Le clan

Nicole Bastin

Ça pour râler, on râle.

On perd, on abîme, on déchire.
On disserte, on discute, on se dispute.
On bataille, on s'empaille.
On se cherche la petite bête et des poux dans la tête.


Être frangins, c'est vraiment un boulot à temps plein.
C'est que ça prend des heures, d'avoir le dernier mot!
Et toute la place, aussi.
Demande aux parents, il en faut de l'espace pour jouer des coudes. Surtout quand on est comme moi, coincé, au milieu.


Mais, quand d'un coup, d'un seul, je me retrouve tout seul, Violette chez sa mère, Mael chez son pote, voilà que je ne suis plus qu'un chat à qui on aurait coupé les moustaches.

Et tout le monde qui me tape dans le dos, complice.

« Alors ? On est fils unique, ce week-end ? ».
Fils unique... Je ne crois pas, non.

Ma grande sœur, mon petit frère, ils sont partout.

Dans le vide à mes côtés, sur le canapé.

les couverts en moins sur la table,

les chaises immobiles,

le silence derrière moi.

Plus de portes qui claquent, d'escalier qui résonne, de smartphones qui frissonnent.

Et la tarte est moins savoureuse quand la dernière part n'est pas un enjeu.

Bon après, je n'ai pas fait que tourner en rond dans le salon. Je me suis installé, j'ai pris mes aises. J'ai savouré quand même. PRO-FI-TÉ, comme on dit. De Papa et Maman, bien évidemment.

Mais quel soulagement, le dimanche, quand tout le monde est rentré, que le manège est reparti, le tourbillon a repris.

Tout notre petit monde, à nouveau, en mouvement. Le va-et-vient du quotidien, les rouages de la machine et son remue-ménage inévitable.


Et quand j'y réfléchis, je me dis qu'au complet ou pas,

là, pas là,

le clan fait partie de moi.


TIMothée



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