La jolie Dame et le chocolat viennois (chapitre un).

Il est douillet, si accueillant, ce salon de thé. M'a plu tout de suite, le lieu pour un après-midi de rêverie.

Je prends mon temps avant de commander, vous savez, ce joli moment de réflexion gourmande, voyons voyons que vais-je choisir, la carte frémit entre mes doigts...

Le projet se dessine: ce sera un chocolat viennois à l'ancienne, entouré de petits macarons. Ne reste plus qu'à faire signe à la gentille serveuse. Mais...

A une table non loin de la mienne, une jeune femme, rousse, vient de s'asseoir. Oui, c'est bien moi qu'elle contemple intensément, avec une franchise absolue. Je n'ai pas encore croisé son regard, timide que je suis, allons, un peu de courage. Voilà, mes yeux rencontre les siens. Et... Dieux... Quel joli sourire elle m'offre, tout de naturel et de sincérité tranquille. Le temps de me reprendre, de réaliser que c'est bien à moi que cela arrive,  c'est elle qui me rejoint, d'une façon qui me laisse perplexe.

Car elle ne se lève pas. Non. Toujours assise, jambes croisées, elle s'éloigne de son fauteuil, glisse vers moi sans toucher le sol.  Elle passe au travers d'une table qui ne se trouble pas pour autant, arrive à la chaise en face de moi et s'y pose avec délicatesse. Durant son petit voyage, elle n'a pas cessé de sourire. 

Prenons les évènements comme ils viennent. Dans la salle, personne n'a remarqué le déplacement-lévitation de la Dame. Toute proche de moi, qu'elle est jolie, et,  bien sûr, elle a les yeux verts ! Cliché parce qu'elle est rousse ?  Vive les clichés !

Ah oui ! Me présenter, cela se fait ! J'ouvre la bouche, mais elle la clôt d'un petit geste de la main en murmurant: "Pas la peine ! Vous vous appelez Edouard Huckendubler, vous écrivez sous le pseudo Astrov. Et c'est en vous lisant que j'ai souhaité vous rencontrer."

La serveuse arrive. "Chocolat viennois, s'il vous plait. Deux, avec des macarons." demande la Dame qui ajoute à mon intention: "Vous êtes mon invité."  La serveuse acquiesce  et s'en va au pays du Chocolat.

Par simple acquit de conscience je dis: "Donc vous m'avez rejoint en planant, assise, juste au dessus de la moquette,  en traversant les meubles, et vous me connaissez."

"Oui. Je traverse aussi les murs, les siècles, les pages des livres et l'esprit de celle ou celui qui écrit"

"Que de talents ! Et vous êtes d'une beauté qui..."

Elle se penche: "Je sais. Et je suis venue, savez-vous pourquoi ?"

"Pas vraiment, Madame !"

"Parce que vous êtes amoureux de moi."

"C'est une assertion quelque peu péremptoire, non ?"

Les yeux verts s'assombrissent:  "Monsieur, une assertion est souvent péremptoire. Vous frôlez le pléonasme."

Elle éclate de rire, reste songeuse et affirme: "Bon, je vais me présenter."

Ah ! Voilà une bonne idée !

Elle se redresse et, tout uniment, dit: "Je suis l'Orthographe."

Elle ajoute avec indulgence: "Appelez-moi Ortho."

Je m'apprête à solliciter quelques éclaircissements,  mais elle m'arrête: "Monsieur, nous allons parler de tout ça au chapitre deux. Dites-le à vos lecteurs."

"Et à mes lectrices ?"

"Aussi. Je ne suis pas jalouse.  Même les rousses."

   Bon, c'est noté ! allez zou ! Toutes et tous  au chapitre deux !

                                                   Edouard Huckendubler (poète gourmet)