L’art de la pédagogie

Hervé Lénervé

Photo : Amérique centrales, Costa Rica, bus scolaire, ces « chicken bus » que nous connaissons tous, grâce aux séries américaines. Alors, quitte à faire dans le scolaire, on y va !

-         Pourquoi la température de l'air est-elle différente de celle du ressenti ?

-         Parce qu'il y a du vent !

-         Bien, le cancre au fond !

-         J'ai rien dit, m'sieur, c'est le radiateur !

-         Ecoute ! Tu as eu raison de t'asseoir à côté de lui, il a plus de jugeote que toi.

-         La chaleur, m'sieur c'est son truc, aussi !

-         Pas faut, Toto ! Je continue, donc le vent anime les molécules d'air, mais la température ambiante qu'elle soit mouvementée par les vents ou non, reste la même. Alors, il y a autre chose et quoi, selon vous ?

Silence d'une mouche qui vole dans la classe ou d'un ange qui passe, je les confonds souvent ces deux-là, mais Ô miracle ! Une main se lève.

-         Oui ! Toto ! Nous t'écoutons.

-         J'peux y'aller, m'sieur, j'ai trop envie !

-         Je me disais aussi. Vas-y Toto et prend ton temps, fait autant qu'il te faut pour tenir au moins jusqu'à la récrée. Je reprends, donc, Parce que l'homme, pour se protéger du froid porte des vêtements. Et ces habits vont emprisonner des molécules d'air dans leurs tissus. Ces molécules en contact avec notre corps vont se réchauffer lentement, graduellement pour se stabiliser à un intermédiaire entre la température ambiante et celle corporelle de l'homme qui est de… de…de… Oui, toto ! T'es déjà revenu, toi ?

-         Pas eu l'temps d'y'aller, m'sieur, j'ai fait dans ma culotte.

-         Bien ! assois-toi dessus, ça te tiendra chaud. Je poursuis, de 98.6° Fahrenheit, soit 37° Celsius, pour vous. Maintenant comme nos vêtements ne sont pas étanches, les courants d'air vont chasser ces molécules réchauffées des fibres du tissu pour les remplacer par de nouvelles, plus froides. Si vous roulez à moto, les cheveux au vent, la vitesse du déplacement va vous faire sentir l'air sur votre visage… Oui ! Quoi encore, Toto ?

-         Ma maman dit qu'il faut un casque pour faire de la motobylette.

-         Elle a raison, mais là, disons que ta maman était partie faire son marché, récurer ses casseroles, ou rejoindre son amant, mais bref ! elle n'était pas là et elle me laissait donc faire ma classe, tranquillement.

-         Ma maman n'a pas un amant !

-         C'était juste une image, Toto.

-         Elle en a plusieurs. Le boucher, le charcutier, le coiffeur… l'institu…

-         Pas de nom, pas de nom ! S'il te plait, assois-toi et laisse-moi persévérer. Notre visage n'est pas couvert d'une couverture, donc là on ne peut pas parler de vêtements. Oui ! Toto, tu m'épuises.

-         Des femmes mettent des niqabs pour ne pas avoir froid à la tête.

-         Elles les mettent aussi par temps de canicule, donc ça ne tient pas, il y a autre chose. Oui, Toto ?

-         M'sieur, demandez au radiateur, c'est lui le pro.

-         Il ne fait pas partie de mes élèves.

-         Raciste !

-         Pardon ?

-         Rien m'sieur, c'est pas moi, c'est le radiateur !

-         Toto sort dans le couloir, voir si j'y suis… Je m'acharne donc…

-         M'sieur, vous y êtes pas, y'a personne dans l'couloir, d'ailleurs y'a même pas de couloir, y'a que la salle de classe qui s'ouvre sur le champ de pavots.

-         Pfeufff ! Oui ! Revient t'asseoir et tais-toi s'il te plait, merci ! Quoi encore !

-         Quand il fait froid, ma maman, elle me met un passe-montagne péruvien tricoté main par des nains.

-         Tu dois être très mignon là-dedans, mais si elle pouvait te mettre un bâillon tricoté par ses soins et par la même occasion… Quand il n'y a pas de vent, les molécules sur notre visage, même sans vêtement n'ont aucune raison d'aller voir ailleurs si j'y suis.

-         Ah ! Vous n'êtes plus dans l'couloir, alors, m'sieur ?

-         Non, Toto, je n'y suis plus… elles y restent et se réchauffent un peu au moindre mouvement d'air, elles… OUI ! TOTO ! QUOI ENCORE !

-         Vous voulez que j'vais voir ailleurs, m'sieur pour vous retrouver.

 

Dring… Dring… Dring…

Sortez calmement et réveillez vos camarades endormis avant de partir. Allez les enfants à demain, nous verrons pourquoi les bateaux en fer flottent alors que le fer coule. Du moins si Toto laisse Archimède tranquille une minute.

Rectification technique socio-culturelle : la plus part des écoles au Costa Rica n'ont ni chauffage, ni climatisation, donc aucun radiateur pour souffler aux cancres.

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