L'arbre généa-logique.

Seb Fontenay Meaza

La peur est une formidable source d’inspiration. Aujourd’hui j’écris parce que j’ai peur.

Le soleil se couche tendrement sur les toits de la capitale espagnole. Et aujourd'hui comme par magie tous les mots courent dans ma tête. Ça fait déjà plusieurs mois que je les appelle, en vain, mais aujourd'hui ils me narguent. L'hiver a été doux, grâce à un automne très chaud. Un automne qui m'a permis d'être plus fort. Et d'oser connaitre le sens de mes maux. Alors cet hiver, même un peu triste, je souris en pensant à ma famille. 


Ma famille c'est un baobab, aux racines fortes. Des racines qui aujourd'hui commencent à s'affaiblir, faute de temps et de mauvais entretien sans doute. Mon grand père est l'une de ces racines. Bien que le baobab soit d'origine africaine, mon pépé, issu de la vieille école, la colonisé à l'espagnole, en laissant son emprunte sur le tronc et les branches. Il était un homme fort et un peu dur je dois dire, mais quand on voit la beauté du tronc, sans aucun doute, il a eu raison. En secret, j'ai toujours eu un peu peur de lui, comme de ceux qu'il a engendré. Pas une peur anxieuse, plutôt un peur de décevoir. C'est peut-être pour ça que j'en suis là aujourd'hui. Pour lui prouver que même s'il a souvent eu raison, il n'était pas le seul. En dessous de cette racine, une autre, plus fine, mais tout aussi forte, qui le soutient. Mémé. À toi je te parle directement. Parce que tu fais un peu moins peur (sourires). Mémé je te regarde encore avec ces mêmes yeux d'enfants, cet amour d'enfant. Pour de vrai c'est toi que je trouve la plus forte. Parce que je suis un peu comme toi sans doute. Un peu plus tendre que le reste. Du moins c'est ce que j'aime à croire. Alors pépé n'oublie pas que derrière chaque homme se cache une femme. Et la tienne est sans doute la plus humaine de toute. 


De l'autre côté de ce baobab, il y a plus de couleurs. Des pastels et des aquarelles habillent l'écorce pour lui donner fière allure. Et surtout pour cacher le fait qu'une des racines a été sectionnée un peu trop vite. Ma mamie, c'est une artiste. Et je sens le rouge de sa sève couler dans mes veines. Une artiste un peu trop aristo de temps à autres. Qui oublie, comme son fils, que la vie est simple et qu'au final le paraitre n'est pas si important. Elle a fait couler quelques larmes et secouer quelques branches un peu plus haut, mais c'est qu'elle est triste ma mamie. Elle est triste de ne plus avoir ce soutien de la racine sectionnée. Elle est triste de voir que le temps passe et fait souvent des dégâts. Elle est triste mais elle le cache quand même vachement bien. 


Le tronc de mon baobab à l'air très robuste, mais il est en fait très fébrile. Il n'y a pas si longtemps une belle partie de l'écorce a été arraché. Violemment. Une histoire de moto. Tout l'arbre s'en est retrouvé affaibli, le tronc particulièrement. Aux bords de se trou béant, on trouve une partie de l'arbre que je ne connais que peu. Culpa mia. Elle est souriante et collectionne. Mais le plus gros de son travail est de soutenir les trois branches. Seule. Et pour cela elle m'impressionne. Ses trois branches a elle sont déjà grandes et feuillues. Elle s'en sortent comme des princesses malgré les ravages de l'intempérie. 


En continuant de tourner autour de ce géant on trouve bien vite une écorce fine, claire et qui coure sur le tronc. On a l'impression qu'elle y dessine des lettres, des mots même. C'est une partie de l'arbre qui m'a toujours intrigué, car moins expressive. Un peu en retrait. Elle a bien su s'accompagner. Un bout d'écorce rouge vif, plus voyant la protège. Lui aussi semble courir, il l'accompagne. Avec humour. 


Vient l'écorce la plus jeune. Le cadet. Elle montre des craquelures sur toute sa robe. Plus profonde que ce que j'ai pu voir ailleurs. Au contraire du premier bout décrit, cette partie là je la connais bien. Je l'ai souvent considéré comme une branche, une branche soeur. Elle a toujours été dure, essayant de devenir comme la racine qui l'avait faite. Mais des fois je trouve qu'elle l'est trop. Elle ne se rend sans doute pas compte que celle qui l'accompagne est la pour l'aider à rester accroché au tronc, et non pas pour l'en faire tomber. A cette écorce j'ai essayé de dire, avec mes yeux d'adultes, mais c'est sans doute celle que je crains le plus de blesser.


Pour finir mon sur le tronc familial, au dessus de la racine pastel on retrouve une continuité. Une écorce colorée et simple, souriante et dévergondée. Elle a des influences d'Afrique, un peu Ivoires, des pièces rapportées du monde, dont un bourgeon qui commence à peine à éclore. Son complément est plus discret, mais beau et fort, et arrive a se plier en quatre pour combler toutes les imperfections. 


Les autres bourgeons sont plus jeunes, c'est pour ça que je n'ai pas encore trop de vocabulaire pour les décrire. Je sais simplement qu'ils sont pleins de vie, trop parfois, et très colorés, et j'aime ça. 


J'ai sauté volontairement une partie de l'écorce que je considère comme la plus forte, mais ça elle le sait déjà. Ou pas encore. Mais dans ce cas elle le saura bientôt.


Voici mon baobab, du moins ce que j'en vois de mes yeux d'enfant tout juste adulte. Il est sans doute bien plus complexe qu'il n'y laisse paraitre, mais j'ai toujours aimé la simplicité. Et puis pourquoi s'embêter à rentrer dans les détails quand on l'aime comme ça. 

Signaler ce texte