La prochaine eclipse sera la bonne

Mathilde En Soir

Dédié à F.D Croquis : C.Novel


En s'invitant chez moi un soir à l'improviste, il me dévisage. Il me perce de part en part. Il me cherche parmi les recoins sombres de mon appartement. Tout semble lui appartenir, surtout mon désir. Il veut le chaparder, le choyer, le garder au chaud entre ses mains, dans ce silence nocturne.

Il est comme chez lui, il est là où il doit être. Et moi, je ne sais que faire face à cette montagne de sentiments. Si sûr de ce que nous sommes l'un pour l'autre, il commence à s'approcher de moi après m'avoir débusqué. Prise au piège dans ce qui semble être le lieu le plus sécurisé au monde, j'essaie de maintenir mon souffle. Je tente de masquer ma fragilité juvénile entre les ridules de mon sourire crispé. J'espère que le message est bien passé. Il n'a rien à attendre de moi, je n'ai rien à lui apporter, lui si libre, moi si froide.

Il continue d'avancer, avec cette expression sereine témoignant cette force innée en lui. Je ne veux pas me laisser aller dans ses bras, je n'ai pas le droit. Ce n'était pas écrit ainsi dans les termes du contrat, on ne devait pas en arriver là. Et la nuit tombe toujours plus vite dans l'appartement, c'est anormal.

Mais arrête ça ! Arrête de faire tomber la nuit ! Ce n'est pas ce qui doit se passer !

Qui t'a dit que cela devait arriver cette nuit ? Qui t'a dit que c'était à moi de t'aimer ? Qui ?! Pourquoi me veux-tu ? J'ai le cœur qui bondit quand je te vois, et il me fait si mal quand je me vois. Toi, le méritant de cet amour, moi pas. Toi, tu es bien, et moi pas.

Je me flétris petit à petit, je sens en moi une pomme qui noircit dans son noyau de sûreté organique. Si seulement je pouvais te chasser hors de chez moi, mais je me tords en ton absence. Alors laisse-moi, s'il te plaît. C'est moi qui ne suis pas bien avec moi-même.

Tu es si beau et attendrissant, si je le pouvais je te dévorerais les joues.

Décidément, tu ne lâches pas le morceau. Pourtant, je ressens la chaleur d'une éclaircie qui parcourt mon dos. Une lueur incandescente qui embrasse le ciel étoilé et laisse l'astre se dévoiler. Il se met à nu face à nous. Tu tends tes doigts qui viennent effleurer mes pommettes à présent éclairées. Tes yeux, ô qu'ils sont beaux, plongent dans les miens, j'y vois des nuages de constellations qui tapissent tes iris si bleus.

Tes lèvres réchauffent les miennes. Tes mains gravent à jamais leur signature sur ma peau, cette note si douce et sucrée d'un avenir sans fin.

L'obscurité s'estompe. Tu la fais bannir de mes entrailles, comme ces troubles phobiques qui me hantent. Les recoins de l'appartement se dévoilent petit à petit à la faveur de nos deux esprits entrelacés, comme une offrande à un de ces dieux qu'on prie par pudeur.

Je crois que je n'ai jamais eu autant soif de ma vie.

J'ai soif de toi, mon cher amour.

J'ai soif de nos vies.

Pourvu que la prochaine éclipse réapparaisse.


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