Le contraire d'un baiser

Quel est le contraire d'un baiser ?

Je me souviens du soir où elle m'a posé cette question.
Elle était en train de lire un roman, affalée dans son fauteuil préféré. Elle s'était emmitouflée dans la couverture de laine, elle avait fait son chignon des jours où on ne fait rien, des mèches blondes s'en échappaient sur son front.
Elle a le don de poser des questions incongrues, des questions sorties de son cerveau qui marche à mille à l'heure. C'est ça que j'aime chez elle. Quand elle pose ces questions, on dirait une enfant qui découvre le monde, avec les yeux grands ouverts et remplis d'innocence.
Je n'ai pas su répondre à celle là. Je m'étais contenté de l'embrasser et de lui dire une phrase du genre « Je ne sais pas ce qu'est le contraire d'un baiser, mais en tout cas je sais les apprécier ». Quand elle m'embrasse, je sens toute la douceur du monde sur ses lèvres.

Quel est le contraire d'un baiser ?

Aujourd'hui je sais répondre à sa question.
Le contraire d'un baiser c'est ce regard qu'elle est en train de me jeter. L'innocence a disparu, dans ses yeux je ne vois plus que colère et haine. Le contraire d'un baiser c'est sa voix qui me hurle des insultes. Sa voix qui se brise un peu plus à chaque syllabe.
Le contraire d'un baiser c'est la gifle qu'elle vient de me donner. Je l'ai méritée. Elle m'a laissé une marque sur la joue. Ça partira. Moi je lui ai laissé une marque qui ne partira pas. Le contraire d'un baiser c'est la porte qui claque derrière elle, et ses sanglots à peine étouffés que j'entends alors qu'elle descend l'escalier de l'immeuble.
C'est tout ça le contraire d'un baiser.