La jalousie

Claire Arbogast

(évidemment je ne parle ici nullement des jaloux maladifs)

La jalousie.

Il y a celle que l'on provoque : la joueuse, piquante et douce-amère, qu'on prémédite, qu'on savoure, qui nous fait exulter avec culpabilité. Celle dont on se défend le sourire aux lèvres et dont on vient jurer la méprise avec tendresse. Comme un coup de fouet puis des caresses sur une peau échauffée.

Il y a celle qui se propage dans la peur de tout perdre et qui finit par ronger, brûler et consumer tout ce qui a été et qui ne sera plus. Qui ne vous laissera que le simulacre de cette époque où tout était possible.


Comment naît la jalousie ? Pourquoi parfois sommes-nous jaloux dans certains amours et parfois ne le sommes-nous pas dans d'autres ? Est-ce une question de sentiments? Pas nécessairement je crois.

J'ai cette théorie que dans toute relation amicale, charnelle ou amoureuse, tout est question d'autorisations. Que ce soit de manière explicite ou implicite, nous offrons aux gens des cartes d'accès pour franchir telle ou telle porte et il n'est plus possible de les reprendre après les avoir donné.


Si notre attitude et nos réactions font comprendre à notre partenaire qu'on lui appartient corps et âme, il pense qu'il est dans son droit d'accéder à la pièce de la jalousie. Qu'il se doit de défendre le territoire qu'on lui offre et le revendiquer à tout envahisseur (de manière plus ou moins subtile selon l'individu). 

Il importe bien peu que selon la Loi des Hommes l'on ne puisse appartenir à personne, quand docile on se donne avec une délectation partagée.

N'y voyez nul jugement d'aucune sorte, on sait tous que dans le cercle intime les accords tacites des amants font seule autorité.


Si l'on prend le parti de ne jamais s'abandonner, de ne jamais lâcher la bride, le soupirant la jouera plus finement: son désir de conserver les droits qu'il a déjà, le convaincra de ne pas en demander davantage. Ainsi l'on s'évitera sans doute bon nombre de tourments... Mais pourra t-on aimer sincèrement? Ne serait-ce pas absurde d'espérer se lier avec détachement? 

D'autres envisagent cette liberté sous un autre angle. "Quand on s'aime il est essentiel de se faire confiance, alors il ne faut pas se soupçonner du pire", disent-ils. Et probablement ont-ils raison. Seulement je me demande: ne sont-ils pas faillibles? Ne laissent-ils pas le doute s'insinuer parfois? J'en suis admirative.

Renoncer à la jalousie n'est-ce pas se priver de goûter à ce qui pourrait dissiper un temps l'éternelle incertitude d'être aimé qui nous taraude tous (et sur laquelle on ne peut en réalité jamais être rassuré tout à fait)? Qui offre un peu de repos au cœur apaisé d'être tenu par des liens qui paraissent solides. D'accompagner une solitude avec l'assurance que l'on marchera à deux sans se trahir puisque l'on se défend l'un l'autre de tout autre émoi.


Sans doute n'ai-je pas complètement raison ni complètement tort et je suis sûre qu'il doit bien exister mille exemples pour me contredire de toutes les façons, mais voilà la réflexion qui m'est venue aujourd'hui, et si j'y repense demain ou l'an prochain peut-être en aurais-je une bien différente.


Claire Arbogast

  • ,Claire, votre réflexion est très intéressante.... De toute façon ,la jalousie ne se décide pas. On est jaloux ou on ne l'est pas. Si on est jaloux ,il est difficile de changer, je crois.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Oeil

    anne-onyme

  • Lorsqu'on aime quelqu'un et que des rivaux (ou rivales) approchent on a peur de le perdre et l'on peut être jaloux. C'est une angoisse qui peut nouer l'estomac, et contre cela on ne peut pas grand chose. On peut toujours se raisonner bien sûr car "Personne n 'appartient à personne" mais c'est difficile. La jalousie fait énormément souffrir en plus !
    Il y a une autre forme de jalousie : celle qui estime que l'autre est sa propriété et même si il n'a plus d'amour, ni de considération, celle-là c'est vraiment la pire. On a eu malheureusement des exemples où un jaloux a préféré tuer son conjoint plutôt que de le laisser partir.
    Dans certaines sociétés - mais c'est encore autre chose - la femme n'est qu'un objet, elle appartient à l'homme qui l'a choisit, ou acheté.
    Et c'est vrai que l'on est parfois jaloux dans certaines amours et pas dans d'autres, moi je pense- pour ma part - que c'est parce que l'on n'aime pas vraiment, en tous les cas pas passionnément ! Ou alors, il faudrait être vraiment certain que l'autre ne regarde que vous !
    Se faire confiance : trop facile de penser ou de dire cela ...on ne sait pas ce qui peut arriver au fil des années, l'amour peut s'étioler, et la vie fait que l'on croise d'autres personnes.
    Je suis d'accord avec tout ce que vous pouvez avancez Claire même si vous vous posez des questions, moi, il y a longtemps que je ne m'en pose plus. Amitiés !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • correction :même si il n'y a plus d'amour

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Mais si on décide que l'on appartient à quelqu'un, est-ce que l'on ne lui appartient pas un peu en réalité? Si on s'appartient à soi-même, ça signifie bien que l'on peut s'offrir non? Je sais bien que juridiquement personne n'a de droit sur un autre être humain, mais là je parle sentimentalement. Si on donne ce droit à quelqu'un de nous considèrer comme sa "propriété" que ce soit verbalement ou avec une attitude soumise, l'autre prendra ça pour une permission. Evidemment après il y a certaines personnes qui considèrent que telle personne leur appartient sans que l'autre n'ait eu voix au chapitre, mais pour moi ces gens sont des jaloux maladifs qui ont des choses à régler avec le passé et ça n'a rien à voir avec le fait d'être amoureux ou pas.
      Concernant les gens qui ont aimé mais n'aiment plus et sont encore possessifs, je pense que tout cela n'est qu'une question d'amour propre. Nous avons tous plus ou moins la peur d'être rejeté par la société, l'être humain même le plus solitaire a cette crainte. C'est pourquoi on a tant de besoin de se rassurer sur sa propre valeur en s'évaluant dans le regard des autres. Alors lorsque la personne dont on avait toute l'attention décide de la reporter sur quelqu'un d'autre, on panique! Parce qu'on a peur qu'il n'y ait personne d'autre pour combler cette faille narcissique. Et puis aussi parce qu'on se dit que si on est pas choisi en comparaison d'un autre c'est qu'on est moins bien. Evidemment notre raison sait bien que tout ça c'est une question complexe de sentiments ou de désir et que ça n'a rien à voir avec une échelle de valeurs. Mais l'enfant qui est en nous simplifie les choses, comme quand on croit bêtement que nos parents préfèrent notre frère parce qu'il a telle ou telle qualité qu'on a pas.
      Je pense que quelqu'un qui préfère tuer son conjoint plutôt que d'accepter une rupture, doit vraiment être quelqu'un qui se sent seul, avec un rapport à l'égo difficile et qui a vu le fragile équilibre qu'il s'était construit s'écrouler parce qu'il avait basé toute l'estime qu'il avait pour lui-même sur cette relation.
      Je pense qu'on peut aimer sans être jaloux mais en effet selon moi la passion et la jalousie sont étroitement liés... Puisque dans la passion il y a souvent cette envie dévorante de se dominer l'un et l'autre et donc de se posséder.
      On ne peut jamais être certain que l'autre ne regarde que nous et d'ailleurs je pense qu'on a tous un droit de regard. Mais finalement n'est-ce pas plus beau quelqu'un qui reste avec nous malgré les autres? Parce qu'il nous a choisi et qu'il continue de nous choisir tous les jours.
      Mais non comme vous dites, on ne peut jamais faire complètement confiance, c'est impossible. On ne peut rien prévoir quand il s'agit de sentiments et d'attirance.
      On peut décider de ne pas faire de scènes de jalousie, mais de ne pas être jaloux je ne crois pas malheureusement!

      Je vous remercie pour votre commentaire réfléchi qui fut très agréable à lire. Bonne soirée!

      · Il y a plus de 8 ans ·
      13690832 10210009917345389 2886337258145494882 n

      Claire Arbogast

    • Ah ! Mais oui, Claire, lorsque que l' on aime à la folie on a vraiment envie d'appartenir à quelqu'un, vous avez tout à fait raison, c'est un bonheur au contraire. Malheureusement, c'est quand même rare que cet état dure. Bon, il y a des exceptions, je pense.
      Oui, c'est l'égo qui fait que certains basculent. Et lorsque l'on est abandonné, on est dévalorisé, on peut se sentir bête ou moche, mais c' est seulement que l'autre n'aime plus, et ne nous voit plus avec les mêmes yeux. D'ailleurs, il peut nous trouver tous les défauts de la terre. Avant "l'amour était aveugle". Bonne soirée et bonne nuit Claire !

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

  • Je salue la lucidité !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Cavalier

    menestrel75

    • Merci beaucoup! J'essaie de l'être mais ce n'est pas si simple! En tout cas ça me fait beaucoup de bien de me poser pour réfléchir à ce genre de choses à froid!

      · Il y a plus de 8 ans ·
      13690832 10210009917345389 2886337258145494882 n

      Claire Arbogast

Signaler ce texte