La part des anges.(1)

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Elle coupait les légumes si fin, qu'on pouvait les manger crus.

Betty faisait des petits morceaux de tout. Sur une grosse facture, elle découpait celle-ci de manière à en faire des confettis:

« Ça sert à rien de garder cette note de 2 653 euros de chauffage ! C'est pas ça qui va nous redonner le moral ni le soleil ! On aurait mieux fait de mettre des pulls ou partir sur une île ! A ce prix là, on aurait eu le voyage en première et les bananes en plus ! »

Betty savait qu'il était inutile de revenir sur les erreurs, qu'elles étaient la conséquence sine qua non de la mauvaise gestion de notre portefeuille sur le climat:

« On aurait dû tout isoler quand l'état nous disait de tout isoler ! Pour 1 €, on aurait le plafond de la cave tout chaud ! Voilà, maintenant tout a passé par les fenêtres ! Y a plus qu'à attendre l'an prochain ! »

A force de remettre au lendemain ce que nous aurions pu faire hier, nous avions toujours un temps de retard sur les années: on était bissextile tous les 5 ans et régulièrement en tee-shirts à manches longues.

Notre maison n'avait d'exceptionnelle que la vue: elle donnait sur un grand jardin arboré où il suffisait de tendre la main pour en récolter les fruits. On faisait beaucoup de tartes à tout: tarte à la quetsche, à la poire, à la pomme, aux fruits rouges. Fruits à n'en plus finir, fruits en sus que je laissais macérer dans un fût pour quelques eaux de vie.

« Cette année tu vas pas faire tes 10 litres de kirsch ! T'as vu la grosseur de tes cerises ? Même pas en olives sur une pizza 4 saisons ! Bouilleur de cru mon cul ! »

Quand Betty montrait des dents, tout le moût de sa colère y passait, ne laissant dans sa bouche que très peu de place aux sagesses. Les placards de cuisine claquaient et les assiettes volaient en tapis:

« Putain, mais où sont passés nos petits verres à pied ? »

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