Le Da Vinci Café et autres provisions extraordinaires

azakura-san

Et me voila rendu à la maison, revenant des courses chez Lidl et Leader Price, car oui, il faut bien dire que lorsqu'on a peu de moyens, d'autant plus en ces temps difficiles, il y a une bonne majorité de produits pour lesquels il est plutôt préférable de ne pas mettre trop cher.

J'entrais donc dans ma cuisine, et installant mon cabas sur la table, je commençai à déballer mes derniers achats. Jusqu'à me retrouver face à face avec ce mystérieux paquet de Da Vinci Café, affichant une énigmatique Joconde sur son emballage. Interloqué, je restai un instant à contempler cet étrange choix marketing. Qu'avait-on voulu suggérer ? Y avait-il là un obscur message caché ? Pour moi qui avait lu le Da Vinci Code quelques semaines auparavant, autant vous dire que cela ne faisait aucun doute.

Pourtant, les grandes marques, elles, se contentent pour la plupart d'utiliser un nom de produit aux consonances africaines ou sud-américaines pour vanter les qualités de leurs cafés exotiques. Certes, il y a bien aussi les grands cafés italiens, mais pour nous, pauvres consommateurs aux ressources modestes, pourquoi nous fallait-il quelque chose d'aussi hermétique ? Étions-nous censés avoir une révélation, une illumination en dégustant ce somptueux café ? Je me le demandai sérieusement.

Absorbé par cet impénétrable sourire qui fit s'interroger des dizaines et des centaines de philosophes, critiques et autres historiens de l'art aux travers des âges, tutoyant le savoir-faire et l'incommensurable génie de Léonard de Vinci en personne dans ma petite cuisine de douze mètres au carré, j'attendais une vision qui, finalement, me vint de ma conserve de cassoulet Charles Christ.

Car voyez-vous, dans "Charles Christ", il y a "Le Christ"! Interdit devant cette découverte des plus troublantes, presque méfiant, j'en vins à me demander pourquoi et comment on avait eu l'idée d'attribuer la création d'une recette de cassoulet industriel à un quasi-homonyme du messie des chrétiens, fils du Créateur. Cette production de masse, générée par la société de consommation dans laquelle nous vivons, devait-elle devenir une allégorie de la multiplication des pains ? Confus, déconcerté et perturbé par tant de questions inutiles qui se pressaient dans mon esprit, les choses devinrent plus compliquées encore lorsque rangeant cette mystique conserve avec précaution, mon regard se posa sur une autre boite du même produit, qui m'était restée de la dernière fois. De marque « Les Légendaires »...

Comment un cassoulet pouvait-il bien être légendaire ? Une légende, n'est-ce pas une chose dont le souvenir parvient à traverser les siècles de par son caractère exceptionnel ? Il me prit alors d'imaginer un repas de famille avec mes beaux-parents le dimanche, à leur servir cet illustre et mythologique cassoulet. Ferait-il de moi une véritable légende vivante de la gastronomie traditionnelle ? Serions nous alors tous transportés aux temps des Ducs et autres Comtes de Gascogne, en pleine guerre de Cent Ans ? À déguster cet utopique cassoulet en une fabuleuse Cène présidée par Charles Christ lui-même ? Repas à l'issue duquel un ineffable Da Vinci Café nous emporterait aux portes de ce que le conscient ne peut concevoir, répondant à toutes nos questions les plus existentielles ?

Ou bien, de ce que mes beaux-parents se souviendraient de ce jour là, n'y aurait-il de légendaire que le fait de leur avoir servi un cassoulet particulièrement dégueulasse ?

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