Le bal des orgasmes

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« Mais, vous vous rendez à une soirée libertine que vous êtes habillées de la sorte ? »

 La fameuse verve des chauffeurs de  taxi venait une nouvelle fois de frapper. Insidieuse et incisive, malheureusement très pertinente, et qui avait le don de me mettre mal à l’aise. Alors que je me recroquevillais dans le siège, me remémorant les méandres traversés afin d’atteindre ledit lieu de ladite partie fine – voyage en métro, regards incessants, prise de la mauvaise ligne et arrêt à la mauvaise sortie, puis apostrophe d’un taxi pour rattraper la bévue des transports et ne pas arriver en retard- Constance fit claquer son effronterie.

 « Parce que vous pensez réellement que si on allait à une soirée libertine, on vous le dirait ? »

 Merci Constance, grâce à toi, les festivités risquent de commencer plus tôt que prévu, mais sans notre consentement. Le chauffeur quant à lui maugréa, puis opta pour le silence jusqu’à la fin de la course, nous déposant devant un magistral hôtel particulier. Mon stress reprit de plus belle. Je me demandais encore une fois dans quel pétrin je m’étais fourrée.

 Lorsque Constance m’avait appelée pour me dire qu’il y avait une soirée exceptionnelle qui se tramait, où il fallait être déguisée en princesses masquées, je n’avais pas hésité, j’avais dit oui tout de suite, sans me soucier de ce que c’était. Je savais juste qu’elle allait avoir lieu en petit comité, et sur invitation. C’était un ami qui lui avait refilé le tuyau, et elle ne pouvait pas ne pas m’en parler. C’est seulement une fois les rues de Paris arpentées à la recherche d’un costume digne de ce nom que Constance m’avoua l’enjeu de la soirée. Face à mon teint livide, et mon état proche de la catalepsie, Constance m’avait alors asséné d’un « Je peux y aller avec quelqu’un d’autre si tu préfères ? ».

Non non, Constance, je n’avais pas dépensé près d’un tiers de smic pour un costume qui ne serait admiré que par les portes de mes placards. Autant le mettre, quitte à ce que ce soit que pour cinq minutes. Mais la prochaine fois, préviens-moi à l’avance avant de me faire ce genre d’entourloupes.

 Confuse, à moitié excitée, curieuse, et espérant trouver les réponses aux nombreuses questions que je me posais sur le milieu libertin, je m’étais dit qu’il fallait tout de même que je la suive, et que – au pire- ça me ferait une anecdote à raconter.

 « Puis si tu ne veux pas participer, tu peux te contenter de regarder. »

 Plus nos talons hauts s’approchaient de l’immense porte cochère derrière laquelle se déroulait la soirée, plus je me sentais sortir de mon corps. Comme exaltée. Electrisée. Et c’est au moment où mon exaltation allait connaître son apogée qu’un valet ouvrit la porte et nous demanda nos cartons d’invitation. La porte s’ouvrit afin de nous laisser pénétrer l’antre de la luxure. Un homme d’une cinquantaine d’années, seul, nous succédait.

***

J’arrivais seul. J’avais prévu de venir seul, de repartir seul, mais de profiter de corps nus entre temps.

J’approchais de la salle de jeux pour adultes et déjà devant moi se dessinaient des courbes somptueuses. Perchées sur des talons raffinés et dont la hauteur donnait le vertige, deux jeunes femmes s’approchaient timidement de la porte. L’émoi et la pudeur qu’elles ne réussissaient pas à cacher sous leur costume suffisaient à réveiller en moi les sentiments les plus délicieux. La soirée n’avait pas encore commencé que mes sens se déchaînaient, et je pensais déjà à la façon dont j’allais posséder, peut-être, assurément, les doux sourires timorés qui me précédaient.

 Le carton remis à un valet, je me régalais alors de l’ambiance chaude et calfeutrée de l’espace de jeu. Habitué des parties fines, je mettais un point d’orgue à ne pas me retrouver dans une soirée vulgaire, cliché du vaudeville pornographique, ce qui malencontreusement arrivait plus souvent qu’à mon tour. Or, aujourd’hui, ce n’était pas le cas. Autour d’une ravissante table blanche recouverte de flûtes à champagne noires, de  la chair fraîche, candide faisait face aux habitués des lieux. Nul doute, il y aurait de l’initiation ce soir.

 Je me fis servir une coupe de champagne et m’assis sur un des cossus fauteuils qui avaient été installés pour l’occasion : des alcôves avaient été dessinées, des draps blancs et rouges parsemaient l’espace. Uniquement dédiée à la luxure, la bâtisse disposait de plusieurs chambres, permettant aux plus peureux et fébriles de se mettre à l’abri des regards indiscrets lors du passage à l’acte. Une lumière tamisée s’ajoutait à l’ardeur. La maîtresse de maison- une femme dont le charme et la volupté  faisaient frémir tous les convives- déclara les festivités ouvertes. Les couples d’une nuit, ou de deux heures, allaient pouvoir se former.

 Transporté, bourré d’entrain, je m’approchai des deux jouvencelles. Je n’avais qu’une envie, c’est que mon sexe se retrouve saisi par la main de l’une et la bouche de l’autre. Malheureusement, mes désirs furent rudoyés. L’une d’entre elle me dit non. Déçu, ces petites sottes n’allaient cependant pas me gâcher la soirée. Je détournai la tête et repris du champagne. Mes sens se concentraient alors sur la maîtresse de maison. Je parcourus la pièce à sa recherche, et la vis assise, les jambes écartées, le regard en direction des demoiselles qui m’avaient éconduit. Elles étaient en train de s’embrasser et de se caresser. Elles étaient le centre d’attention de tous les hôtes. Le valet, qui participait –en dilettante- sortit sa verge de son pantalon et commença à agiter son poignet de haut en bas. Mes yeux se dirigèrent de nouveau vers la maîtresse de maison, qui s’adonnait elle aussi à l’onanisme.

***

Oh oui Alice, tu n’allais pas regretter de m’avoir accompagnée ce soir.

Je ne lui avais pas avoué que j’étais bisexuelle,  et encore moins que lorsqu’il m’arrivait de rêver d’elle, je me réveillais en sueur avec une excitation telle que j’en profitais pour me masturber et ressentais de merveilleux orgasmes. Une orgie serait le meilleur moyen de la surprendre, et d’assouvir mes fantasmes.

 La maîtresse de maison venait à peine de finir son discours de bienvenue que le mec qui était arrivé en même temps que nous s’approchait. Sans hésiter, je lui fis « non » de la tête. J’étais venue ici pour tâter de l’étalon  -et de la Alice- pas pour servir de dévidoir à un mâle grisonnant sous viagra. Fière et impétueuse, j’allais jeter mon dévolu sur l’homme le plus sexy de la soirée : le valet. J’embarquais Alice par le bras. D’un pas décidé, je le fixais du regard. Il avait compris ce que je voulais, et il passa sa langue sur sa lèvre comme pour me dire « bientôt, c’est ton corps que je parcourrai de ma langue ». Prise d’un frisson, je resserrai le poignet d’Alice, qui ne comprenait pas trop ce qui se passait : son premier triolisme, sa première fois avec une fille.

J’étais sur le point de me jeter à l’eau, corps et langue déployée. J’embrassai le valet goulûment sans lui donner de répit. Il m’enlaça, et me colla contre lui, plus nos langues se caressaient, plus je pouvais sentir son sexe grandir. Deux baisers langoureux plus tard, il me mit de côté et s’enquit d’Alice. Devinant qu’elle n’était pas habituée à ce genre d’endroits, il s’approcha délicatement d’elle, sa main frôlant son bras, il déposa sa bouche contre son cou, je vis Alice frémir, puis il se mit à l’embrasser. Alice répondit à son baiser en agrippant ses fesses. Elle était plus entreprenante que ce que je m’imaginais. Le valet, dont j’ignorais le nom, ce qui était loin d’être ma préoccupation principale, se retira, nous saisit toutes les deux par la main, pour nous sommer de nous embrasser. L’hésitation d’Alice avait disparu, elle était entrée dans le jeu. Au lieu de glisser ma bouche contre la sienne, je décidais de la surprendre : je fis tomber la bretelle de sa robe, et déposai des baisers sur son épaule ainsi que sur sa poitrine. De légers picotements s’emparaient de moi, des frissons me traversaient les cuisses. J’avais envie de déshabiller Alice. Je la poussai dans un fauteuil et me mis en sous-vêtements, devant les yeux éberlués du valet. Mes mains parcouraient son corps : ses lèvres charnues, ses seins galbés, ses cuisses fermes. De son côté, le valet me saisissait la poitrine. La respiration saccadée d’Alice m’excitait de plus en plus, et les yeux des autres convives ne faisaient qu’attiser la flamme sexuelle qui était en moi. Je pris mon courage à deux reins, et enlevai le boxer d’Alice afin de glisser ma tête entre ses cuisses et d’asséner de fougueux  coups de langue  sur son clitoris. Elle gémit. Et m’agrippa les cheveux. Plus je la léchais, plus elle remuait et serrait mon cou. Le valet s’était éloigné. Ne nous perdant pas de vue, il se touchait vigoureusement. Il m’excitait. Alice m’excitait. Je fis glisser mes doigts à l’intérieur de son vagin, tout en continuant mes coups de langue.

Elle gémissait et se contractait de plus en plus dans ce grand appartement luxuriant.

*** 

Organiser une partie fine dans mon appartement était de loin la meilleure idée que j’aie eue. La pièce principale se remplissait au fur et à mesure, et je m’amusais à deviner les personnalités qui se cachaient sous leur costume. Il y avait d’abord mon valet, un de mes amis les plus proches dont je savais qu’il se régalerait ce soir, un homme d’une cinquantaine d’années que j’avais croisé dans d’autres soirées. Un habitué. De nouvelles courtisanes s’étaient présentées, sûrement recrutées par le bouche-à-oreille. Entre aficionados et novices, mes hôtes ne se mélangeaient pas encore. Il fallait donc que je prenne l’événement en main.

 « Mesdames, messieurs. Le bavardage n’est pas de mise, je vous saurai gré de débuter les festivités. »

 La messe était dite, je me rassis, et vis alors, sans hésitation aucune, les nouvelles courtisanes se diriger vers le valet, mon valet. Malgré leurs costumes, on devinait des corps magnifiques, pulpeux, gracieux. Je décidai de m’asseoir et de les observer. J’avais toujours aimé regarder.

Le spectacle était sur le point de commencer : la plus dévergondée des deux prit l’initiative  de se jeter sur mon valet, tout en tenant l’autre par le bras. Puis l’autre, à son tour, embrassa mon valet. Et finalement, elles s’embrassèrent toutes les deux. C’était ce que j’attendais. J’en profitais alors pour passer mes mains le long de mon corps. La moiteur de mon temple non vestalien se faisait ressentir. La fougue de leurs baisers me faisait tressaillir. J’avais envie de participer à ma façon. Ni une ni deux, j’entrepris de me masturber. Mes lèvres gonflées et humides, mon clitoris déployé, mes doigts l’avaient à peine effleuré que je ressentais une immense sensation de bien-être me parcourant le bas-ventre.

Puis la plus dévergondée se risqua dans l’exercice du cunnilingus. J’aurais, moi aussi, aimé sentir sa langue dans mon entre-jambe, me lapant avec allégresse. Et la façon dont sa captive tremblait montrait ô combien elle était douée pour cet exercice de linguistique.

Le rythme effréné de mes doigts, la contemplation de cette scène euphorisante eurent pour conséquence de me faire gémir. Je glissais alors deux de mes doigts dans mon vagin, tandis que de l’autre main, je continuais à choyer mon clitoris. Je voulais sentir des mains sur mes seins, je voulais sentir un homme en train de me prendre. Ma respiration s’accélérait, mon bassin se contractait, ma poitrine se bombait. Je sentais me corps me dire qu’il allait jouir, et j’espérais réussir à jouir en même temps que la courtisane léchée. Mais je ne pouvais plus me contrôler et un cri s’échappa de ma gorge tandis que des spasmes s’emparaient de mon corps.

J’avais joui. Et la lécheuse, m’entendant, relâcha sa proie, me regarda en se mordant la lèvre, puis se remit à lécher avec encore plus de zèle et de vivacité. Elle aussi voulait inoculer des orgasmes.

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