LE CHAOS SELON SOPHIE -3

Je me retrouve subitement au pays de mon père, là où le bonheur n'a plus de fin. Que les amis. Ceux de longues dates. Ceux de mes rêves. Je saute au coup de Ralph, il a retrouvé ses jambes et toute sa motricité.

Ce soir ils donnent un concert en l'honneur d'une personne que je ne connais pas. Mon père me sourit et m'indique les lieux, puis, il se fond dans un léger brouillard. Je désirais tant le prendre dans mes bras et lui partager toute ma souffrance, mais il semble que mon affection soit remise à plus tard.

Ralph demeure un moment, mais toujours aussi silencieux. Je lui demande pour Nani et il me fait signe que non. Je ne comprends pas bien, mais il s'éloigne, comme porté par ce vent qui m'effleure à peine. Il s'évapore à son tour.

Une main se pose sur mon épaule. Je reconnais le touché de Marie. Je me retourne. Elle est magnifique et ses cheveux conservent cette ondulation que j'aime tant. Elle me prend la main et m'entraîne dans une sarabande où les mots n'existent plus. Elle m'apparaît si joyeuse et si pleine d'énergie. Nous courons sur la plage. Le clapotis de nos pieds nous éclabousse de tendresse. Nous déambulons en bordure d'une mer si calme. À un moment, elle se penche et me lance de l'eau en plein visage. Je n'y vois plus rien. Je m'éponge tant que je peux et tout en souriant, j'ouvre les yeux. Elle s'en est allée, je demeure seule et triste.

Une bâtisse se dresse alors devant moi. J'entre. Il y règne cette atmosphère d'une belle époque, là où la fumée de cigarette enrobait toutes ces notes si douces à l'oreille. Je peux apercevoir mon père et Ralph sur une petite scène tout au fond. La salle est bondée. On me sert un verre que je n'ai pas commandé et je tente de me faufiler jusqu'à eux. Je pousse, je m'excuse et lentement, avec grande difficulté, j'y parviens. Plus personne. Ils ont tous disparu. Le piano et la contrebasse demeurent comme suspendu et inatteignable. Lentement tout disparaît à nouveau et je me retrouve sur la plage. Je les vois au loin, mon père, Ralph et Marie. Ils me font signe de venir, mais je ne peux plus bouger, quelqu'un m'en empêche. Je porte mes mains à ma figure et je désespère.

Une voix m'appelle soudainement. Je me suis étendue sur le sable blanc et j'ai toujours le visage recouvert de cette eau suave. Lentement j'ouvre les yeux. Angela se profile devant moi. Mon seul réflexe est de lui demander ce qu'elle fabrique dans mon royaume interdit.

Sophie L.