Le coucou suisse

Ding Dong... Portes et fenêtres s'ouvrent, comme dans un coucou suisse surpeuplé, avec un piaf derrière chaque ouverture.

Fenêtre du haut à gauche.

-         C'est à quel sujet. On a besoin de rien !

-         Je suis votre nouveau voisin.

Porte d'entrée, en bas.

-         Partez, je lâche les chiens !

-         Je voulais juste faire un petit coucou.

Fenêtre du bas, quelque part sur la jambe.

-         Ça commence par du sel et ça finit par s'inviter à diner. Pique assiette ! Raymond, amène la chevrotine !

Allez, je suis sympa, je vous fais grâce des autres ouvertures. Enfin, vous avez compris que si vous venez d'acheter dans le quartier, ne vous attendez pas à trouver une convivialité exacerbée de la part du voisinage.

Donc, dans cette maison-coucou de mégères et de grincheux habitait aussi la jolie Frida. Que l'on prononçait, jolaille Fridaille, pour se la péter.

Elle était belle comme un tableau de Picasso, période strabisme convergent. J'aurai bien aimé lui parler, mais comme ma présentation avec la famille ne s'était pas bien passée, j'hésitais à aller demander, au père, la menotte de sa petiote.

Nous avions pris l'habitude de communiquer par sémaphores. Elle à sa fenêtre, moi derrière mes barreaux. Nos échanges étaient certes rudimentaires, mais chargés d'une émotion sincère.

« Bâtiment en perdition. Longitude 39 degrés, Latitude 85 degré à point. »

Elle me répondait par l'horaire des marées. Magie des mots doux. Nous nous aimions.

Mais chez ces gens-là, monsieur, on n'aime pas.

On ne s'aime pas, monsieur.

On triche.