La Nausée
Juliette Delprat
Une pièce sombre, juste éclairée d’un ou deux néons austères nous confinant dans un décor terne, désuet, propice à la mélancolie.
Une multitude d’odeurs de parfums vaporisés pour l’occasion se mêlent, accentuant ma nausée.
Le grésillement continu de ces néons, comme des insectes bourdonnant au dessus des têtes et des choses, rendant presque le silence étouffant plus supportable.
Une foule uniformisée, sans tons, des robes noires pour les femmes, des costumes noirs pour les hommes. Une cohue de petites figurines noires, disciplinées, conformistes.
Des visages figés, livides, cernés se font face, se regardent sans se voir vraiment. Des visages verrouillés, des visages brouillés par trop peu de repos, par des chagrins mêlés de consternation.
Des visages larmoyants de femmes abattues, des visages dévastés d’hommes pourtant si forts habituellement, des visages effarés d’enfants, des visages de vieux qui soudainement paraissent mille fois plus vieux encore. Des figures. Des figures qui semblent flotter entre ici et là haut. Des têtes de cadavres.
Une musique retentissante oblige l’épaisse masse noire à prendre place. Les notes aussi lourdes que l’atmosphère invitent tous ces cadavres à s’assoir.
Des chaises dépliées pour l’occasion s’étalent en rangées droites et interminables. Un cimetière de chaises toutes semblables, toutes positionnées identiquement.
Des figures pâles siègent maintenant, des figures pâles siègent et dans un mouvement unique et lent elles s’abaissent, courbant le dos de tous ces cadavres, recroquevillés sur leurs chaises grinçantes.
Des cadavres se courbent, des chaises grincent, des néons bourdonnent.
Tu arrives
Des cadavres se lèvent douloureusement, des chaises grincent plus fort encore, des néons bourdonnent toujours.
Tu es là devant nous
Des cadavres se rassoient enfin lourdement, des chaises n’en finissent plus de grincer, des néons bourdonnent encore immuablement.
Tu es resté là longtemps, trop longtemps. J’ai toujours la nausée, la nausée, rien d’autre que la nausée.
Des cadavres ont continué de geindre, de s’agiter douloureusement sur leurs chaises grinçantes, toi tu es là inerte et moi j’ai la nausée, rien d’autre que la nausée.
Enfin tu es parti, dans ta tombe trop grande pour toi, ton visage arrogant de jeunesse, tes boucles brunes indisciplinées sur ton front froid. Des cadavres t’ont suivi.
Moi je suis là, dans la pièce aux néons bourdonnants et j’ai la nausée.
L'ambiance est parfaitement relaté...tous des cadavres en sursis. C'est en ces moments pénibles que nous savons que nous sommes tous égaux et que penser différemment était une bien belle erreur...
· Il y a environ 14 ans ·leo
Je vous quittes quelques instants, je vais faire un tour dans mon jardin respirer l’herbe fraîchement coupée.
· Il y a environ 14 ans ·Beau texte, je propose le concerto d’Aranjuez par Miles Davis en musique de fond.
sycophante
brrr! c'est haloween avant l'heure.
· Il y a environ 14 ans ·Saucisson
j'adore cette description obscure, je me suis vue, là, sous les néons!
· Il y a environ 14 ans ·audrey
Les néons quand c'est mal réglé c'est vrai que ca donne la nausée. C'est un beau texte sinon que j'aime. merci
· Il y a environ 14 ans ·al-fonce