Le jardinier

yunahreb

 

Les parfums du jardin, toutes ces fleurs découpées, cisaillées, contre leur gré. Elles ravissent la beauté de ce matin de juin. Ce jeune Roumain est chargé d'ajuster, taillader et esthétiser les lieux où vont se poser mes yeux. Ravi et ennivré, le sourire flanqué sur tout son corps, le jardinier m'accueille ennorgueilli d'un travail qui se veut plaisir de me ravir. Catapultée par ses yeux de braise, j'en oublie les parfums et la beauté de ce jardin. J'oublie son labeur. Je cherche en mes sens le moyen de me faire terre de labeur pour qu'il vienne me poinçonner de ses instruments. Plaisir ajusté, sens alanguis, je tangue et je chavire sous son sourire. Sa sueur aiguise mes narines d'odeurs de verdure et de nature. J'aime son odeur, je hume sa transpiration. Mes instincts s'éveillent et ma robe de chambre se laisse glisser à terre, comme un signe de ma servitude. Son regard jette sur moi des couleurs de tendresse. Et je me laisse posséder. Et je me laisse empâler, par sa douce ardeur.

Allongée sur la pelouse, je prie que cet instant ne meurt jamais. Je sens alors qu'il a jailli en moi. Il en a déjà terminé avec moi. Quelques minutes de délice happées par la précipitation de ce jeune et fougueux esthète. Il est reparti labourer, tailler, cisailler, et je reste là, pantelante, allongée sur un morceau de gazon. Souillée et incomplète d'une passion trop précipitée. Je ne me sens pas le coeur à l'éduquer. Je tourne mon coeur dans ses sombres torpeurs, telle une femme baffouée et trahie par la candide jeunesse de son partenaire. Les larmes envahissent mes yeux, trahissent mon chagrin, et donnent sens au blasphème.

 

La prochaine fois, nous nous mélangerons sous les palétuviers, ce sera mieux...

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