La potion magique de Roald Dahl

Blanche De Saint Cyr

Avec ses jaquettes fluo inédites, Gallimard Jeunesse rend hommage à l’auteur du best-seller Charlie et la chocolaterie et republie, en édition collector, ses huit meilleurs romans.

Le plus grinçant des écrivains jeunesse, né en 1916 au Pays de Galles de parents norvégiens, a vécu une enfance assombrie. Il n’a que trois ans quand une pneumonie rafle son père et sa sœur aînée. Heureusement, sa mère lui transmettra le goût de raconter des histoires fantastiques. Plus tard, il gardera de l’école un souvenir amer (évoqué dans son autobiographie Moi, boys). Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que son avion rejoint son escadrille basée à Nairobi, l’appareil s’écrase et le futur romancier survit par miracle. Ces épreuves ont-elles produit la noirceur qui caractérise toute l’œuvre du génie ? La force de Roald Dahl, c’est d’avoir su conserver son âme d’enfant. Cette passion du farfelu, cette irrévérence qui d’habitude disparaît à l’âge adulte, on la retrouve intacte entre les lignes de cet auteur mythique.

Insolite, cruelle, hilarante et jubilatoire, la plume de l’écrivain gallois aura fait couler beaucoup d’encre. Dans ses histoires, des gamins malheureux affrontent de terribles grandes personnes. De la directrice, Mlle Legourdin – qui saisit les fillettes par les nattes avant de les lancer –, en passant par des parents négligents (Mathilda) ou tragiquement décédés (Sacrées sorcières), jusqu’aux abominables mégères qui peuplent ses pages (La potion magique de Georges Bouillon, James et la grosse pêche), l’univers de Roald Dahl pourrait sembler sordide. Ce serait oublier la tendresse et l’humour : les recettes de cuisine loufoques (Le pavé de boue arrosé de supercarburant), le colosse végétarien (Le Bon Gros Géant), la grand-mère qui fume le cigare (Sacrées sorcières) ou les chansons des Oumpa Loompas (Charlie et la chocolaterie). Et quel bonheur lorsque le petit héros pulvérise, métamorphose ou ratatine finalement ses bourreaux ! Les enfants hurlent de rire. Par ailleurs, les histoires de l’auteur britannique ont la crasse joyeuse. La saleté y grouille comme dans Les deux gredins :

« … si l'on examinait bien sa moustache en bataille, on apercevait des rogatons plus consistants qui avaient échappé au revers de sa manche depuis des mois et des mois : du fromage vert grouillant de vers, un vieux cornflake moisi et même la queue visqueuse d'une sardine à l'huile. »

Ou alors, elle s’érige en conseil immoral, comme dans Sacrées sorcières, où les bambins doivent éviter de se laver : pour un odorat de harpie, un enfant qui sort du bain sent le caca de chien ! Ça rappelle la joie de la patouille dans la bouillasse et le plaisir de crier « beuuurk ! » en se lançant des algues gluantes sur la plage. Les petits lecteurs se tordent de rire et leurs yeux s’agrandissent d’effroi, pendant que Roald Dahl leur inocule, pour toujours, le virus de la littérature féroce.

  • Oeuvre pour enfants ou adultes, j'ai lu pas mal de Dahl! Entre autre des nouvelles: "Bizarre bizarre" titre anglais, je crois "Kiss kiss"? aussi drôles que cruelles! Angliciste, j'ai pu en lire dans le texte, langue savoureuse...

    · Il y a presque 11 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Ah oui, je regrette que mon anglais ne soit pas assez bon ! Rien ne vaut les V.O. Si j'avais plus de courage, j'essayerais quand même. Un jour peut-être...

      · Il y a presque 11 ans ·
      Bdsc

      Blanche De Saint Cyr

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