La ville bleue

hel

# 3 Troisième coup ( de pied au...)

Quand la mère d'Ernesto vient le voir, elle se cogne tout d'abord à la petite valise noire qui attend patiemment contre la porte, puis à la triste mine de son fils.
Elle ne dit mot, ne laisse rien paraitre.
Elle lui donne des nouvelles de son père, de son frère, de son cousin, de ses oncles, pour le distraire, mais rien n'y fait.
Quelque chose cloche, quelque chose, là, sur le bord du menton d'Ernesto. Une chose que seules les mères peuvent voir.
Elle la pointe du doigt, elle demande.
Ernesto secoue la tête, ouvre-ferme la bouche trois fois de suite, et puis plus rien que le silence.
La mère insiste, c'est une patiente.
— Tu vas me penser foldingo, argue Ernesto en excuse bredouille.
C'est à la mère de secouer la tête et de rappeler à Ernesto si elle l'a trouvé foldingo quand il a voulu se faire horloger ? Quand tous les hommes de la famille, du père aux oncles en passant par le frère et le cousin, sont cantonniers. Quand on y pense ce n'est pas si différent, lui avait-elle dit, quand on y pense, c'est la même poésie, celle du temps qui avance, qu'il couche les feuilles brunes sur les trottoirs ou fasse trotter les aiguilles sur les cadrans, alors le poids qu'Ernesto avait sur le cœur s'était envolé et il avait suivi sa voie nouvelle mais pas si différente quand on y regardait de l'œil de la mère. A y repenser ça le fait plutôt sourire, même, toute la montagne qu' il en avait fait, juste parce qu'il n'osait pas.
Alors il raconte à la mère, il raconte un bleu du ciel plus bleu que les autres bleus, le soleil plus grand que les autres soleils d'ici et d'ailleurs, et les pierres, les rues, les fenêtres, le linge qui vous goutte au-dedans, et s'il pouvait il raconterait encore jusqu'à tout ce qu'il n'a pas vu.
Et la mère d'Ernesto, qui n'est pas ce genre de mère à étouffer les élans qui éloignent les enfants pour les garder entre leur jupe, sa mère lui souffle dans l'oreille, de ne pas attendre, de ne pas réfléchir plus et puisque sa valise est prête, et là qui patiente contre la porte, de la saisir et de se hâter bien vite, vers ce ciel au bleu sans pareil, car qui sait si demain il n'aura pas pris une nouvelle teinte et que de regrets alors…
 

  • J'aime votre écriture hel ! Et cette mère qui encourage son fils à exercer le métier qu'il aime, faisant fi de ce que tous les hommes de la famille ont exercer jusqu'à présent. Un beau texte vraiment !

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • pratiqué ald excercer

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Merci beaucoup Louve contente que ça vous plaise

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Avat

      hel

  • Ernesto enfin libéré ... ?? un sage conseil pour une fois :)

    · Il y a plus de 7 ans ·
    W

    marielesmots

    • oh ça prend du temps ces choses là... ;)

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Avat

      hel

  • Joli coup ! !:) effectivement, j'ai vu ! Ça doit être mon instinct maternel qui a parlé ^^ j'aime beaucoup ta comparaison entre cantonnier et horloger. Le temps qui passe, une belle poésie dans ta façon de le dire.

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Ananas

    carouille

    • Merci Carouille, un instinct aiguisé ;)

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Avat

      hel

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