L'Angèle

Gabriel Meunier

La mesure du temps, une invention diabolique. (Jean de La Fontaine ?)
Il était une fois

un petit village perché sur une colline
de part et d'autre de la rue principale
les maisons de pierre s'étageaient sagement
harmonieusement sans la triste régularité urbaine

Bien sûr ce petit village avait son église
sa boulangerie son épicerie
ses cafés
...et son châtelain

Comme toujours
la grand'rue menait à la place du village
ou place de l'église
selon l'orientation politique de chacun

Approchant de la grille qui bordait la place
la vue sur la plaine enchantait doucement le regard
champs jardins toits d'écailles patinées
tout y était humain, sans aucune force démesurée

Les soirs d'été sous les platanes
quelques joueurs de boules
remarques plaisanteries ou compliments
fusaient jusqu'à la nuit

Nous souhaitions acquérir une corbeille à linge
une vraie corbeille
en osier pratique solide belle
en accord avec nos choix de vie

On nous avait parlé d'une vannière
une dame d'un certain âge
d'un fort caractère
l'Angèle

Un jour nous frappons à son carreau
après présentation des enfants
l'affaire se conclut
nous devons revenir dans un mois

Le mois suivant la corbeille n'était pas au rendez-vous
voyant notre dépit la vannière nous promet alors
Revenez dans quinze jours ! A quelle heure ?
Au bord de la nuit !

Cette précision nous laissa perplexe
pourquoi ne pas fixer une heure précise ?
si nous arrivions trop tôt nous risquions de la déranger
trop tard nous n'aurions plus assez de temps pour converser

Quinze jours plus tard
au bord de la nuit
nous frappons au carreau
la corbeille était là

Angèle était heureuse de nous recevoir avec les enfants
elle nous avait fait comprendre que le seul commerce est aride
que la confiance est une richesse immense
Angèle n'est plus là ; ni la corbeille

Les enfants ont grandi avec cette corbeille
ils ont compris la valeur du temps qui passe.
Angèle disait aussi
Celui qui a fait les jours, il ne les a pas comptés !


* photo (G.M.)  La plaine du Rhône, vue de la place du village de Brangues
  • "au bord de la nuit" et tout est bord de la nuit... les places de village.. comment sur le nil
    peut-on écrire moïse si il n'y a plus de vannier qui tressent les corbeilles à naître les enfants...

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Dsc00086

    mada

    • ah...les bords...mes marges...les marches...lieux historiques de tous les changements

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Gabriel Meunier

  • idyllique Angèle et fort beau texte ,
    néanmoins pour avoir , enfant , fréquenté la campagne , la vie y était dure pour beaucoup

    · Il y a plus de 2 ans ·
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    Susanne Derève

    • dure, oui, c'est vrai ; mais n'est-ce pas la seule façon d'apprécier la valeur de toute chose ?
      Quand je repense aux grandes "râlées" qu'on faisait en montagne, le vieux bout de gruyère avait du goût !
      Tu l'as remarqué, je crois, nous sommes pour la décroissance ! On ne va pas entrer en monastère...mais...

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • ça n'a rien à voir avec le fait de connaitre la misère

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Susanne Derève

    • simplement j'ai connu des "paysans" qui n'étaient pas riches, loin de là, mais qui ne se sentaient pas dans la misère, cette situation où rien n'est maîtrisé

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Gabriel Meunier

  • Très beau poème, je ne suis pas sûr d'en avoir saisi toutes les subtilités, et c'est ça qui ma plaît justement.

    · Il y a plus de 2 ans ·
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    Christophe Hulé

    • me plaît, pardon

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Christophe Hulé

    • Oh, il n'y a pas de subtilités ! Les campagnes étaient remplies d'artisans qui travaillaient beaucoup l'hiver, tout en continuant leur vie sociale.
      Nous avons tout "saucissonné" : la production d'un côté, les échanges "sociaux" (?) de l'autre, la santé devenue purement marchande et normalisée etc... Bref tous des robots / esclaves pour notre Roi

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • Heureusement qu'il reste de bons artisans, comme les boulangers par exemple!

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Christophe Hulé

    • ces jeunes qui reprennent le flambeau ont un courage extraordinaire
      dans cette commune la maire est très dynamique et n'a pas trop d’œillères
      les vieux artisans s'éteignent doucement...c'est une bibliothèque qui brûle

      · Il y a plus de 2 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • C'est une bonne image, comme les passeurs de lumière. J'ai chipé le titre à un roman sur les artisans du Moyen-Age
      On oublie les vrais trésors, qu'aucun algorithme à la con ne saurait reproduire.

      · Il y a plus de 2 ans ·
      Lwlavatar

      Christophe Hulé

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