La Mauvaise Foi, Encore

oliveir

Mes chers concitoyens,

Un grand pas vient d’être franchi par l’humanité. La guerre contre la méchanceté est sur le point d’être gagnée, une nouvelle ère de bonheur et de prospérité s’ouvre devant nous. Les futures générations parleront des années précédant l’année 2010 comme celles des années d’avant. D’avant Coolopran, cette époque où les hommes étaient réduits à la bestialité d’être désagréables, méchants, mal intentionnés… Tous ces mots disparaitront bientôt de notre dictionnaire.


Bien-sûr, il y a eu des victimes mais on ne mène pas la guerre contre les instincts les plus vils de l’humanité sans subir des pertes, on ne peut considérer les dommages sans mettre en face les bienfaits. Oh combien de personnes auraient été détroussées de leurs économies si Coolopran n’avait été donné ? Qui sait ce qui serait arrivé ? Combien de femmes sont-elles rentrées chez elles sans être agressées? Combien de petits ont-ils pu manger leur soupe dans la chaleur d’un foyer sous le regard de leur mère ? Les effets de Coolapran sont indéniables, les gardiens de prison emmènent les détenus visiter les musées après leur avoir donné du Coolopran. Je les ai moi-même accompagnés durant une visite, tout le monde déambulait dans le musée le sourire aux lèvres, une forte impression de paix se dégageait du lieu et on entendait en fond musical un air de musique, ce devait du Mozart. Croyez-moi, c’était autre chose que l’enfer des visites de musée le mercredi après-midi au milieu des enfants dissipés. Et tout cela pourquoi ? J’allais dire à cause mais non, c’est grâce au Coolopran.


On déplore quelques décès certes, des malades désespérés de leur situation. Ils ont apprécié les bienfaits du  Coolopran, ils les ont tellement apprécié qu’ils ont avalé le tube pressés qu’ils étaient d’être délivrés de leurs souffrances. Ils ont connu quelques heures le bonheur d’être aimables, dégagés de toute agressivité, ils ont été grisés et ont fait ce qu’on appelle un coma éthylique médicamenteux. En leur mémoire nous devons continuer à prescrire ce Coolopran. Ce n’est pas parce que leurs cas étaient désespérés qu’il faut désespérer de l’humanité. L’aigreur, la jalousie sont des maux terribles, vous ne savez probablement pas ce que cela signifie, vous avez presque tous vécu dans des familles d’un ou deux enfants, demandez à vos aînés qui ont vécu l’enfer des fratries, ils vous raconteront ce qu’est la jalousie et combien de méchanceté elle peut engendrer. Si Dieu avait donné du Collopran à Caïn, Abel aurait vécu. Combien de guerres, combien de génocides auraient été épargnés ? Combien de larmes n’auraient pas coulé ?


Il faut continuer à prendre Coolopran le matin, vous pourrez alors vivre à votre rythme et vous coucher sans faire votre examen de conscience. Bien-sûr, cela ne fera pas l’affaire des curés, ni des militaires, ni des agents de sécurité… Avouez qu’il est bien agréable de voir les sourires accrochés sur les faces des passants. Quand il pleut, cela remplace agréablement les rayons du soleil.

Même s’il était démontré que Coolopran réduit l’espérance de vie de cinq ans, il faudrait continuer à prendre Coolopran car il vaut mieux vivre 75 ans avec Coolopran que 80 ans sans. Il y a plus de personnes sur lesquelles Coolopran a un effet bénéfique que de victimes de ce remède à la méchanceté. On ne dénombre que cinq victimes, ce n’est rien par rapport au nombre de personnes ayant profité des larges bienfaits de ce médicament dont l’élaboration a mobilisé un nombre incroyable de chercheurs. Des lots de souris sélectionnés en fonction de leur agressivité ont reçu Coolopran, il s’avère que leurs descendants sont devenus très sociables. Idem pour les coqs de combats et même les chiens réputés dangereux. Les générations futures nous remercieront d’avoir tenu bon et d’avoir résisté contre les arguments fallacieux utilisés par les laboratoires qui ont refusé de participer à cette recherche organisée à l’échelon planétaire pour éradiquer la méchanceté. Croyez-moi laissez les méchants entre eux, rejoignez-nous, distribuez Coolopran autour de vous. Aidez-nous, nous allons continuer à améliorer les dosages, et bientôt, les quelques désagréments qu’on nous a signalés ne seront plus que de vieux souvenirs.  

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