Le homard.

effect

Le bordel était juste en dessus. On tapait au radiateur pour le faire taire.


Quand on veut partager sa pitance
Et que seul on ne peut la manger qu'à demi,
C'est une grande imprudence
Que d'inviter son meilleur ami.

C'était l'année où je calquais ma poésie sur du La Fontaine. Je m'exerçais à faire mon beurre avec non pas des poules et des renards, mais avec des moules et du pinard.

C'était l'année où j'habitais l'océan et la houle. Je naviguais du matin jusqu'au sommeil, j'attrapais homards et merveilles, aussi parfois requins. J'invitais notables émérites comme n'importe qui, poupées à la fringue Miyake, jardiniers à la fleur de Kenzo, journalistes d'Arte, boutons de porte en promo ou accessoires en kit, festoyer à ma table.

« Quelle est bonne ta salicorne ! » disait l'homme de la Sorbonne avec appétit.

« C'est quoi la salicorne ? » demandait Estelle toute ahurie.

« C'est ce que t'as dans ton assiette, patate ! » répondait le petit flacon ouvert, de gris vêtu.

Jusqu'au homard, rien ne volait très haut, tout roulait au minimum, très peu à la hâte. Les discussions semblaient comme une lime à ongle posée sur un coussin affaissé: l'hyponychium n'en aurait souffert.

C'est alors que Betty susurra à mon oreille :

« Très cher, balancez-leur la viande, il y a de quoi manger dans les pattes ! »


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