La ville bleue

hel

#7 ce qui est formellement interdit, formellement

Agustina Cannella dit :

— Pas de chat ?

Ernesto confirme:

— Pas plus de chat que de chien, pas même un canari ou un pinson, pas plus que la moindre tortue.

Agustina Canella prend un air pincé, suspicieux, elle toise comme ça, sans le lâcher, Ernesto et alors impossible de se dérober, d'aller gouter du bord des cils le bleu du ciel, ou le doré poli des pavés de la ruelle pour échapper à cette droiture toute policée, non, non. Le regard est ferré, plié au bon vouloir d'Agustina Cannella, et son bon vouloir ne semble pas porté à se décider, il semble même un peu vicieux à faire durer. Après des secondes d'éternité, enfin ses yeux retournent à son dossier, biffe de rouge quelques pages, non sans préciser :

— Les animaux sont formellement interdit, FORMELLEMENT.

— Je n'ai aucun animal, formellement interdit, FORMELLEMENT.

Il a les mots taquins rieurs Ernesto, qu'importe la mine renfrognée et les airs immobiliers supérieurs d'Agustina Cannella, qu'importe les jours brouillons agités à faire de l'ordre et se perdre de formulaire en formulaire, en exigences Agustiniennes, plus rien ne peut troubler cet entrain fait de bleu qui le pénètre tout entier. Elle pourrait lui dire que sont interdits les cactus et les bouilloires rouges, ça n'y suffirait pas à l'entacher, il ne trouverait rien à redire, et serait prêt à lâcher les interdits là, qu'importe les raisons qu'on lui donne et même qu'on ne lui donne pas. Il déborde de soleils, de rayons enluminés, de chaleur, de choses rieuses et de mots raccords. Mais quand même, puisque c'est Agustina Cannella qui a dans ses mains les clés de ce bleu plus bleu que tous les autres ailleurs, alors Ernesto se tient en laisse, ravale ses mots, offre son meilleur visage formel, et cherche quelque formule plus convenable, plus Agustina Cannella dans le ton.

— Je vous assure Madame que je n'ai en ma possession aucun animal, que ce n'est aucunement dans mes projets que d'en adopter un, je n'en ai jamais eu le souhait ou l'idée, et de plus soyez certaine que je prends très au sérieux, et même à la lettre du sérieux le règlement de la copropriété. Je vous assure en toute bonne foi que blablabla, et blabla, bla, très, très, chère Madame.

Alors enfin, les clés que tient Agustina Cannella tombent dans la main d'Ernesto qui pour un peu, tout entier à sa joie, l'attraperait par le cou et…et non. Rien, qu'un sourire neutre, sans débordements, des politesses et paraphes à rallonge d'usage, et l'on se quitte.

Ernesto monte les marches lentement, se perd de hall d'entrée en alcôves, de murs de chaux en paillasson fleuris pimpant, et alors qu'il touche du doigt la porte de son rêve bleu, quelque chose le fige sur place. C'est qu'il jurerait avoir aperçu par la porte voisine entrebâillé, la tête d'un chat se pourléchant tout tranquillement babines et moustaches. Mais ceci est impossible, puisque les animaux sont formellement interdit, formellement. Quelle genre de personne aurait donc l'outrecuidance de défier le règlement ?

 

Note : Dernier opus de la série, mais pas vraiment, alors disons juste qu'on quitte Ernesto pour l'instant. Un jour on le retrouvera, et cette ville bleue où l'on a  fait que trois pas, il y a aura même un marin grincheux attachant, des marmots brailleurs en pagaille, une quelqu'une qu'on ne connait pas, et un chat, oui celui-là formellement interdit pourtant. Plus tard, car j'ai aussi des trains et des riens à écrire et faire serpenter entre mes villes.

  • Bravo encore et toujours pour ce bleu des mots délavé de beauté'

    · Il y a environ 8 ans ·
    Bbjeune021redimensionne

    elisabetha

    • Merci à toi Elisabetha.

      · Il y a environ 8 ans ·
      Avat

      hel

  • Bon, je suis triste de ne plus suivre les pas dernesto, mais si la tête est partie ailleurs, il n'y a rien que tu puisses faire. Alors en espérant qu'il revienne un jour toquer à la porte, je vais embarquer dans ton train

    · Il y a environ 8 ans ·
    Ananas

    carouille

    • Me forcer peut-être mais je ne sais pas faire, je suis girouette et vole au vent, quand c'est plus dans le ventre, hélas, que je suis pas collée fièvreuse au texte, ça ne marche plus, un jour j'espère être plus disciplinée, ça avait bien marché avec la ville humide, car la vie IRL me laissait assez tranquille pour que je l'écrive d'une traite, bon aussi j'étais plus sérieuse, je sais pas, y'avait un truc qui je l'espère va être là pour le prochain. Un peu désolée du coup, d'avoir fait tourner ça en boudin, j'ai essayer de mettre une fin, clore la parenthèse tout en laissant une ouverture. Merci encore pour tes lectures et tes impressions.

      · Il y a environ 8 ans ·
      Avat

      hel

  • Mais non, ce n'est pas torché, c'est ton niveau d'exigence qui prend le dessus ... c'est tout à ton honneur ...

    · Il y a environ 8 ans ·
    W

    marielesmots

  • J'aime bien quand tu fais dans le sarcasme, cela te va si bien ... joli volet Mamz'Hel qui a envie de passer à autre chose ...

    · Il y a environ 8 ans ·
    W

    marielesmots

    • Et qui va le regretter, oh très certainement, mais à mon moi futur je dirais, tu ne 'lavais plus cette ville, elle s'téait échappée, alors il fallait la quitter, parce que des fois on se quitte pour mieux se retrouver...enfin 'j'y crois pas trop en règle générale, mais le temps nous dira si, merci Marie, j'aurais penser entendre quelque ralâge et c'est quoi cette fin torchée de dessous les fagots, et ç'aurait été mérité, eh bah même pas ! :)

      · Il y a environ 8 ans ·
      Avat

      hel

  • Et puis je rajoute ici, que j'ai beaucoup éllipsé, m^me so on devait arriver là, mais j'avais d'autres choses très forte en tête, qui mangent Ernesto, la ville tout ça, alors donc la faute de je ne sais quoi, donc je boucherais peut-être les trous de gruyère, et ajouterais de l'huile sur les rouages qui grincent, mais c'est au max de ce que je pouvais faire, quand déjà ma tête écrit autre chose et qu'elle ne m'écoute pas.

    · Il y a environ 8 ans ·
    Avat

    hel

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