Laissez-moi boire

jjaji

J'avais pris deux grands verres de quatre-vingts litres de vin, mais vint le moment de partager le pain. Tout cela me semblait, dérisoire, on m'interdit de boire. Mon désespoir grandissait et se faisait voir. On me disait que se noyer dans l'alcool ne changerait en rien ma vie. Certes, mais pompette comme j'étais, je leur tirais les couettes aux jeunes filles qui me volaient ma couette! Inutile, les filles faciles, déboires terribles. Elles me font peur désormais, et je ne me remets pas. Croyez-en ma foi aux histoires. Je croyais aux promesses de l'amour. Mais à ce moment même, je ne pus m'empêcher de tomber. Maintenant, il faut se relever. Buvez, buvez, vous allez tout oublier. Fausseté, image révoltée de faussaires aux vrais airs. Vous pourriez me dire que faire, mais je préférais me taire. Si peu de savoir, tant d'espoir. Conscience. Oubli. S'il-vous-plait, ne m'aidez pas. Ils me disaient de penser à autre chose, conseil irréalisable. J'ai essayé, j'ai échoué. Mon verre se remplissait, le vin remplacé par la vodka. Bois, bois, bois, tu oublieras. Mais l'alcool me prend le ventre, mais pire sont mes pensées pour elle. Elle est le centre de mon attention. Attention, attention, je ne tourne plus rond. Rien n'est bon, tous des cochons. Il aurait fallu que je m'asseyes, mais je ne sais plus où sont mes chaises. Oh, foutaises, tout balancer dans les braises, à l'aise. Trop facile, impossible. J'acquiesce, je rectifie la trajectoire. Je dois continuer à boire, ça va de mieux en mieux. Je change de route, dans le doute, je bute, je lutte. Laissez moi avancer. Nous sommes dans le présent. Maintenant. Prends, vends, tout est dedans. Loi du commerce, poids inerte, faillite. Au revoir, à bientôt, je vais boire. Ne plus rien voir, avancer dans le noir, ça ne me fait pas peur. Je meurs. Je ne leur parle plus. Je suis seul face à personne. Répéter, insister. Mise en valeur. Mise en évidence du fond du cœur des femmes. Bonheur, malheur. Pourquoi ai-je commencé au passé? Je ne dois plus me retourner. Je dois partir. J'ai trop bu, bu, bu. Je vais vomir et revenir. Va et vient de mes intestins. Incessant et bruyant. Je meurs, une fois de plus, une fois encore. Mauvaises heures, ardeur féroce du guerrier. Je dois me battre. Une odeur de whisky se fait lourde dans l'âtre. Le ciel semble toujours aussi sombre. Je ne suis plus qu'une ombre, je me laisse dévorer de l'intérieur. Ne me laissez pas seul. Je suis dans ce jour, j'ai enfin quitté hier. Revenez. Faut pas que je reste seul avec ces envies là. Il faut partir. En finir, quitte à fuir. Encore. Je bois, toujours, l'alcool est plus fort que moi, il m'attrape et me frappe. Horreur du destin, bêtise humaine. Je vais boire, saouler ma nuit, vendre ma vie. Je suis empli de liquide, je vais fondre et m'écouler dans vos rues bien propres. Je deviendrais pluie, une vie infinie, renouvellement. Je bois et je ne vois plus très bien. Je suis ivre, ivre de mes souvenirs, noyé dans mon passé. Vous êtes partis. Où suis-je? Il y a des pieds qui m'écrasent et des mots qui m'insultent. On me brise, je me vide. Continuer à avancer, marcher, courir! Je trébuche, c'est normal. Je m'étale, la force m'est devenue inconnue. Rester à terre, comme un vulgaire tapis. Faiblesse et tristesse. Ivresse au matin, bonsoir le chagrin. Je m'en sortirais, mais laissez moi boire. Boire, boire, comme s'écoule les secondes. Laissez moi boire.

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