LA LIMBIENNE

suemai

Soudain, je me sentis envahie par l’existence de mon inexistence

Pénarde dans mes limbes, je discutais avec quelques amis de cette impossibilité d'être. Allongée dans mon limbotomac, je trêflais des marguerites suppliantes. Un rien me satisfaisait. Plus d'un affirmaient que, puisque les limbes souffraient d'une non-existence, nous devenions, logiquement, des paradoxes. De caractère inconséquent, je m'objectais à cette théorie aussi boiteuse que la patte d'un tout petit rien. Je niais le paradoxe. Je lestais ce raisonnement aussi faux que la vérité et j'allais plutôt me vautrer dans ces rivières de fleurs d'absence, à l'impossible fragrance.

Les vastes limbes me fascinaient encore et toujours. On n'en voyait ni la fin, ni le début d'ailleurs. Nous germions dans les jardins du grand silence chaotique. Tant bonheur que malheur voguaient dans les méandres des siphons du non-lieu, là où l'amour et l'amitié paissaient déjà dans une négation absolue.  

On me disait fort jolie limbienne, mais aussi insupportable que la pire des impossibilités. Je me dandinais, épousant cette démarche atemporelle qui excitait ces rhétoriciens du vide. Toujours et en l'espace de quelques millions d'anasecondes, une traînée de jeunes fainéants me martelait le pas. Je les aspergeais à coup de vides absolus, seule arme efficace contre ces incultes de l'inexistence du culte.

Pourtant, telle une vulgaire dystopienne,  j'entretenais l'inconscient possible de l'existence d'un beau et grand limbien qui partagerait mon vide. Je pustulais de désespoir. La fractalité et le gigognisme me rendaient faufolle, aussi nihiline que ces grands trous noirs… tous noirs. Toutefois, ma nilibido me donnait des allures de vauriennes. Je déraisonnais telle une antitétique défraichie. Je futilisais le total de son rien. Soudain, je me sentis envahie par l'existence de mon inexistence, ce que quelques réthoriciens de ma connaissance nommaient : Conscience. Je me sentais me développer une entité…

C'est alors que se se produisit l'irréel. Mes limbes m'abandonnèrent. Une main m'agrippa. Je cessai d'apesentir. Je compris l'essence de la conscience. Les limbes disparurent. Je supputais l'impossible négation des possibles. J'optimisais. Je me vidais de mes propos inconscients. On m'aspirait dans les méandres des siphons d'un nouveau lieu. Je perdis conscience.

À mon réveil je me retrouvais dans les bras d'une belle terrienne. Elle se nommait Gaïa. Elle me caressait le visage et ne cessait de me nommer sa belle météorite… C'est ainsi que nous fusionnèrent.

Dès lors, je m'insurgeai contre le nihilisme, le vide et le néant. Je devins responsable du groupe de revendication : «Anéanti.» Notre slogan nous représentait bien : «Prenons conscience de notre existence.» Je militais. Pourtant, sans que je n'y puisse rien, je conservais des réminiscences de l'inexistence de l'existence. Régulièrement, dans l'anonymat le plus total, je participais à l'écriture d'un bouquin qui devint le grand manifeste, un classique de la littérature nihiliste : «La conscience de l'inexistence de l'existence.» Je devins, dès lors et tout à la fois, une entité existante et inexistante. Plusieurs années s'écoulèrent. Tout naturellement, je dé-fusionnai. Je ne faisais plus partie d'aucuns clans. Je vivais le temps à contretemps. Un soir où, lentement, telle une vieille impossibilité usée, je déambulais rue de l'insuffisance, une main me happa…

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