Le droit de se taire

Chris Toffans

Chroniqueur au journal satirique "Le Connard Déchaïné", Laboucle commençait à se faire un nom dans le cercle très fermé des polémistes contemporains. Ainsi que son pseudo ne le laissait pas entendre, Laboucle n'avait pas sa plume dans sa poche lorsqu'il s'agissait de remuer les tisons sensibles de l'hypocrisie politique. Sa chronique intitulée "Tour d'oraisons" avait d'ailleurs un écho de plus en plus favorable au sein du lectorat anarcho-gauchiste mais également parmi les couches populaires en général, ce qui avait pour conséquence d'irriter passablement la classe politique concernée. Sa dernière production, dont voici quelques extraits, n'était pourtant pas la plus caustique, mais elle a semble-t-il contribué à signer son éviction définitive de la presse satirique française.

Allongements et réductions du temps de travail
Yves Cochet, membre du parti Europe Ecologie Les Verts, a confié récemment qu'il était personnellement partisan de la semaine de travail de 28 heures. A l'UMP on ne pense pas à la semaine mais à la journée de 28 heures. Une journée qui heureusement devrait inclure 4 heures supplémentaires non imposables (merci Monsieur Plus).

Ca fait du bien là où ça fait mal
Pour Marine Le Pen, les Français ne veulent pas se faire avoir une deuxième fois par Sarkozy. Ils ont peut-être envie d'essayer quelque chose de plus costaud maintenant qu'ils ont l'habitude de l'avoir dans l'oignon par la majorité pestilentielle.

La France bleu blanc rouge
Aux dires de Nathalie Kosciusko-Morizet, voter Hollande c'est voter blanc. C'est vrai que la parti socialiste n'a pas encore vraiment annoncé la couleur question programme. Mais élire à nouveau le pouvoir en place qui a mis tous les comptes dans le rouge, c'est vraiment voter nul.

Des bizuts sur la touche
Ancienne élève d'HEC à Sainte-Geneviève (Versailles), la ministre du budget Valérie Pécresse a déclaré sur RTL qu'elle avait subi un bizutage extrêmement dur en classe préparatoire : "Je garde le souvenir de rites humiliants qu'on peut supporter quand on est soi-même très solide". Cette épreuve lui a sans doute servi, si l'on en juge par l'aplomb avec lequel elle a réagi après s'être fait publiquement taper sur les doigts pour sa mauvaise gestion de la campagne pour les régionales en Ile de France.

Laboucle, de son vrai nom Mohammed Tari, a en effet été victime d'une loi récente, aussi inutile que scandaleuse, qui interdit aux ressortissants étrangers diplômés de rester sur le territoire français. Malgré le fait qu'il ait terminé avec succès ses études de journalisme dans une école renommée, Mohammed n'aura malheureusement plus l'occasion de faire profiter les lecteurs de ses analyses décalées, dont l'humour corrosif n'a d'égal que la pertinence. La source est tarie, Laboucle l'a bouclée.
Au Connard Déchaîné, l'indignation n'a pas manqué de toucher l'ensemble des membres de la rédaction et plus particulièrement son confrère et ami Chris, qui s'est fendu d'un billet d'humeur chargé d'émotion dont l'ironie amère transpire encore dans les pages de l'hebdomadaire parisien :

Vers un label "Merde in France"
On aura vraiment tout essayé (comme Ruquier), parfois jusqu'à l'abus (comme Delarue), mais le problème c'est qu'on n'a toujours rien compris (comme Castaldi). La crise avance pendant qu'on recule et un jour ça va faire mal. On a pourtant tenté de combattre ce fléau par tous les moyens ; sans le moindre succès. De la déroute du Rom au printemps des Gitans en passant par le mystère des voix bulgares, la volonté de trouver des têtes de Turcs dans l'Hexagone aura été aussi farouche que vaine. Par dépit, de plus en plus de politiques se mettent aujourd'hui à vanter les mérites du protectionnisme, un système que la plupart d'entre eux ont pourtant critiqué pendant des décennies. Il faut cependant avouer que l'idée de tendre vers une autosuffisance économique n'est pas dénuée de bon sens. D'autant que, comme le précise le fameux dicton, on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Oui la France doit retrouver sa superbe, et pour ce faire il faut qu'elle retrouve son identité. Lorsque nous aurons cessé d'acheter chinois, de malbouffer amerlock, de rouler allemand, de danser brésilien, de draguer italien, de parler franglais, d'adopter vietnamien, de voyager espagnol et d'immigrer africain, alors seulement nous nous sentirons sur notre terre. Nous serons bien chez nous, entre xénophobes, arriérés, intolérants, chauvins et réfractaires.

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