La petite fille au ballon.

La première fois que je l'ai vu, elle était debout devant le marchand de ballons. Les poings sur les hanches, elle les observaient tous attentivement, sa petite langue léchant ses lèvres, plongée dans une intense réflexion. Son visage s'éclaira quand elle le vit, celui qu'elle voulait, ses yeux s'agrandirent pour mieux briller. Elle sautilla sur place et d'une voix rendue aigüe par l'émotion, elle cria à sa mère qu'elle l'avait trouvé.

Et lorsque sa mère lui refusa ce plaisir, celui qu'elle voulait plus que tout, la petite fille bouda. Elle croisa les bras sur sa petite poitrine, frappa du pied comme si cela pouvait changer quelque chose. Sa mère sourit devant tant d'acharnement, parce que c'est mignon une petite fille de quatre ans qui n'a pas ce qu'elle veut, ça ne se prend pas au sérieux. La petite fille lui tira la langue et en comprenant ce qu'elle venait de faire, se réfugia dans les jambes de son père.

Son visage passa du tourment à la joie en quelques secondes, son petit esprit comprenant certainement quelque chose à la vie. Elle tira sur la manche de son papa pour qu'il se penche vers elle, et lorsque son visage fut au niveau du sien, elle lui murmura quelques mots à l'oreille. Son père hocha la tête, en signe de parfait accord avec elle, et elle topa dans sa main, comme si elle venait de conclure un contrat avec lui. Accrochée à son pantalon, elle le suivit jusqu'au vendeur de ballons et lui montra d'une main rendue tremblante par l'excitation l'objet de sa convoitise.

Le vendeur décrocha un ballon en forme de cœur rouge vif, pailleté, rendu flamboyant par les lumières des guirlandes lumineuses accrochés aux étalages. Il brillait d'un éclat presque surnaturel, et l'on pouvait facilement comprendre pourquoi la petite fille le voulait absolument. Du moment qu'elle l'eut dans les mains, son visage s'éclaira d'un sourire communicatif, ses yeux pétillaient de joie. Elle le tenait fermement dans ses mains, pour ne pas le lâcher. Elle le dévorait des yeux comme si c'était l'une des sept merveilles du monde, comme le trésor le plus précieux.

Et à partir de cet instant, elle ne quitta pas son ballon des yeux. Quoi qu'elle fasse, elle laissait son regard azur sur le ballon, comme par peur qu'il ne s'envole.

Lorsqu'elle mangea des châtaignes grillées, elle le fit absorbée par son ballon. Lorsque sa mère lui montrait les santons artisanaux, elle écoutait d'une oreille distraite, absorbée par son ballon. Tout sa concentration fixée sur ce petit truc en baudruche, accroché au bout de sa ficelle.

Elle remonta comme ça l'allée principale, les yeux brillants des milliers d'étoiles, osant encore à peine croire qu'elle le tenait. Comme dans un rêve.

Et quand elle arriva à la fin de ce marché de Noël haut en couleurs, quand elle eut fini de regarder son ballon, elle se tourna vers les étalages en bois sombre illuminés et vers la foule, elle leva la tête vers le ciel noir parsemé d'étoiles et elle lâcha son ballon, tâche rougeoyant sur un écran noir et blanc.

Elle envoyait son rêve vers la nuit et vers l'inconnu, pour que quelqu'un l'attrape et puisse aussi rêver à son tour.