L’amoureux pusillanime.

Hervé Lénervé

Association des Amoureux Anonymes. "Les trois A", alors que les andouillettes en ont cinq.

-         Bonjour, je m'appelle Hervé, j'ai cent ans et je suis amoureux depuis quatre-vingts années.

-         Bonjour Hervé, tu veux continuer.

-         Ben oui ! Je viens d'arriver… j'ai longtemps hésité avant de venir… je ne vais pas déjà partir… l'Amour a gâché ma vie !

-         Mais encore…

-         Non, rien d'autre, juste ma vie.

-         Un amour non partagé ?

-         Je ne sais pas, j'ai toujours hésité à lui déclarer ma flamme.

-         C'est dommage peut-être qu'elle t'aimait en secret, elle aussi.

-         Je préfère souffrir dans le doute en espérant que de souffrir dans un refus sans espoir.

-         Gâcher pour gâcher, tu devrais te déclarer pour savoir avant de mourir.

-         Pourquoi, vous me trouvez une mauvaise mine ?

-         Pas du tout, mais nous mourons tous un jour.

-         La mort sera pour moi une délivrance, je l'ai tant espérée et un peu aidée, parfois. Mais je suis un très mauvais tireur.

-         Il n'y a pas que le sexe dans la vie !

-         Non, je vous parlais de chevrotines à bout pourtant, même pas une égratignure, juste des dégâts collatéraux, un miroir, ça porte malheur, plus ma femme et mes deux enfants.

-         Tu étais marié ?

-         Oui, un mariage de convenance pour rassurer mes parents.

-         Je comprends, mais ils ne sont plus là, à présent, pourquoi ne pas franchir le pas ?

-         Ah, vous avez appris pour mes parents ? Un accident bête en voiture, le mois dernier.

-         Je te présente mes condoléances.

-         Pas de quoi, ils étaient assez âgés.

-         Oui ! Juliette, tu veux intervenir ?

-         Hervé, je t'ai toujours aimé également en secret, de mon côté, depuis notre première rencontre sur la meule de paille en 1954. Mais excuse-moi, je ne t'avais pas reconnu.

-         Juliette ! C'est toi ? Merde, tu as bien changé aussi, la vie ne t'a pas épargnée, ma vieille. Je suis déçu, tu viens de gâcher mon plus beau souvenir. Je suis en train de te perdre.

-         Excuse-moi, mon amour ! Mais il n'est pas trop tard, nous avons encore de belles années derrière nous.

Non, pour moi, c'est fini ! Ce n'est pas toi que j'aimais, c'était ta jeunesse. Au revoir les amoureux transis, je suis guéri ! Je pars enfin visiter le vaste Monde. A moi la liberté !

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