Le dîner, effet de lampe: Ambiance

vividecateri

Une servante sert le dîner. On est au fromage...

Cela fait trois mois maintenant, que je travaille comme bonne dans cette famille bourgeoise.

J'ai été recommandée à Madame par son amie Claire de Nouy.

Madame est très gentille, très douce, très féminine, très…bourgeoise.

On dirait une petite souris toujours très active et inquiète.

Elle est souvent habillée en rose.

Elle déborde d'amour pour ses enfants.

Monsieur Max est un adolescent très timide et Mademoiselle Madeleine une petite fille rêveuse et espiègle.

Monsieur est un peintre célèbre. D'après Marie, la cuisinière. C'est un anarchiste.

J'ai vu ses toiles, elles sont bizarres, certaines feraient presque peur!!!

Monsieur, n'est pas le père de Max et Madeleine, c'est le second mari de Madame, le premier s'est suicidé à ce qu'il paraît. Il ne faut surtout pas en parler.

On dit dans le quartier, que Monsieur a quitté une brave femme du peuple pour épouser la "Bourgeoisie" et son argent.

Le père de Madame est très riche et est marchand d'art… tout s'explique!

Mais, ce n'est pas mes oignons. Le plus important, pour moi, c'est le bon salaire que je reçois tous les lundis. Grâce à cela, je peux payer le loyer de ma petite chambre.

La maison est agréable, pas trop difficile à entretenir. Ils sont aimables avec moi et Marie me donne toujours les restes des repas.

J'ai une bonne place. Je tiens à la garder.

Ce soir Marie, m'a laissé dresser la table pour le dîner, elle m'a confié le service pour la première fois. J'ai fait mes preuves, a dit Marie.

Je suis très fière de ma décoration. J'ai posé une nappe blanche avec des grosses rayures rouges sur la table ovale. la vaisselle est en accord et l'argenterie brille. J'y ai placé en son centre un joli plat rond avec des fruits frais et des secs. Je n'ai pas oublié le casse noix!

Comme madame aime les fleurs, j'ai placé devant son assiette une corbeille garnie d'asparagus.

Marie a trouvé que c'était trop chargé. Que cela cachait Madame.

Mais madame a rétorqué que c'était très joli.

J'ai allumé le luminaire à Gaz pour vérifier la beauté de mon travail .

C'est parfait dans la lumière.

J'aime beaucoup le petit chat qui sautille sur l'abat-jour. On dirait qu'il court dans la lampe.

Le dîner se passe bien, enfin, je crois, car ils ne parlent pas beaucoup.

Ils mangent et ils se regardent de temps en temps en souriant.

C'est tendu comme ambiance.

Monsieur paraît soucieux.

Madame sonne. J'arrive avec le fromage.

Lorsque soudain, Monsieur s'adresse à la petite.

Je m'arrête derrière Monsieur, en attendant que Madame me fasse signe de présenter le plateau.

- Madeleine, Qu'avez-vous fait cet après-midi?

- J'ai lu, Monsieur.

- Qu'avez-vous lu?

- "Un bon petit Diable" de la Comtesse de Ségur

- C'est en lisant ce livre que vous avez appris à désobéir?

Silence…

- Je vous avais demandé de ne pas entrer dans mon atelier.

Vous avez passé outre cet ordre.

Vous avez joué avec ma palette, mes pinceaux, mes tubes de peintures.

Vous avez barbouillé, je ne sais quoi, un semblant de bouquet de fleurs sur une toile que j'avais préparée pour mon prochain travail.

C'est inadmissible! Vous méritez une punition!

Qu'avez-vous à me répondre pour cela?

Madeleine baisse la tête, ses boucles brunes cachent son visage, ses épaules s'arrondissent. Et soudain elle se redresse.

Elle regarde les fruits avec envie comme si elle ne voulait pas entendre Monsieur.

Ses lèvres sont presque mauves tellement elles sont serrées. Ses narines sont dilatées comme si elle s'empêchait de respirer.

Elle a caché ses mains sous la nappe.

Madame regarde son enfant chérie.

Elle doit se demander ce que la petite va rétorquer, elle est inquiète, elle a peur, je remarque que sa main s'est refermée avec force sur la serviette.

Max s'arrête de manger, ce grand dadais est ridicule avec le croûton de pain devant son museau de fouine. J'ai l'impression, qu'il veut faire comprendre à la petite, en se bouchant la bouche et en levant discrètement la main, qu'elle doit se taire.

Le temps s'immobilise. Seule l'horloge fait du bruit.

C'est peut-être la lumière qui se reflète sur la nappe… On dirait que le dos de Monsieur s'élargit et grandit, comme une énorme masse noire, une ombre menaçante qui va bondir sur l'enfant.

Une éternité passe, je ne sais que faire. Je n'existe plus. Je reste figée.

Madeleine, semble réfléchir. Elle fixe Monsieur.

Je ne me trompe pas, je suis époustouflée, elle est si jeune!

Il y a à la fois, du défi, de la haine, de la déception, de l'ironie, du mépris, de la provocation dans ce regard d'enfant.

- Monsieur, dit-elle sèchement.

C'est presqu'un cri, un claquement, le silence qui devenait pénible, semble déchiré.

La lumière a pris possession du visage de Madeleine.

Je ne vois plus qu'elle, son visage est transfiguré. La fillette est devenue adulte.

Tous, nous sommes hypnotisés par les yeux immenses et noirs de Madeleine.

Ils transpercent l'homme. Ils le tuent.

Sa voix est claire.

- Vous n'avez pas d'ordre à me donner.

Vous êtes un imposteur, un intrigant.

Vous ne remplacerez jamais mon père.

Je vous déteste.

  • Scène bourgeoise très vraie! J'ai fait lire ce texte à mon copain Zola (Emile, un écrivain plutôt de gauche). Il a dit que la p'tite Madeleine avait de l'avenir en criant "j'accuse" à ce peintre pas clair...

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Oups! j'espère qu'Emile n'en fera pas toute une histoire!!!
      J'aime vos commentaires, Merci!

      · Il y a plus de 10 ans ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

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