La sortie s'il vous plaît ?

Aurelie Blondel

Piégés dans une salle close pendant une apocalypse.

Nous sommes quatre. Il y a ces trois personnes et moi-même. 
Nous sommes dans cette salle sinistre, la tapisserie est souillée de sang. Il y en a partout. Du sang séché, du sang encore frais. Avec cette odeur âcre si particulière qui me donne instantanément la nausée. Nul besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour savoir ce qu'il s'est passé dans cet endroit.
Le mobilier est sens dessus dessous, des chaises sont cassées. Il est clair que le chaos a régné ici très peu de temps avant notre arrivée.
Et me voilà piégée à mon tour avec ces trois personnes.
J'angoisse, mon coeur bat à tout rompre. 
Pourquoi ? Pourquoi ai-je accepté de les suivre ? 
Je ne vois aucune issue pour m'en sortir. 
Sortir ? Non, hors de question. Je les entends derrière la porte, je les ai vu, la peau en putréfaction, la bouche sanguinolente, leurs habits arrachés, les grognements s'échapper de leur gorge à notre vue, leurs bras tendus vers nous prêts à nous attraper. Et maintenant, ils grattent à la porte. 
Nous ne pouvons pas rester ici malgré tout. Le temps nous est compté avant qu'ils ne parviennent à défoncer la porte ou que l'oxygène vienne à manquer.
J'ai du mal à contenir mon angoisse et me concentrer sur LA solution qui nous permettrait de sortir d'ici.

Les trois autres s'affairent dans tout les sens, essayant de trouver une porte dérobée, une trappe sous nos pieds ou au plafond.
On nous a affirmé que notre salut se trouvait ici. Raison pour laquelle nous sommes tant à tenter notre chance. Les rumeurs disent qu'il faut être ingénieux, chercher partout pour trouver l'accès qui nous fera sortir de cette salle nauséabonde avant qu'il ne soit trop tard. La rumeur dit aussi que nous sommes filmés, mais nulle trace de caméra. Les rumeurs ...
Mais la tache est bien plus ardue que je ne l'avais imaginée. 
Par où commencer ? 
Le mobilier se résume à ces chaises cassées, cette bibliothèque maculée de sang coagulé, de reste de chair humaine. Il y a ce bureau avec cet ordinateur qui ne fonctionne pas.
Nous avançons à tâtons dans l'obscurité de cette pièce. 
Mais soudain, la petite ampoule au plafond s'éclaire.
L'un de mes compagnons de galère a trouvé, cachée sous une poubelle, une petite trappe s'ouvrant sur un interrupteur.
Je reconnais le ronflement d'un générateur.
Il y a du jus dans cette salle !!
Je me précipite sur l'ordinateur et essaye de l'allumer.
Tiiiit tiiiiit tiiiit ... Oui, vas y mon grand, allume toi. J'aime les bips que tu émets. Je suis informaticienne en temps normal. Ça ne devrait donc pas être trop compliqué pour moi de percer les mystères de cet ordinateur car il est clair qu'il est en lien étroit avec ce fameux accès dont la rumeur parle tant.
L'écran ne laisse apparaître qu'un compte à rebours. Et si l'on en croit les chiffres qui défilent sous nos yeux, nous n'avons plus que 14 minutes avant que la réserve d'oxygène ne soit épuisée.
Ne pas paniquer, ne pas paniquer. Respirer calmement, se concentrer. Respirer calmement pour économiser l'oxygène. Je demande à mon groupe d'en faire autant. Plus facile à dire qu'à faire ceci dit. La tension est intense et ils comptaient clairement sur moi et mes qualités informatiques pour les aider. 
Je suis penchée face à cette énigme et je demande à mes trois compagnons, malgré le dégoût de toucher ces chaires arrachées, putréfiées, de fouiller dans la bibliothèque, en quête d'un indice, d'une note, de n'importe quoi qui pourrait nous aiguiller. 

Je manipule le clavier à toute vitesse. Je dois pénétrer dans les entrailles de cette bécane assez sophistiquée. Après quelques tentatives infructueuses, j'y parviens. J'arrive sur un portail. Nous touchons au but, je le sens !! Mais des identifiants et un mot de passe sont requis. Je m'en doutais.
La solution est forcément quelque part dans cette bibliothèque dégoûtante et puante.
Je n'ai d'ailleurs pas réussi à me faire à cette odeur persistante. Elle s'imprègne dans mes narines et sur mes vêtements. Je me sens poisseuse.
Je n'ai encore moins réussi à occulter les grognements derrière la porte, les coups de tête ou que sais-je encore pour la défoncer et nous atteindre.
L'adrénaline est un sacré frein à la réflexion dont nous avons besoin en ce moment.
Soudain, l'un de mes compagnon d'infortune crie "j'ai l'identifiant !! J'en suis sûr, c'est ça !"

Et en effet. Nous recherchions tous dans les livres restants des annotations, des numéros, des surlignages qui auraient pu nous mettre sur une piste alors que c'était bien plus simple que ça. Tellement simple et évident que nous ne l'avions même pas remarqué. Tous les livres sont du même auteur : Edgar Allan Poe. 

BINGO ! Il s'agit bien de l'identifiant à entrer sur le portail. 
Ne reste plus que le code et ce cauchemar sera fini, nous en sommes sûrs. Nous nous regardons, fiers de nous et remotivés pour poursuivre, sans plus attendre.

Les tambourinements à la porte se font plus forts. La lumière s'éteint d'un seul coup. L'ordinateur aussi.
La porte cède. 
Dans notre empressement, à aucun moment nous avons vérifié le décompte du temps. Plus de générateur, plus d'oxygène. La porte a cédé sous les multiples assauts. C'est fini.

Nous les entendons entrer et se diriger vers nous. Nous sommes terrifiés, tous les quatre collés ensemble.
Une lumière vive d'un flash nous éblouie. 

-"Souriez !!! Vous êtes dans la boîte, ah ah ah! 
C'est vraiment dommage !! Vous étiez à ça d'y arriver. Le mot de passe se trouvait simplement collé sous le clavier.
Là où vous avez perdu du temps, c'est pour trouver le bouton pour faire venir le jus dans la salle. Vraiment dommage...
Petite consolation quand même ? Vous êtes dans les meilleurs temps de cette salle d'escape game. Bravo !" 

L'organisateur de l'escape game nous raccompagna jusqu'à l'accueil et nous remit à chacun la photo prise de nous, dans le noir, terrifiés comme si l'apocalypse avait vraiment existé et que des hordes de zombies affamés s'apprêtaient à dévorer nos chairs. Les têtes que nous avions !! A mourir de rire ! 

Je sortis dehors et me grilla quasiment d'un trait une cigarette pour décompresser. J'étais déçue. Je pensais vraiment qu'on y arriverait. Mais qu'à cela ne tienne, je n'ai pas dit mon dernier mot. Ce n'est que partie remise. 
Vivement le prochain scénario à résoudre. 


Aurélie Roumy.

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