la petite cuiller, épilogue

Christian Gagnon

On a beau sortir du cocon, on finit par y retourner.
2 ans plus tard, notre mère à moi se recroqueville en petit bébé, 100% vulnérable. On la cale dans un petit studio, une chambre avec un numéro, c'est sans doute la dernière escale. Jour de la marmotte, on refait les goules, on jette encore beaucoup, on garde plus que beaucoup. Tout se conjugue encore et toujours au passé composé dans les tiroirs de Louisette, et il y a toujours ces photos et cartes postales qui sortent d'une cachette. Dans une des ces cachettes, le résumé de toute ma vie, un tout petit livre : notre bébé, ses faits et gestes. Ma vraie vie, l'inventée, celle que ma mère a écrite, à la chair, en lettres attachées à des mots attachants; écrite dans un français plus que parfait, chaque lettre de chaque mot dessinée à même son sang et insufflée de son âme. La vie qu'elle traîne dans son ventre depuis plus de 70 janviers, voilà qu'elle me la rend. J'aimerais mieux qu'elle la garde, je ne suis pas certain d'être capable d'en prendre soin.
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