Le Courroux du Gourou
Hervé Lénervé
- Bonjour, voilà… bien… j'y vais, alors… je me lance… je m'appelle Hervé Lénervé. J'ai cinquante-huit ans et j'ai un cancer de la prostate, mais j'essaie sincèrement de me soigner et je fais tout pour me corriger.
- Oui ! C'est très courageux de ta part, Hervé, mais ici, c'est une réunion des alcooliques anonymes.
- Qu'est-ce que vous pouvez être sectaires et exclusifs ! Ah, mais j'oubliais ! Je suis alcoolique aussi, à mes heures creuses ! L'un n'empêche pas l'autre, après tout. Mais je ne bois que quand je suis réveillé, alors que mon cancer, je l'ai même quand je dors, donc je me définis davantage comme cancéreux, que comme alcoolique. Puis c'est plus prestigieux ! N'est-il pas ?
- Nous ne sommes pas ici pour juger. Il faut laisser tous ses préjugés, tous ses aprioris à la porte.
- De quel côté de la porte ?
- A l'extérieur, bien sûr !
- D'accord, cela méritait d'être précisé ! Comme je vais dans d'autres réunions où il faut laisser tous ses vêtements à la porte, mais à l'intérieur, cette fois. Vous êtes donc le Grand Gourou !
- Mais pas du tout, il n'y a pas de gourou ici, nous sommes tous dans la même problématique, celle des nuisances de l'alcool, sur notre famille, sur notre vie, sur nous-mêmes, comprenez-vous ?
- Evidemment, je ne suis pas si débile de la tête aux pieds ! Mais il faut quand même une certaine structure dans vos réunions. Je ne sais pas, un rédacteur qui prend des notes, un détracteur qui les critique, un vérificateur qui les accepte ou les refuse, un censeur qui biffe, une décolleté qui baille, un dérailleur qui change de braquet, un directeur qui directige, un…
- Non ! Non ! Rien de tout cela ! Nous sommes libres de parole et d'actes.
- Ça n'existe pas cette liberté-là !
- Pardon ?
- Cette liberté totale n'est qu'un leurre, tout juste bonne à berner les naïfs et les crédules comme toi. L'homme ne peut pas être libre, car il est multiple et vit avec des multiples.
- Je ne suis pas d'accord avec vous.
- Si je suis totalement libre, je me fous éperdument de ton accord ou ton désaccord.
- Mais enfin, Hervé, on est obligé de respecter autrui et les personnes qui ont le courage de venir ici.
- C'est bien ce que je disais, on est enchaîné, donc !
- Bon, admettons, effectivement, une légère contrainte existe toujours.
- Légère ? T'en as de bonnes, toi ! Elle est tout, sauf légère ta contrainte, elle est totalitaire.
- Mais pas du tout !
- Prouve-le !
- Tout ne peut pas se prouver !
- Ça, c'est facile ! Assénez des vérités essentielles sans aucun étayage argumentaire, c'est bien vous, ça ! Vous, les anonymes imbéciles.
- Les alcooliques anonymes, s'il vous plait !
- Tu aimes jouer sur les mots, toi ! Enculer les mouches en quatre. De toute façon, je me suis trompé, je pensais être dans une loge maçonnique.
- Effectivement, vous vous êtes trompé, donc nous allons continuer le tour de table.
- Attend, une minute le gourou, on a qu'à voter ! Ça, c'est démocratique.
- Je ne suis pas un gourou, merde ! Et voter sur quoi ?
- Voter pour savoir si on maintient l'asso, telle quelle, ou si on la transforme en loge maçonnique. Ceux qui sont pour le changement, pour l'évolution, pour des lendemains qui chantent dans un Monde meilleur, beau et généreux, pour l'avènement de l'homme révélé, lève la main !
- Non ! Non ! C'est n'importe quoi ! On ne vote rien du tout ! Si vous voulez être franc-maçon allez dans un bâtiment pour cela. Mais laissez-nous régler nos problèmes.
- De toute façon, vous ne réglez rien du tout. Sorti d'ici, vous vous retrouvez tous au bistrot pour les heures sup. Autant, voter !
- Non ! On ne vote pas !
- C'est toujours pareil avec vous les tyrans, vous avez peur de perdre votre petit pouvoir et pour le conserver, vous sacrifiez ces braves gens qui préfèrent certainement être maçons qu'alcooliques. Allez ! on vote maintenant pour trouver un nom qui claque à notre loge. Je propose : la loge de « la Grande Concierge ». Qui est pour ? Oui, jeune homme et déjà saoul ?
- Pourquoi pas de « la Grande Conscience ».
- Non ! Ça sonne mal et ça fait trop populaire ! Je concède à la rigueur de « la Grosse Concierge ». On vote ! Qui est pour ?
- Et si on prenait le nom de la loge de « la Concierge est dans l'escalier ».
- Mais arrêtez à la fin ! Vous êtes tous devenus fous, ma parole !
- Ça y est, il faut encore qu'il la ramène, le gourou à sa mémère.
- Ça suffit, maintenant ! Je vais vous demander de sortir immédiatement, Lénervé, vous perturbez la séance.
- Oh ! Il est courroux, le gourou !
- Je ne suis pas un gourou ! Merde à la fin ! Sortez !
- On vote ! Qui est pour que le gourou soit destitué ?
- Mais c'est n'importe quoi, vous êtes tous devenu fous !
- Je compte ! Bien ! A huit voix contre deux le gourou est renversé de travers, remercié de s'en aller ailleurs, voir si on n'y est pas. Il faut le marquer au procès-verbal. Qui rédige ? Tien toi, la petite mignonne à lunettes, tu dois être une intello ou à minima, savoir écrire.
- Pardon, Hervé ! Moi, je n'ai pas levé la main, mais je voulais voter blanc.
- C'est vrai, j'avais oublié. Qui s'abstient ! Vous deux ! Allez, faites pas chier ! Votez contre l'alcoolisme et pour le cancer, comme ça, on a l'unanimité, c'est mieux pour le quitus et mieux pour vous en vous conformant au groupe des frères francs du collier à franges.
- Oh et puis merde ! Je préfère me retirer. C'est devenu vraiment n'importe quoi !
- De toute façon, tu n'as pas le choix, personne ne veux te parrainer pour entrer dans notre loge. Allez, claque la porte en partant, on a du boulot, il faut créer les statuts de notre secte.
- Bande de cons !
Non ! De maçons ! Tient, toi, la petite intello mignonne à lunettes, vient t'assoir à côté de ton nouveau gourou. Tu auras la charge honorifique de laver et de repasser ma chasuble et de chauffer de ton corps ingénu et nu, les draps de ma couche.
Les pros se tâtent pour entrer dans ta Loge...
· Il y a environ 7 ans ·arthur-roubignolle
Ma loge, ça va ! J’avais lu ma toge. Alors là, non ! Personne, pro ou pas, n’entre dans ma toge.
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
Vous êtes plutôt frère 3 poings vous non? hi hi!
· Il y a environ 7 ans ·lastsecond
Je ne sais pas trop, j’hésite… En vérité, je vous le dis, je ne sais pas, ce que peut bien être, un frère à 3 poings de côté. Aucune idée ?
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
Cette prose tâte juste.
· Il y a environ 7 ans ·yl5
Au jeu de la concision et de l’économie :
· Il y a environ 7 ans ·- 4 mots, pas mieux !
Hervé Lénervé
On peut appeler cela Esprit de chapelle, cénacles ou clans mafieux... J'en passe et des meilleurs, c'est la triste (?) réalité... (attention : lèvent la main)
· Il y a environ 7 ans ·Gabriel Meunier
Rien compris à ton commentaire ! Moi, je parlais seulement d’amour désintéressée, de générosité désincarnée et d’empathie désossée, obligatoires et punit d’amende de peine capitale pour non-respect des préceptes altruistes. :o))
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
ma remarque ne portait que sur l'attitude, les tendances de pas mal d'assos qui ne veulent voir QUE leur problème ! C'est tout
· Il y a environ 7 ans ·Gabriel Meunier
A sa porte, on ne voit que son paillasson. ;o))
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
bien dit
· Il y a environ 7 ans ·Gabriel Meunier