Les Parques qui passent et repassent avec force et fracas en grognant, gémissant, baragouinant... et parlent toutes les trois en même temps : rends-moi ça, rends-moi cet œil ! C'est à mon tout de couper le fil, c'est à moi d'avoir la délectation de prendre une vie !

Tantale : J'ai faim ! J'ai soif ! Mon ventre crie à jamais famine tandis que je me dessèche comme un vieux pruneau ridé !

Les 49 Danaïdes : Nous étancherions bien ta soif beau Tantale si seulement l'eau ne s'écoulait pas aussi vite de notre tonneau aux mille trous ; même à nous toutes nous n'avons pas assez de doigts pour les boucher... soupir pathétique

Hadès explosant : Mais vous aller me laisser finir oui !

Perséphone : Et un ange passe... Air vicieux, l'air de dire que je lui couperais bien les ailes.

Hadès : Bon, Charon, pour la troisième et dernière fois, calme ta colère car après tout, un tel afflux c'est bon pour le commerce et puis certaines de ces âmes sont pour ta barque des hôtes de marque.

Charon : Oui, ben ma barque parlons-en ! Je vous préviens, je dépose un préavis de cessation d'activité si on ne me rafistole pas cette satanée coque de noix et si l'on ne me fournit pas le matériel propice à une utilisation rationnelle de mon instrument de travail !

Hadès d'un ton paternaliste plein de condescendance : Allons mon vieil ami, ne me fais pas rire ! Toi, à la retraite ? Et qu'est ce que tu ferais de l'éternité qui t'est allouée ? Des vers rimés ? Non, décidément, je ne te vois pas déclamer des absurdités telles que "Oh rivages malheureux, fallait-il approcher de tes bords ennuyeux ?".

Les morts de la guerre de Troie faisant le pied de grue depuis le début du dialogue : En parlant de rivages ennuyeux, pourrait-on s'occuper de nous si ce n'est pas trop demander ?

Charon se lamentant avec beaucoup de conviction : Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire. Ah ! Chef, ne vous gaussez pas car je suis las, hélas, de prendre racine et je n'en puis plus de traîner ma vieille carcasse sur les eaux noirâtres du Styx, hôtes de marque ou non.

Hadès : Tes jérémiades de syndicaliste éploré commencent à me fatiguer Charon, et ce qui me fatigue m'ennuie, ce qui pourrait te nuire... si tu vois ce que je veux dire ! D'autre part, dorénavant tu es prié de refouler les sans-oboles, j'attends de toi une tolérance zéro ! A bon entendeur, salut ! Perséphone, la roue d'Ixion n'a pas besoin de vous pour tourner perpétuellement alors cessez de jouer et venez, il est grand temps de se préparer à recevoir nos invités.

Les Parques tout comme à leur habitude et toujours toutes trois ensembles : donne-moi la dent, j'ai faim et j'en ai besoin pour me délecter de cette vie que je viens de prendre !

Charon médusé puis laissant libre cours à sa colère : ...Ah le miasme putride, l'immonde pourceau, le bâtard, l'ignoble individu...le...le... Cri de rage primale, guttural à souhait ! Aphrodite et Hadès, vous me le paierez tous ! Némésis, déesse des opprimés ivres d'une salutaire volonté de vengeance, j'en appelle à toi muse de la satisfaction vengeresse, écoute-moi et satisfais-moi, je t'en conjure !

Scène deux : Charon et Némésis.

Némésis très froide, très digne, parlant avec détachement mais force, d'une voie sourde et menaçante : Tu m'as appelée et je suis venue à toi du fonds de mes abysses natals. Que puis-je pour toi Passeur ?

Charon : C'est très simple, venge-moi ou pour le moins aide-moi à me venger de mon employeur, Hadès, et de cette garce d'Aphrodite.

Némésis : Ce que tu me demandes entraînera un changement radical, l'arrivée d'une ère nouvelle, un perpétuel renouvellement ou une perpétuelle chute - ce qui revient au même - du monde bien policé des Dieux immortels, conduisant à la valse endiablée du chaos et de l'ordre à jamais entrelacés, à leur osmose absolue et ultime ! Elle est essoufflée, haletante après sa tirade hallucinée.

Charon quelque peu dubitatif voire perplexe : Euh, laisse moi un petit délai de réflexion supplémentaire, le temps de me servir une double ambroisie frappée ; je crois que cela va m'être grandement nécessaire...

Némésis ton terrible, pas fort mais fanatique, contenant une menace évidente : Non Charon, tu m'as appelé et l'engrenage vient de s'enclencher, broyant déjà ce qui est notre actuelle réalité. Je ne suis pas uniquement la déesse de la vengeance Charon, pion du destin, je suis aussi celle de la Fatalité !

Scène trois : Charon, Perséphone, Némésis.

Perséphone sortant de l'ombre où elle se camouflait jusque-là, riant sous cape : Bonjour Némésis, heureuse de te revoir enfin ! Charon, je m'occupe de toi après... Alors ma sœur, cela fait déjà un petit moment que je t'écoute et je vois que tu donnes toujours dans les prédictions apocalyptiques et sibyllines. D'ailleurs, à ce sujet, je t'ai trouvé le prétendant idéal ! Il n'est pas encore né mais tu connais Pythie, elle, elle est vraiment infaillible ! Il s'appelle Nostradamus. Charmant, non ?

Némésis : Charon, retirez-vous. Charon s'éclipse. Perséphone, merde à la fin ! A chaque fois tu brises la mouvance de mysticisme que j'essaye de développer chez nos contemporains ! Et puis arrête d'essayer de me caser, au moindre écart tu sais pertinemment que je tuerai le malheureux élu et tu connais la fatalité masculine...

Perséphone : Il me semble qu'ici, c'est toi la déesse de la fatalité... Tu n'as qu'à t'en prendre à toi même. Et puis le meurtre est follement amusant, surtout celui de son mari ! Enfin, si tu ne veux vraiment pas de problèmes, prends en un qui soit immortel : garantie à vie !

Némésis outrée, frémissante de colère contenue, elle se retire à la manière d'une religieuse à la moralité outragée par des propos subversivement provocateurs au son rageur de : Rhaaaa, Perséphone, sœur impie, tu... tu... Rhaaaa !

Perséphone, emplie de fierté personnelle, affiche un sourire réjoui.

Scène quatre : Charon, Perséphone, les morts de la guerre de Troie.

Charon complètement décontenancé par ce qu'il vient d'entendre alors qu'il écoutait en douce : Mais ce n'est pas possible, si Némésis et Perséphone se connaissent, mes plans de vengeance tombent à l'eau ! Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire ? Que faire bon sang ?

Les morts : Vous pourriez peut-être commencer par vous occuper de nous, M. le Passeur ?

Priam semblant prendre l'initiative : Sibyllins augures, vous ne m'aviez pas trompé... Pourtant vous aussi mourrez, malin devins !

Hector ton condescendant face au manque d'à propos de Priam, mais parlant avec difficulté : Oui père, oui bien sûr. Venez, allez vous reposer auprès de votre femme et laissez-moi m'occuper de cela.

Patrocle : Et pourquoi serait-ce à toi seul de t'occuper de notre problème malheureusement commun ? Pour qui te prends-tu à vouloir diriger les autres jusque dans la mort ? De toute façon, tu ferais un aussi piètre chef mort que vif, on ne comprend même pas la moitié de ce qui sort de ta bouche déchiquetée !

Hector enragé : Toi, oh oui toi ! Je t'ai déjà mis en pièces et je me ferais un plaisir de recommencer si tu l'ouvres encore !

Achille goguenard : Et moi de même mon très cher meilleur ennemi...

Tous commencent à se disputer, se battre et crier, qui pour Achille, qui pour Hector, à l'image d'une bataille au pied de Troie lorsqu'une voix s'élève au milieu du tumulte.

Cassandre hautaine, ton dédaigneux au possible : Tous, vous êtes tous toujours aussi stupides à vous battre ainsi, comme lorsque nous étions en vie ! Vous n'avez pas encore compris que nous sommes tous dans la même galère, tous embarqués sur le même bateau !

Les autres morts piqués au vif, bien qu'effectivement ils ne le soient plus vraiment : C'est toi qui es stupide, et toujours aussi folle ! Nous ne sommes justement pas sur le bateau où nous devrions nous trouver afin de traverser ce satané fleuve !

Cassandre sans se démonter le moins du monde, habituée qu'elle est à ce genre d'attitude vis-à-vis de sa personne qu'elle estime d'ailleurs auguste : Et bien alors, pour une fois dans votre mort, faites preuve d'intelligence, cessez vos enfantillages - jeux de mains, jeux de vilains, votre maman ne vous à jamais dis ça - et suppliez donc Charon. C'est ça où une traversée low cost sur le radeau de Méduse...

Tous scandent alors le nom de Charon comme si cela était leur dernière planche de salut. Tous à l'exception de Cassandre, muette de stupéfaction à l'idée que ceux qui l'ont toujours dénigrée l'aient cette fois-ci écoutée.

Charon sortant de sa léthargie : Cessez, mais cessez donc ! Taisez-vous ! Fermez vos gueules de moribonds, retournez au silence de la tombe ! De toute façon je ne viendrai pas vous chercher : je suis EN GRÈVE !

Perséphone apparue soudainement, ton mielleux : Oui mes mignons, oui mes jouets, venez à moi, venez, je m'occuperai bien de vous... (Ton soudainement dur) Nocher, va me les chercher et... (puis se voulant aguicheur) tu tâteras de mon fouet !

Charon habitué à l'esprit décalé de Perséphone mais toujours aussi amusé par celui-ci : Non, non merci, sans façon. (D'un ton soudain plus sombre) Vous ne briserez pas ma détermination !

Perséphone désappointée du refus de Charon mais avec comme un soupçon de malice dans la voix : Très bien, parfait, puisque c'est ainsi, j'irai les chercher moi-même !

Charon soudain affolé : Quoi ? Mais vous ne pouvez pas faire cela, vous... vous ne savez même pas manœuvrer une barque et puis ces eaux sont très dangereuses !

Perséphone ton léger, badin : Plus c'est dangereux plus j'aime, tu devrais le savoir tout comme tu sais pertinemment que rien n'est impossible à une déesse. Allez, pousse-toi.

Charon : Mais, mais c'est ma tâche, mon devoir...

Perséphone : Puisque tu sembles décidé à ne plus l'assumer, je te trouverai un successeur. Tu n'as qu'à partir en retraite anticipée. Je suis même prête, dans mon immense mansuétude, à te proposer un stage de reconversion. Que penses-tu de souffre-bonheur officiel ? Tu ferais aussi un honnête tourmenteur m'est avis... Bon, allez, maintenant, laisse-moi passer veux-tu ?

Charon paniqué, peut-être bien par les perspectives d'avenir qui s'offrent à lui, peut-être bien que non aussi : Non ! (Accablé) Je vais aller les chercher ! 

Les morts fort bêtement réjouis : Enfin !

Perséphone extatique, comme atteignant le 667e palier des Enfers : Ah ! Regarde-les comme ils sont mignons, gentils morts, adorables jouets. Je reviens très vite vous fouailler mes chéris, il est malheureusement temps d'aller honorer de mon auguste présence la table de mon mari.

Scène cinq : Charybde et Scylla, Ulysse et Nono le robot, Orphée, Damoclès, Perséphone et Hadès, Garcin, Inès et Estelle, les morts de la guerre de Troie, Charon, Déméter.

 

Hadès  les bras grands ouverts, s’adressant avec sympathie à Charybde et Scylla qui doivent bien mesurer trois fois sa taille : Ah mes chers comparses, enfin nous nous revoyons ! Cela faisait bien longtemps  n’est-ce pas ?

 

Scylla  avec rancœur : Hmpff ! Du temps où j’étais encore une nymphe gracieuse, gambadant libre de tout dans les nuées opalines… des éons quoi.

 

Hadès  avec nostalgie : Eh oui, mais tu sais je t’aime autant comme ça.

 

Perséphone, riant sous cape : Effectivement Scylla, votre laideur n’a plus d’égale que votre ancienne magnificence et, peut-être, votre sens très particulier de la poésie. Hadès se fige alors, craignant visiblement que la probable fureur de Scylla ne gâche son dîner. Cependant…

 

Scylla un long temps réfléchissant avec force et effort à une répartie plus fine qu’une droite en pleine face et optant finalement- bien que cela semble lui en coûter-pour : De votre part très chère, je prends cela pour un compliment !

 

Hadès  grandement soulagé : Oui, oui exactement, un compliment, tout à fait cela. Bien, et les affaires, ça va comme vous voulez ?  

 

Charybde : Et bien figure-toi que nous venons d’essuyer un terrible revers : un petit malin a dernièrement réussi à nous échapper. Un bateau complet, tu n’imagines pas quelle frustration cela a été. Et pour notre réputation : ça doit jaser là-haut, Charybde, et Scylla trompés par Ulysse le mortel- oui par ce que c’est comme ça qu’il s’appelle le gredin- enfin…

 

Hadès : Oui, c’est toujours ennuyeux… Ces hommes, ils se croient tout permis de leur vivant ! Mais attends un peu qu’il soit mort, tu pourras lui rendre des visites dominicales, il en hurlera de joie tu verras. Ulysse dis-tu, attends, laisse-moi noter cela et nous allons nous amuser et nous remplir la panse ! Tu vas voir, je vous ai concocté un petit spectacle pas piqué  des vers. (Désignant Garcin, Inès et Estelle). Regarde, tu vois ces trois-là ? Ils sont tout le temps enfermés ensemble, toujours les uns sur es autres ; c’est un concept- fort intéressant pour une fois- de ma femme et c’est l’un d’eux qui en a découvert le secret lorsqu’il déclama – tu l’aurais vu, un doigt dressé vers le ciel, l’air d’un grand philosophe touchant à quelque vérité transcendantale-«  Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurai jamais cru…Vous vous rappelez le souffre, le bûcher, le gril…Ah ! Quelles plaisanteries. Pas besoin de gril : l’enfer c’est les autres. » Ils n’arrêtent jamais de s’entredéchirer, ils travaillent pour nous, c’est la productivité ultime, tu te rends compte ! Mais regarde-les plutôt ! Et toi aussi Scylla.

 

Et là…Là en fait, il ne se passe strictement rien, aucun des trois ne bouge, trop heureux sans doute d’être sortis de leur chambre. Hadès ne semble pas en croire ses yeux. Lourd silence, puis Hadès se reprend à la vue des mines désappointées de ses convive et commande l’entrée. Arrive Damoclès, plateau en main et épée en tête.

 

Scylla : Tiens, Damoclès ! Cela t’est finalement bien tombé sur le coin du nez !

 

Damoclès  dans sa barbe : Si y’avait que sur le coin du nez je ne serais pas là si je puis me permettre !

 

Charybde et Scylla semblent enfin se dérider, amusés par Damoclès, lorsque tout commence à partir à vau-l’eau. Charon entre, les morts de la guerre de Troie sur ses talons, et pousse un profond soupir de soulagement, comme débarrassé d’un poids mort, cela tout en affichant un large sourire, comme réjoui à l’idée de pouvoir gâcher la soirée d’Hadès.

 

Hadès  passablement surpris : Charon ? Mais, mais, et eux, qu’est-ce qu’ils foutent-là ?

 

Charon : Ce n’est rien, juste de petites recommandations qu’ils tiennent à vous adresser en personne.

 

Tous se jettent alors sur Hadès, l’assaillant de reproches.

 

Les morts : Franchement, le service laisse à désirer : un retard de près de douze heures au port, ensuite on nous abandonne sans même nous dire o ù nous logeons et puis il faudrait s’occuper de l’éclairage, trop faible, de la salubrité des lieux, des employés, plutôt grimaçant, de…

 

Hadès  éclatant une fois de plus, heureusement qu’il est à l’abri d’une crise cardiaque : Non mais vous vous croyez où là, aux Champs Elysées ? Vous êtes dans l…

 

Hécube (cris perçants  rythmés de sanglots déchirants): Où sont mes enfants ? Où sont mes petits chéris ?

 

Perséphone amusée : Mais ils sont tous là, éparpillés en désignant du bras les mets servis, goûteux à souhait, délectables, vraiment !

Hécube se met à hurler sans discontinuer tandis qu’entre Hécate. La situation de cette jeune fille étant pittoresque, elle nécessite, semble-t-il, un petit intermède de la part du prologue.

 

Le prologue : Hécate, j’ai malencontreusement oublié de la mentionner tout à l’heure mais il faut dire qu’elle était sensée faire la sieste pour toute la durée de cette histoire. Les enfants sont décidemment imprévisibles. Bien, alors Hécate c’est assez compliqué puisqu’elle est la fille de Hadès et de Déméter qui se trouve aussi être la mère de Perséphone, une sorte d’inceste mais à l’envers, ou peut-être plutôt…oui, enfin pour être bref Hécate et Perséphone sont demi-sœurs mais Hadès, l’homme de leur vie à toutes les deux étant donné que Hécate est à l’âge critique du complexe d’Œdipe-elle veut épouser papa-Hadès donc est, pour Hécate un père et pour Perséphone un mari. Bon, reprenons maintenant, voulez-vous ?

 

Hécate ton capricieux : Papa, j’arrive pas à dormir. Je veux un autre doudou pour dormir. Désignant Patrocle Celui-là il me plaît bien. Je le veux ! Je le veux ! Je le VEUX !

 

Hadès  faisant son possible pour se contenir : Et bien prends fils et fais-en ce que tu veux, mais retourne te coucher pour l’amour de moi !

 

Perséphone  indignée : Ah non, certainement pas ! Ceux-là ils sont à moi ! Et puis cesse de lui passer tous ses caprices d’enfant gâtés, ce n’est pas bon pour elle !

 

Les Parques  comme à leur habitude : Trois, trois fois nous sommes, trois fois dont nous passons, c’est un axiome que toujours nous honorons afin d’exaspérer notre maître adoré !  

 

Hadès  comme regrettant de ne as voir de cheveux pour se les arracher : Ecoutez, écoutez-moi bien toutes les deux ; débrouillez-vous comme vous voulez mais je ne veux plus entendre de la soirée ! Laissez-moi m’occuper de mes invités !

Cependant, à peine Hadès s’est-i retournée en direction de Charybde et Scylla qu’Ulysse arrive, accompagné de Nono le robot, ce qui déclencha la fureur immédiate des deux monstres.

 

Ulysse : Stop, ne me touchez surtout pas ! Je suis un envoyé de Déméter, protégé par l’immunité de divine selon les conventions de l’Olympe. Je veux parler au maître des lieux, Hadès !

 

Hadès  s’interposant entre Charybde, Scylla et Ulysse : Stop, ne le touchez surtout pas ! Il est protégé par l’immunité divine et est envoyé par cette vieille peau de Déméter. Parle Messager, vite !

 

Ulysse : Déméter me charge de vous dire que l’échéance pour cette année  est arrivée à terme. Il vous faut maintenant honorer votre contrat.

 

Hadès affolé : Quoi ? Quel contrat ? Je n’ai pas souvenance d’un quelconque contrat et ça fait longtemps que j’ai arrêté la contrebande d’âmes.

 

Ulysse : Et bien en fait, je crois qu’elle veut parler de Perséphone, vous savez, celle que vous lui avez enlevé pour en faire votre femme…

 

Hadès  grandement soulagé : Si ce n’est que cela, elle put la reprendre et la deuxième avec, je lui en fais un lot si ça lui plaisir et je consens même à augmenter son temps de garde. J’irai les prévenir tout à l’heure. Va maintenant, avant que Charybde et Scylla ne t’écharpent. Ah, au fait, c’est qui celui-là ? Désignant Nono. La dernière Lubie de Déméter ?

 

Ulysse : Pas du tout, elle déteste tout ce qui est métallique. Lui, je l’ai rencontré tout à l’heure, en chemin, et depuis il ne me lâche plus, prétextant que nous aurions voyagé sur je ne sais quel vaisseau intersidéral…Ah, au fait, j’ai là de véritables éclats de bois de cheval de Troie, très rares, très recherchés, si le cœur vous en dit…

 

Hadès  complètement blasé : Ah, oui, bien sûr, c’est évident. Eurêka, comme dirait l’autre. Pour ton offre généreuse, merci mais non. J’ai déjà les véritables morts de Troie  et c’est amplement suffisant. Bon, Charybde, Scylla…ben qu’est-ce que vous faites ?

 

Charybde et Scylla, ton terrible de l’horrible monstre mythologique pas content du tout : ça se voit non ?  On s’en va, mais ton hospitalité Hadès, on s’en souviendra, quand je pense que tu nous as même pas laissées goûter à cet effronté d’Ulysse alors que bous étions sensées nous en mettre plein la panse, c’est bien ça ? C’est contre toutes les règles de bienséance !

 

Hadès : Mais attendez, on n’a même pas entamé plat principal, att…

 

Orphée(Le visage lunaire, l’air ahuri et perdu d’Hélène pur souche ayant par inadvertance

dépassé les colonnes d’Héraclès) : Dites-moi mon bon monsieur, c’est bien ici les Enfers ? Parce qu’en vérité je cherche ma femme, Eurydice et on m’a dit qu’elle était par ici. Vous ne l’auriez pas vu dès fois ?

 

Hadès se retourne lentement, le visage cramoisi et congestionné de colère. Il fige Orphée sur place, sans plus d’avertissement. Plus tard, il imaginera un conte à dormi debout selon lequel Orphée se serait retourné lors de son retour à l’air libre alors qu’il avait explicitement reçu l’ordre de ne surtout pas faire cela… Quel mythomane ce Hadès !  Il se dirige ensuite vers Hécate et Perséphone qui se chamaillent toujours au sujet de la possession des morts de la guerre de Troie qui, quant à eux, essaient de calmer les hurlements hystériques d’Hécube. Seul Patrocle, le teint olivâtre-si tant est que cela soit possible pour un mort- depuis que les demi-sœurs ont décidé que la gagnante serait celle qui imaginerait le supplice le plus raffiné, semble n’avoir cure des cris assourdissant d’Hécube. La nouvelle de Hadès n’est que très froidement accueillie.

 

Hécate et Perséphone passablement surprises : Quoi ? Mais on est bien ici !

 

Hadès : Tiens, vous êtes d’accord tout d’un coup ?

Hécate et Perséphone se regardent en chiens de faïence  puis laissent éclater leur frénésie.

 

Hécate : Garde-moi Papa ! Envoie-la elle, pas moi !

 

Perséphone : Oh, non, chéri, c’est à son tour ! Et puis si tu me gardes, je serais (Hésitation)…gentille avec toi…

 

Hadès : Ta gentillesse, on la connaît !

 

Hécate : Oh, oui, envoie-la et garde-moi…s’il te plait, s’il te plaît, s’il te plaît !

 

Hadès sourire ravi : Non désolé, vous irez tous les deux. Ainsi est le contrat, alors ainsi soit-il. Je n’ai qu’une parole. (Ton soudain faussement dramatique) Ne croyez pas que la séparation ne soit pas déchirante pour moi aussi, mais la fatalité en a ainsi voulu. Nous nous reverrons au prochain hiver mes chéries.

 

Lumière soudaine, éclatante, voilant l’arrivée de Déméter…qui s’avère finalement avoir l’aspect d’une grand-mère exubérante et débonnaire, certainement adepte de la bonne chère et visiblement tr-s en colère contre Hadès. Charon, heureux du sort de son employeur et sentant que cela risque de barder, décide de se retirer, emmenant les morts avec lui pour une petite croisière sur la Styx et l’Achéron au son de « Oh sole moi ».

 

Déméter : Hadès, immonde, pourceau que j’ai- puissé-je me le pardonner un jour- laissé profiter de mes charmes de femme mûre et épanouie, vas-tu me rendre mes filles chéries ou bien faut-il que je sois plus persuasive.

 

Hadès : Oh, non, tu peux les reprendre. Je te les laisse, même si mon âme saigne (ton toujours aussi faussement pathétique)

 

Déméter : Je vois que tu es raisonnable, c’est agréable, cela change (se retournant vers une Perséphone et une Hécate terrorisées, et parlant d’une voix mielleuse et stupide, comme si elle faisait risette à un nouveau-né). Oh, ça y est mes petites chéries, mes amours, mes bébés, le cauchemar est fini, le vilain monsieur ne vous fera plus de mal, maman est là pour prendre soin de vous ! Perséphone, qu’est-ce que c’est que cet accoutrement ? et toi,

Note d’intention

Petite satire à teneur humoristique et grand délire mythologique, cette pièce a avant tout pour but de distraire. Et ce n’est déjà pas si mal. On y retrouve donc pléthore de personnages issus de la mythologie grecque, plus ou moins familiers du grand public du fait qu'ils ont nourri la création artistique depuis des siècles, du théâtre antique aux jeux vidéo les plus récents.

En parlant de création artistique, la référence à Giraudoux est d'ailleurs transparente. Le choix de cette pièce est directement lié à la quantité et à la qualité de la matière mythique sur laquelle elle se base. Mais c'est une fois que l'inéluctable guerre a eu lieu, une fois dans le domaine intemporel de la mort que cette même matière mythique développe son plein potentiel : on ne rencontre plus aucune barrière à l'imaginaire qui peut dès lors, comme une symphonie, se moduler à l'infini, uniquement régi par l'immuable solfège de la nature humaine. Et c'est là, outre son fabuleux potentiel comique, toute la puissance de la matière mythique : contenir en son sein toutes les structures figuratives de la psyché et de l'imaginaire humains. Derrière les mythes, l'Homme et sous le rire, la ludique dénonciation d'un certain nombre de nos travers.

Les didascalies contiennent beaucoup d'indications de jeu et de mises en scène, qui tirent vers la farce outrée et volontairement archétypale. Il n'est pas nécessaire de les respecter. Il s'agit en fait de faire de cette pièce une œuvre que l'on ait autant envie de lire que de voir sur scène.

La guerre de Troie a eu lieu...

Une pièce de Sylvain Lhermie

Le Prologue

Voilà. Ces personnages vous ont joué leurs histoires. Histoires qui, malgré l'essence divine de nombre d'entres eux, sont à la fois bassesse et gloire, petitesse et grandeur, fatuité et modestie, connerie et sagesse, trivialité et sublime, j'en passe et des meilleurs, humaines en somme. Après tout, dans le polythéisme grec comme dans le monothéisme, Dieux ou Dieu nous ont fait à leur image et leurs desseins sont impénétrables...ou peut-être n'en ont-ils simplement pas, espérant s'amuser à nos dépens et, ce faisant, se riant d'eux-mêmes... Enfin, là n'est pas le sujet, rions, pleurons donc de nos propres contradictions pour le moment à venir ! Mais n'y prenez pas trop garde car, comme dirait l'autre, cela veut dire tout ce que cela veut dire et rien que ce que cela veut dire...
Voilà. Là bas c'est Charon, Charon l'exploité, Charon au visage buriné par le vent létal gémissant dans les limbes, Charon aux vêtements toujours humides des embruns montant des eaux ténébreuses du Styx et de l'Achéron, son passé, son présent et son avenir, son absolu et ses chaînes. Le grand ténébreux là bas, c'est Hadès, dit Le Terrible. Et il faut être terrible pour avoir comme animal de compagnie un molosse à trois têtes dégoulinantes de bave répondant au doux nom de Cerbère et, en guise de femme, Perséphone, celle qui, sanglée dans sa combinaison de cuir et d'acier, vous scrute de son regard torve. Elle n'est autre que le sadisme incarné - Sade qu'elle attend d'ailleurs impatiemment pour tromper son mari depuis que sa vieille amie la Pythie lui en a prédit la naissance -, la quintessence de l'esprit tortueux et cruel, fécond en idées de supplices raffinés - Dante en est encore tout retourné... Oui, terrible et même plus encore que cela pour régner sur toute cette clique d'âmes errantes et de suppliciés pour l'éternité. Il y a bien longtemps qu'il s'est lassé de ce qui raisonnait à ses oreilles comme la musique des sphères elle-même : la douce cacophonie des âmes en peine. Les trois vieilles aux visages parcheminés et euphémiquement disgracieux, celles qui couinent dans leur coin, ce sont les Parques et elles se disputent en fait leur seul œil et leur seule dent. Elles ne font d'ailleurs que cela à longueur d'éternité... Précisons que Perséphone n'y est pour rien dans leur supplice cruel. Némésis, quant à elle, elle n'est pas là pour rien. Non. Elle est là car Charon l'a invoquée. Or, la seule raison d'être de Némésis, c'est la vengeance et plutôt chaude que froide ! Ni bien ni mal, la vengeance c'est la tâche, le labeur de cette véritable sociopathe. Pas de chance pour Aphrodite qui, soit dit en passant, n'est blanche que de peau, c'est elle la cible de Némésis. Ça risque de durer longtemps, elles sont toutes les deux immortelles...
Et puis il y a les autres. Les autres c'est la faune du Tartare, armée hétéroclite de protagonistes d'une réplique, deux quand on veut bien les écouter - mais c'est à vos risques et périls, ils sont généralement irascibles. Parfois même d'une scène pour les plus chanceux... ou malchanceux, tout dépend de leur situation, supplicié ou convive, âme errante ou bien homme encore mais errant aussi : tout un ramassis d'humanité de déité, de mortalité et d'immortalité plus ou moins dépravé, uni pour un battement d'éternité. Mais les autres ce sont surtout les morts de la guerre de Troie, roi ou simple soldat. Il y a Priam, l'adepte des phrases grandiloquentes, Achille, l'impunité résiliée, Hector, la force de la nature mais l'homme réduit à son animalité première, Patrocle l'orgueilleux, Pâris l'insatiable, le désirant consumé et consommé ainsi que tous ceux qui périrent à Troie, la ville aux remparts pourpres du sang mêlé de ses défenseurs et de ses destructeurs.

Scène 1 : Charon, Hadès, Perséphone, Sisyphe, Tantale, les Danaïdes, les Parques, les morts de la guerre de Troie. 

Charon : Pour une pomme Troie est tombée, je suis fatigué de toutes ces âmes qui ramènent leurs fraises et tout ça à cause de cette bonne poire d'Hélène ! En voilà une de salade de fruits qui n'est pas jolie, jolie... Aphrodite, tu me le paieras !

Hadès : Allons, allons, Charon, du calme. Je t'accorde que cette garce n'y est pas allée de main morte...

Sisyphe : Heu patron, un minimum de respect je vous prie ! Ça fait bien longtemps que ma main est morte et cela ne m'empêche pas de travailler d'arrache-pied...

Perséphone qui jusque là s'appuyait langoureusement sur son mari : Oh quelle bonne idée ! Un arrachage de pied pour l'éternité... ah l'endiablé musique des tendons se sectionnant en rythme, sublimement vicieux ! Air vicieux, caressant un fouet à rasoirs.

Hadès fort contrarié : Perséphone, ma mie, vous m'indisposez ! Fort Quant à toi abruti, ferme-la et contente toi de hurler lorsque la pierre que tu fais rouler t'écrase, te passe dessus, te broie, te...

Perséphone persiflant : Attention à vous mon chevalet mignon, mon ardent fer rouge, attention à vous...

Hadès partagé entre exaspération d'autant plus forte qu'il s'est rendu compte de l'absurdité de se remarque et une certaine crainte : Moui, bon, je disais donc du calme Charon car...

Les Parques qui passent et repassent avec force et fracas en grognant, gémissant, baragouinant... et parlent toutes les trois en même temps : rends-moi ça, rends-moi cet œil ! C'est à mon tout de couper le fil, c'est à moi d'avoir la délectation de prendre une vie !

Tantale : J'ai faim ! J'ai soif ! Mon ventre crie à jamais famine tandis que je me dessèche comme un vieux pruneau ridé !

Les 49 Danaïdes : Nous étancherions bien ta soif beau Tantale si seulement l'eau ne s'écoulait pas aussi vite de notre tonneau aux mille trous ; même à nous toutes nous n'avons pas assez de doigts pour les boucher... soupir pathétique

Hadès explosant : Mais vous aller me laisser finir oui !

Perséphone : Et un ange passe... Air vicieux, l'air de dire que je lui couperais bien les ailes.

Hadès : Bon, Charon, pour la troisième et dernière fois, calme ta colère car après tout, un tel afflux c'est bon pour le commerce et puis certaines de ces âmes sont pour ta barque des hôtes de marque.

Charon : Oui, ben ma barque parlons-en ! Je vous préviens, je dépose un préavis de cessation d'activité si on ne me rafistole pas cette satanée coque de noix et si l'on ne me fournit pas le matériel propice à une utilisation rationnelle de mon instrument de travail !

Hadès d'un ton paternaliste plein de condescendance : Allons mon vieil ami, ne me fais pas rire ! Toi, à la retraite ? Et qu'est ce que tu ferais de l'éternité qui t'est allouée ? Des vers rimés ? Non, décidément, je ne te vois pas déclamer des absurdités telles que "Oh rivages malheureux, fallait-il approcher de tes bords ennuyeux ?".

Les morts de la guerre de Troie faisant le pied de grue depuis le début du dialogue : En parlant de rivages ennuyeux, pourrait-on s'occuper de nous si ce n'est pas trop demander ?

Charon se lamentant avec beaucoup de conviction : Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire. Ah ! Chef, ne vous gaussez pas car je suis las, hélas, de prendre racine et je n'en puis plus de traîner ma vieille carcasse sur les eaux noirâtres du Styx, hôtes de marque ou non.

Hadès : Tes jérémiades de syndicaliste éploré commencent à me fatiguer Charon, et ce qui me fatigue m'ennuie, ce qui pourrait te nuire... si tu vois ce que je veux dire ! D'autre part, dorénavant tu es prié de refouler les sans-oboles, j'attends de toi une tolérance zéro ! A bon entendeur, salut ! Perséphone, la roue d'Ixion n'a pas besoin de vous pour tourner perpétuellement alors cessez de jouer et venez, il est grand temps de se préparer à recevoir nos invités.

Les Parques tout comme à leur habitude et toujours toutes trois ensembles : donne-moi la dent, j'ai faim et j'en ai besoin pour me délecter de cette vie que je viens de prendre !

Charon médusé puis laissant libre cours à sa colère : ...Ah le miasme putride, l'immonde pourceau, le bâtard, l'ignoble individu...le...le... Cri de rage primale, guttural à souhait ! Aphrodite et Hadès, vous me le paierez tous ! Némésis, déesse des opprimés ivres d'une salutaire volonté de vengeance, j'en appelle à toi muse de la satisfaction vengeresse, écoute-moi et satisfais-moi, je t'en conjure !

Scène deux : Charon et Némésis.

Némésis très froide, très digne, parlant avec détachement mais force, d'une voie sourde et menaçante : Tu m'as appelée et je suis venue à toi du fonds de mes abysses natals. Que puis-je pour toi Passeur ?

Charon : C'est très simple, venge-moi ou pour le moins aide-moi à me venger de mon employeur, Hadès, et de cette garce d'Aphrodite.

Némésis : Ce que tu me demandes entraînera un changement radical, l'arrivée d'une ère nouvelle, un perpétuel renouvellement ou une perpétuelle chute - ce qui revient au même - du monde bien policé des Dieux immortels, conduisant à la valse endiablée du chaos et de l'ordre à jamais entrelacés, à leur osmose absolue et ultime ! Elle est essoufflée, haletante après sa tirade hallucinée.

Charon quelque peu dubitatif voire perplexe : Euh, laisse moi un petit délai de réflexion supplémentaire, le temps de me servir une double ambroisie frappée ; je crois que cela va m'être grandement nécessaire...

Némésis ton terrible, pas fort mais fanatique, contenant une menace évidente : Non Charon, tu m'as appelé et l'engrenage vient de s'enclencher, broyant déjà ce qui est notre actuelle réalité. Je ne suis pas uniquement la déesse de la vengeance Charon, pion du destin, je suis aussi celle de la Fatalité !

Scène trois : Charon, Perséphone, Némésis.

Perséphone sortant de l'ombre où elle se camouflait jusque-là, riant sous cape : Bonjour Némésis, heureuse de te revoir enfin ! Charon, je m'occupe de toi après... Alors ma sœur, cela fait déjà un petit moment que je t'écoute et je vois que tu donnes toujours dans les prédictions apocalyptiques et sibyllines. D'ailleurs, à ce sujet, je t'ai trouvé le prétendant idéal ! Il n'est pas encore né mais tu connais Pythie, elle, elle est vraiment infaillible ! Il s'appelle Nostradamus. Charmant, non ?

Némésis : Charon, retirez-vous. Charon s'éclipse. Perséphone, merde à la fin ! A chaque fois tu brises la mouvance de mysticisme que j'essaye de développer chez nos contemporains ! Et puis arrête d'essayer de me caser, au moindre écart tu sais pertinemment que je tuerai le malheureux élu et tu connais la fatalité masculine...

Perséphone : Il me semble qu'ici, c'est toi la déesse de la fatalité... Tu n'as qu'à t'en prendre à toi même. Et puis le meurtre est follement amusant, surtout celui de son mari ! Enfin, si tu ne veux vraiment pas de problèmes, prends en un qui soit immortel : garantie à vie !

Némésis outrée, frémissante de colère contenue, elle se retire à la manière d'une religieuse à la moralité outragée par des propos subversivement provocateurs au son rageur de : Rhaaaa, Perséphone, sœur impie, tu... tu... Rhaaaa !

Perséphone, emplie de fierté personnelle, affiche un sourire réjoui.

Scène quatre : Charon, Perséphone, les morts de la guerre de Troie.

Charon complètement décontenancé par ce qu'il vient d'entendre alors qu'il écoutait en douce : Mais ce n'est pas possible, si Némésis et Perséphone se connaissent, mes plans de vengeance tombent à l'eau ! Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire ? Que faire bon sang ?

Les morts : Vous pourriez peut-être commencer par vous occuper de nous, M. le Passeur ?

Priam semblant prendre l'initiative : Sibyllins augures, vous ne m'aviez pas trompé... Pourtant vous aussi mourrez, malin devins !

Hector ton condescendant face au manque d'à propos de Priam, mais parlant avec difficulté : Oui père, oui bien sûr. Venez, allez vous reposer auprès de votre femme et laissez-moi m'occuper de cela.

Patrocle : Et pourquoi serait-ce à toi seul de t'occuper de notre problème malheureusement commun ? Pour qui te prends-tu à vouloir diriger les autres jusque dans la mort ? De toute façon, tu ferais un aussi piètre chef mort que vif, on ne comprend même pas la moitié de ce qui sort de ta bouche déchiquetée !

Hector enragé : Toi, oh oui toi ! Je t'ai déjà mis en pièces et je me ferais un plaisir de recommencer si tu l'ouvres encore !

Achille goguenard : Et moi de même mon très cher meilleur ennemi...

Tous commencent à se disputer, se battre et crier, qui pour Achille, qui pour Hector, à l'image d'une bataille au pied de Troie lorsqu'une voix s'élève au milieu du tumulte.

Cassandre hautaine, ton dédaigneux au possible : Tous, vous êtes tous toujours aussi stupides à vous battre ainsi, comme lorsque nous étions en vie ! Vous n'avez pas encore compris que nous sommes tous dans la même galère, tous embarqués sur le même bateau !

Les autres morts piqués au vif, bien qu'effectivement ils ne le soient plus vraiment : C'est toi qui es stupide, et toujours aussi folle ! Nous ne sommes justement pas sur le bateau où nous devrions nous trouver afin de traverser ce satané fleuve !

Cassandre sans se démonter le moins du monde, habituée qu'elle est à ce genre d'attitude vis-à-vis de sa personne qu'elle estime d'ailleurs auguste : Et bien alors, pour une fois dans votre mort, faites preuve d'intelligence, cessez vos enfantillages - jeux de mains, jeux de vilains, votre maman ne vous à jamais dis ça - et suppliez donc Charon. C'est ça où une traversée low cost sur le radeau de Méduse...

Tous scandent alors le nom de Charon comme si cela était leur dernière planche de salut. Tous à l'exception de Cassandre, muette de stupéfaction à l'idée que ceux qui l'ont toujours dénigrée l'aient cette fois-ci écoutée.

Charon sortant de sa léthargie : Cessez, mais cessez donc ! Taisez-vous ! Fermez vos gueules de moribonds, retournez au silence de la tombe ! De toute façon je ne viendrai pas vous chercher : je suis EN GRÈVE !

Perséphone apparue soudainement, ton mielleux : Oui mes mignons, oui mes jouets, venez à moi, venez, je m'occuperai bien de vous... (Ton soudainement dur) Nocher, va me les chercher et... (puis se voulant aguicheur) tu tâteras de mon fouet !

Charon habitué à l'esprit décalé de Perséphone mais toujours aussi amusé par celui-ci : Non, non merci, sans façon. (D'un ton soudain plus sombre) Vous ne briserez pas ma détermination !

Perséphone désappointée du refus de Charon mais avec comme un soupçon de malice dans la voix : Très bien, parfait, puisque c'est ainsi, j'irai les chercher moi-même !

Charon soudain affolé : Quoi ? Mais vous ne pouvez pas faire cela, vous... vous ne savez même pas manœuvrer une barque et puis ces eaux sont très dangereuses !

Perséphone ton léger, badin : Plus c'est dangereux plus j'aime, tu devrais le savoir tout comme tu sais pertinemment que rien n'est impossible à une déesse. Allez, pousse-toi.

Charon : Mais, mais c'est ma tâche, mon devoir...

Perséphone : Puisque tu sembles décidé à ne plus l'assumer, je te trouverai un successeur. Tu n'as qu'à partir en retraite anticipée. Je suis même prête, dans mon immense mansuétude, à te proposer un stage de reconversion. Que penses-tu de souffre-bonheur officiel ? Tu ferais aussi un honnête tourmenteur m'est avis... Bon, allez, maintenant, laisse-moi passer veux-tu ?

Charon paniqué, peut-être bien par les perspectives d'avenir qui s'offrent à lui, peut-être bien que non aussi : Non ! (Accablé) Je vais aller les chercher ! 

Les morts fort bêtement réjouis : Enfin !

Perséphone extatique, comme atteignant le 667e palier des Enfers : Ah ! Regarde-les comme ils sont mignons, gentils morts, adorables jouets. Je reviens très vite vous fouailler mes chéris, il est malheureusement temps d'aller honorer de mon auguste présence la table de mon mari.

Scène cinq : Charybde et Scylla, Ulysse et Nono le robot, Orphée, Damoclès, Perséphone et Hadès, Garcin, Inès et Estelle, les morts de la guerre de Troie, Charon, Déméter.

 

Hadès  les bras grands ouverts, s’adressant avec sympathie à Charybde et Scylla qui doivent bien mesurer trois fois sa taille : Ah mes chers comparses, enfin nous nous revoyons ! Cela faisait bien longtemps  n’est-ce pas ?

 

Scylla  avec rancœur : Hmpff ! Du temps où j’étais encore une nymphe gracieuse, gambadant libre de tout dans les nuées opalines… des éons quoi.

 

Hadès  avec nostalgie : Eh oui, mais tu sais je t’aime autant comme ça.

 

Perséphone, riant sous cape : Effectivement Scylla, votre laideur n’a plus d’égale que votre ancienne magnificence et, peut-être, votre sens très particulier de la poésie. Hadès se fige alors, craignant visiblement que la probable fureur de Scylla ne gâche son dîner. Cependant…

 

Scylla un long temps réfléchissant avec force et effort à une répartie plus fine qu’une droite en pleine face et optant finalement- bien que cela semble lui en coûter-pour : De votre part très chère, je prends cela pour un compliment !

 

Hadès  grandement soulagé : Oui, oui exactement, un compliment, tout à fait cela. Bien, et les affaires, ça va comme vous voulez ?  

 

Charybde : Et bien figure-toi que nous venons d’essuyer un terrible revers : un petit malin a dernièrement réussi à nous échapper. Un bateau complet, tu n’imagines pas quelle frustration cela a été. Et pour notre réputation : ça doit jaser là-haut, Charybde, et Scylla trompés par Ulysse le mortel- oui par ce que c’est comme ça qu’il s’appelle le gredin- enfin…

 

Hadès : Oui, c’est toujours ennuyeux… Ces hommes, ils se croient tout permis de leur vivant ! Mais attends un peu qu’il soit mort, tu pourras lui rendre des visites dominicales, il en hurlera de joie tu verras. Ulysse dis-tu, attends, laisse-moi noter cela et nous allons nous amuser et nous remplir la panse ! Tu vas voir, je vous ai concocté un petit spectacle pas piqué  des vers. (Désignant Garcin, Inès et Estelle). Regarde, tu vois ces trois-là ? Ils sont tout le temps enfermés ensemble, toujours les uns sur es autres ; c’est un concept- fort intéressant pour une fois- de ma femme et c’est l’un d’eux qui en a découvert le secret lorsqu’il déclama – tu l’aurais vu, un doigt dressé vers le ciel, l’air d’un grand philosophe touchant à quelque vérité transcendantale-«  Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurai jamais cru…Vous vous rappelez le souffre, le bûcher, le gril…Ah ! Quelles plaisanteries. Pas besoin de gril : l’enfer c’est les autres. » Ils n’arrêtent jamais de s’entredéchirer, ils travaillent pour nous, c’est la productivité ultime, tu te rends compte ! Mais regarde-les plutôt ! Et toi aussi Scylla.

 

Et là…Là en fait, il ne se passe strictement rien, aucun des trois ne bouge, trop heureux sans doute d’être sortis de leur chambre. Hadès ne semble pas en croire ses yeux. Lourd silence, puis Hadès se reprend à la vue des mines désappointées de ses convive et commande l’entrée. Arrive Damoclès, plateau en main et épée en tête.

 

Scylla : Tiens, Damoclès ! Cela t’est finalement bien tombé sur le coin du nez !

 

Damoclès  dans sa barbe : Si y’avait que sur le coin du nez je ne serais pas là si je puis me permettre !

 

Charybde et Scylla semblent enfin se dérider, amusés par Damoclès, lorsque tout commence à partir à vau-l’eau. Charon entre, les morts de la guerre de Troie sur ses talons, et pousse un profond soupir de soulagement, comme débarrassé d’un poids mort, cela tout en affichant un large sourire, comme réjoui à l’idée de pouvoir gâcher la soirée d’Hadès.

 

Hadès  passablement surpris : Charon ? Mais, mais, et eux, qu’est-ce qu’ils foutent-là ?

 

Charon : Ce n’est rien, juste de petites recommandations qu’ils tiennent à vous adresser en personne.

 

Tous se jettent alors sur Hadès, l’assaillant de reproches.

 

Les morts : Franchement, le service laisse à désirer : un retard de près de douze heures au port, ensuite on nous abandonne sans même nous dire o ù nous logeons et puis il faudrait s’occuper de l’éclairage, trop faible, de la salubrité des lieux, des employés, plutôt grimaçant, de…

 

Hadès  éclatant une fois de plus, heureusement qu’il est à l’abri d’une crise cardiaque : Non mais vous vous croyez où là, aux Champs Elysées ? Vous êtes dans l…

 

Hécube (cris perçants  rythmés de sanglots déchirants): Où sont mes enfants ? Où sont mes petits chéris ?

 

Perséphone amusée : Mais ils sont tous là, éparpillés en désignant du bras les mets servis, goûteux à souhait, délectables, vraiment !

Hécube se met à hurler sans discontinuer tandis qu’entre Hécate. La situation de cette jeune fille étant pittoresque, elle nécessite, semble-t-il, un petit intermède de la part du prologue.

 

Le prologue : Hécate, j’ai malencontreusement oublié de la mentionner tout à l’heure mais il faut dire qu’elle était sensée faire la sieste pour toute la durée de cette histoire. Les enfants sont décidemment imprévisibles. Bien, alors Hécate c’est assez compliqué puisqu’elle est la fille de Hadès et de Déméter qui se trouve aussi être la mère de Perséphone, une sorte d’inceste mais à l’envers, ou peut-être plutôt…oui, enfin pour être bref Hécate et Perséphone sont demi-sœurs mais Hadès, l’homme de leur vie à toutes les deux étant donné que Hécate est à l’âge critique du complexe d’Œdipe-elle veut épouser papa-Hadès donc est, pour Hécate un père et pour Perséphone un mari. Bon, reprenons maintenant, voulez-vous ?

 

Hécate ton capricieux : Papa, j’arrive pas à dormir. Je veux un autre doudou pour dormir. Désignant Patrocle Celui-là il me plaît bien. Je le veux ! Je le veux ! Je le VEUX !

 

Hadès  faisant son possible pour se contenir : Et bien prends fils et fais-en ce que tu veux, mais retourne te coucher pour l’amour de moi !

 

Perséphone  indignée : Ah non, certainement pas ! Ceux-là ils sont à moi ! Et puis cesse de lui passer tous ses caprices d’enfant gâtés, ce n’est pas bon pour elle !

 

Les Parques  comme à leur habitude : Trois, trois fois nous sommes, trois fois dont nous passons, c’est un axiome que toujours nous honorons afin d’exaspérer notre maître adoré !  

 

Hadès  comme regrettant de ne as voir de cheveux pour se les arracher : Ecoutez, écoutez-moi bien toutes les deux ; débrouillez-vous comme vous voulez mais je ne veux plus entendre de la soirée ! Laissez-moi m’occuper de mes invités !

Cependant, à peine Hadès s’est-i retournée en direction de Charybde et Scylla qu’Ulysse arrive, accompagné de Nono le robot, ce qui déclencha la fureur immédiate des deux monstres.

 

Ulysse : Stop, ne me touchez surtout pas ! Je suis un envoyé de Déméter, protégé par l’immunité de divine selon les conventions de l’Olympe. Je veux parler au maître des lieux, Hadès !

 

Hadès  s’interposant entre Charybde, Scylla et Ulysse : Stop, ne le touchez surtout pas ! Il est protégé par l’immunité divine et est envoyé par cette vieille peau de Déméter. Parle Messager, vite !

 

Ulysse : Déméter me charge de vous dire que l’échéance pour cette année  est arrivée à terme. Il vous faut maintenant honorer votre contrat.

 

Hadès affolé : Quoi ? Quel contrat ? Je n’ai pas souvenance d’un quelconque contrat et ça fait longtemps que j’ai arrêté la contrebande d’âmes.

 

Ulysse : Et bien en fait, je crois qu’elle veut parler de Perséphone, vous savez, celle que vous lui avez enlevé pour en faire votre femme…

 

Hadès  grandement soulagé : Si ce n’est que cela, elle put la reprendre et la deuxième avec, je lui en fais un lot si ça lui plaisir et je consens même à augmenter son temps de garde. J’irai les prévenir tout à l’heure. Va maintenant, avant que Charybde et Scylla ne t’écharpent. Ah, au fait, c’est qui celui-là ? Désignant Nono. La dernière Lubie de Déméter ?

 

Ulysse : Pas du tout, elle déteste tout ce qui est métallique. Lui, je l’ai rencontré tout à l’heure, en chemin, et depuis il ne me lâche plus, prétextant que nous aurions voyagé sur je ne sais quel vaisseau intersidéral…Ah, au fait, j’ai là de véritables éclats de bois de cheval de Troie, très rares, très recherchés, si le cœur vous en dit…

 

Hadès  complètement blasé : Ah, oui, bien sûr, c’est évident. Eurêka, comme dirait l’autre. Pour ton offre généreuse, merci mais non. J’ai déjà les véritables morts de Troie  et c’est amplement suffisant. Bon, Charybde, Scylla…ben qu’est-ce que vous faites ?

 

Charybde et Scylla, ton terrible de l’horrible monstre mythologique pas content du tout : ça se voit non ?  On s’en va, mais ton hospitalité Hadès, on s’en souviendra, quand je pense que tu nous as même pas laissées goûter à cet effronté d’Ulysse alors que bous étions sensées nous en mettre plein la panse, c’est bien ça ? C’est contre toutes les règles de bienséance !

 

Hadès : Mais attendez, on n’a même pas entamé plat principal, att…

 

Orphée(Le visage lunaire, l’air ahuri et perdu d’Hélène pur souche ayant par inadvertance

dépassé les colonnes d’Héraclès) : Dites-moi mon bon monsieur, c’est bien ici les Enfers ? Parce qu’en vérité je cherche ma femme, Eurydice et on m’a dit qu’elle était par ici. Vous ne l’auriez pas vu dès fois ?

 

Hadès se retourne lentement, le visage cramoisi et congestionné de colère. Il fige Orphée sur place, sans plus d’avertissement. Plus tard, il imaginera un conte à dormi debout selon lequel Orphée se serait retourné lors de son retour à l’air libre alors qu’il avait explicitement reçu l’ordre de ne surtout pas faire cela… Quel mythomane ce Hadès !  Il se dirige ensuite vers Hécate et Perséphone qui se chamaillent toujours au sujet de la possession des morts de la guerre de Troie qui, quant à eux, essaient de calmer les hurlements hystériques d’Hécube. Seul Patrocle, le teint olivâtre-si tant est que cela soit possible pour un mort- depuis que les demi-sœurs ont décidé que la gagnante serait celle qui imaginerait le supplice le plus raffiné, semble n’avoir cure des cris assourdissant d’Hécube. La nouvelle de Hadès n’est que très froidement accueillie.

 

Hécate et Perséphone passablement surprises : Quoi ? Mais on est bien ici !

 

Hadès : Tiens, vous êtes d’accord tout d’un coup ?

Hécate et Perséphone se regardent en chiens de faïence  puis laissent éclater leur frénésie.

 

Hécate : Garde-moi Papa ! Envoie-la elle, pas moi !

 

Perséphone : Oh, non, chéri, c’est à son tour ! Et puis si tu me gardes, je serais (Hésitation)…gentille avec toi…

 

Hadès : Ta gentillesse, on la connaît !

 

Hécate : Oh, oui, envoie-la et garde-moi…s’il te plait, s’il te plaît, s’il te plaît !

 

Hadès sourire ravi : Non désolé, vous irez tous les deux. Ainsi est le contrat, alors ainsi soit-il. Je n’ai qu’une parole. (Ton soudain faussement dramatique) Ne croyez pas que la séparation ne soit pas déchirante pour moi aussi, mais la fatalité en a ainsi voulu. Nous nous reverrons au prochain hiver mes chéries.

 

Lumière soudaine, éclatante, voilant l’arrivée de Déméter…qui s’avère finalement avoir l’aspect d’une grand-mère exubérante et débonnaire, certainement adepte de la bonne chère et visiblement tr-s en colère contre Hadès. Charon, heureux du sort de son employeur et sentant que cela risque de barder, décide de se retirer, emmenant les morts avec lui pour une petite croisière sur la Styx et l’Achéron au son de « Oh sole moi ».

 

Déméter : Hadès, immonde, pourceau que j’ai- puissé-je me le pardonner un jour- laissé profiter de mes charmes de femme mûre et épanouie, vas-tu me rendre mes filles chéries ou bien faut-il que je sois plus persuasive.

 

Hadès : Oh, non, tu peux les reprendre. Je te les laisse, même si mon âme saigne (ton toujours aussi faussement pathétique)

 

Déméter : Je vois que tu es raisonnable, c’est agréable, cela change (se retournant vers une Perséphone et une Hécate terrorisées, et parlant d’une voix mielleuse et stupide, comme si elle faisait risette à un nouveau-né). Oh, ça y est mes petites chéries, mes amours, mes bébés, le cauchemar est fini, le vilain monsieur ne vous fera plus de mal, maman est là pour prendre soin de vous ! Perséphone, qu’est-ce que c’est que cet accoutrement ? et toi, Hécate, tu es si blanche comme la mort. Oh ! Allez, venez, suivez-moi à l’air libre où le soleil brille de mille feux, chatoyant dans le ciel pur et cristallin, vous allez voir tout va…

 

Charon  suivi des morts, des divers suppliciés, de Cerbère, jappant, d’Ulysse et de Nono qui s’étaient perdus… : Fuyez patron, y’a un raz de marée, le Styx et l’Achéron se sont soulevés et les eaux sont à nouveau à nos trousses. FUYYEEZ !!! (Le raz-de-marée en question n’est ni plus ni moins qu’une stupide canalisation qui vient d’éclater et qui gicle de l’eau un peu partout sur la scène mais en quantité ridiculement infime.)

Tous partent dans un fracas d’enfer, chacun dans une direction…

 

Sylvain LHERMIE

Hécate, tu es si blanche comme la mort. Oh ! Allez, venez, suivez-moi à l’air libre où le soleil brille de mille feux, chatoyant dans le ciel pur et cristallin, vous allez voir tout va…

 

Charon  suivi des morts, des divers suppliciés, de Cerbère, jappant, d’Ulysse et de Nono qui s’étaient perdus… : Fuyez patron, y’a un raz de marée, le Styx et l’Achéron se sont soulevés et les eaux sont à nouveau à nos trousses. FUYYEEZ !!! (Le raz-de-marée en question n’est ni plus ni moins qu’une stupide canalisation qui vient d’éclater et qui gicle de l’eau un peu partout sur la scène mais en quantité ridiculement infime.)

 

Tous partent dans un fracas d’enfer, chacun dans une direction…

 

Sylvain LHERMIE

 

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