L’amant de ma femme est charmant, (mais pas prince pour autant)

Hervé Lénervé

Une histoire banale de conjugalité.

J'avais l'habitude, on en a tous, mais pas les mêmes toutefois, de faire un billard avec des potes tous les soirs. On avait un endroit pour cela, autrement c'est plus difficile pour jouer. Nous, on était vraiment tranquilles, peinards, bar à disposition, blues et rock en fond sonore, à fond les décibels ! Si bien qu'en jouant le temps filait trop vite et il m'arrivait de rentrer trop tard, après avoir trop bu, trop fumé, pas que du tabac, il m'arrivait de rentrer trop tard, un peu flou. Ma femme était adorable et on s'aimait. Nonobstant, elle avait un petit défaut, elle avait un problème avec l'alcool… elle n'en buvait pas ! Elle n'en buvait jamais ! Elle n'en avait jamais bu de sa vie ! Et elle détestait les gens qui buvaient, mais vraiment, vraiment ! Elle ne tolérait aucun dérapage alcoolisé. C'est vrai, qu'elle était assez intransigeante sur la question, si bien que dans mes soirées entre potes, je ne pouvais jamais apprécier le moment à sa juste détente, car je pensais déjà, au retour à la maison et à l'état dans lequel j'y retournerai. Pourrais-je passer son inspection inquisitrice ? Sinon, c'était la chambre de dégrisement directe !

Or, un jour, qu'elle passait une soirée à diner avec son équipe de bureau, j'arrivais au repère en lançant, pour plaisanter ; « Ce soir, j'ai tout mon temps, je suis cool, ma femme découche avec son amant ! » On en rigola tous et je rentrais dans un état que je préfère taire.

Maintenant, l'esprit est ainsi fait, qu'il suffit qu'on dise une connerie pour faire gondoler la galerie, pour que lui, la prenne au sérieux en y pensant réellement, l'esprit n'a aucun esprit. Donc l'idée me trottinait, me trottait, me galopait dans la tête. Je pesais les avantages et les inconvénients d'être cocu. Le plus gros problème était que ma femme m'était fidèle, c'était une très belle femme pourtant ? Mais, non, alors qu'elle aurait pu séduire n'importe quel bellâtre, non elle ne séduisait pas, elle se contentait de peu… de moi, elle était ainsi, ma femme à moi. Si bien, qu'après y avoir murement réfléchit, je passais une petite annonce dans « le chasseur français » (la toile n'existait pas encore dans ces temps non informatisés.) « Cherche homme, bien de sa personne, pour être l'amant de ma femme ! » J'avais joint des photos de face, de profils, de dessus, de dessous, de mon épouse, même des radios de son opération de la clavicule, toutes à son avantage, pour inciter davantage les postulants à postuler. Le croirez-vous, je n'eus que peu de réponses. Les intéressés devaient flairer une embrouille, ou prenait mon annonce pour un canular. Je dus me contenter des quelques postulants que je reçus et franchement, ils n'étaient pas folichons, les freluquets, moi, sincèrement, si j'avais été ma femme, je n'aurais pas été flatté(e), mais faute de grives, on mange du Belge. Je sélectionnais donc, dans mon échantillon réduit, un quidam qui avait plus du cheval que du Brel qui en avait pas mal pourtant de l'équidé, le Brel. Maintenant, il semblait avoir un peu de réparties, car en plus, ma femme était subtile et d'une intelligence intuitive exaspérante. J'organisais des rencontres en le présentant comme une vieille connaissance qui revenait de pays exotiques après moult aventures romanesques et épiques, je décrivais le personnage comme une sorte d'Ulysse ayant traversé l'Iliade et l'Odyssée à la nage. Je l'embellissais, je l'idéalisais, je le sublimais, j'essayais de le vendre, quoi ! On dînait souvent à la baraque à trois et des fois, à la baraque à frites, cela mettait en valeur le côté belge de l'amant présumé de ma femme.

Vous me croirez, si vous le pouvez, mais le mec, que je trouvais de mieux en mieux au fil des soirées, ne plut pas du tout à mon épouse. Elle préféra s'enticher d'un gus que je n'aurais jamais sélectionné. Non ! Sincèrement, elle aurait mérité beaucoup mieux que ça ! Bon, maintenant, les femmes n'en font toujours qu'à leur tête et ma femme était les deux ; femme de tête.

Si bien, que je suis resté avec l'autre et sa gueule de cheval, sur les bras. Nous vivons ensemble à présent, depuis que ma femme nous a quittés et je ne joue plus au billard. Nous restons souvent, comme deux vieux cons, devant des verres de gros rouge qui bave et qui tâche aussi, à évoquer les grâces de mon ex-épouse, pour moi, de sa pré-promise, pour lui. Nous l'aimons tant et tellement, ma femme, sa promesse !

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